Start-up de la semaine : au Nigeria, Lidya révolutionne le crédit bancaire
Créée fin 2016, la start-up nigériane spécialisée dans les services financiers digitaux a déjà accordé, via sa plateforme digitale, plusieurs milliers de prêts à des TPE et PME.
En mai 2018, la start-up nigériane, cofondée par Tunde Kehinde et Ercin Eksin, a levé 6,9 millions de dollars (5,8 millions d’euros) à l’issue d’un deuxième tour de table (série A), avec pour principal investisseur l’américain Omidyar Network, le réseau du fondateur d’eBay. La plateforme digitale, spécialisée dans l’accès au crédit pour les très petites (TPE), petites et moyennes entreprises (PME) réalise ainsi l’une des plus importantes levée de fonds enregistrées au Nigeria dans le secteur des tech.
Depuis sa création en novembre 2016, Lidya a accordé plusieurs milliers de prêts à des TPE et PME opérant dans divers secteurs (agriculture, hôtellerie, logistique, commerce, immobilier, tech, santé, etc.). Leur montant varie de 150 à 150 000 dollars. « Nous partons du principe que, si tu es un bon entrepreneur, tu dois pouvoir accéder facilement au crédit pour faire grossir ton entreprise », explique Tunde Kehinde dont le discours commercial est bien huilé : « Prenons un exemple : si un épicier achète dix caisses de Coca-Cola par semaine, nous l’aiderons à en acheter douze”, ajoute-t-il. Une « relation gagnant-gagnant » à tous les niveaux, souligne le start-upeur, aussi bien pour l’entrepreneur et son fournisseur que pour la banque.
Des taux d’intérêts compris entre 2,5 % et 3,5 %
Un marché qui présente un fort potentiel, puisque le manque d’accès au crédit des TPE et PME, rien qu’au Nigeria, est estimé à 25 milliards de dollars, selon l’International Finance Corporation (IFC).
Quelque 120 000 entrepreneurs nigérians ont déjà ouvert un compte sur la plateforme dont près de 70 banques et institutions financières sont partenaires, parmi lesquels Mastercard, Expedia et GTBank. Pour demander un crédit, il suffit d’ouvrir un compte, gratuit, en ligne ou via l’application et d’y renseigner ses coordonnées bancaires et ses extraits de compte. Lidya s’engage à fournir une réponse en moins de 48 heures, et à débloquer aussitôt les fonds si le crédit est accordé.
« Notre technologie nous permet d’établir un scoring de chaque utilisateur à partir d’une centaine de données de référence », poursuit Tunde Kehinde. Sans rien dévoiler de leur algorythme, le cofondateur de Lidya se targue d’un taux de défaut étonnamment bas : 0,9 % seulement. « Notre objectif est de construire une culture du crédit avec nos clients », ajoute Tunde Kehinde, en leur proposant une offre de crédit adaptée à leur profil de risque, avec des taux d’intérêts relativement bas, variant de 2,5 % à 3,5 %.
Anciens de Jumia
La start-up nigériane se rémunère uniquement sur l’allocation de crédits mais participe activement, à travers ses différents services, à la digitalisation des TPE et PME nigérianes, en proposant par exemple à ses clients un terminal de paiement. « Plus leur part de cash diminue, plus nous leur proposons des offres de crédit intéressantes », poursuit le cofondateur de Lidya qui refuse de divulguer son chiffre d’affaire. Via la plateforme, les utilisateurs peuvent également gérer leurs flux de trésorerie, leurs données clients, créer et envoyer leurs factures électroniques.
Tunde Kehinde et Ercin Eksin, tous deux âgés de 35 ans, se sont rencontrés à Jumia, le géant africain du e-commerce, dont l’Américano-Nigérian Tunde Kehinde a participé au lancement au Nigeria, en 2012. Dès l’année suivante, il travaille aux côtés du Turco-Belge Ercin Eksin, directeur d’exploitation de Jumia Africa, responsable des opérations dans les six plus gros marchés africains du site internet.
Hommage aux Lydiens
Rapidement, ils sympathisent et créent leur première entreprise. « Nous étions complémentaires du point de vue de nos compétences, et, qui plus est, amis, raconte Tunde Kehinde dont les deux parents sont entrepreneurs. On s’est simplement dit : pourquoi pas faire quelque chose ensemble ? »
C’est ainsi Africa Courier Express (ACE) voit le jour, en janvier 2014. En quelques années, cette société de 150 salariés est devenue l’un des plus gros fournisseurs de services de logistique au Nigeria : 1 000 colis acheminés par jour vers l’international et près de 3 000 entreprises clientes.
« Nous étions déjà conscients des difficultés des marchands à accéder au crédit. Même pour emprunter 1 000 dollars, c’était un problème ! », raconte Tunde Kehinde. Sur leur lancée, les deux associés décident d’y apporter une solution. En novembre 2016, ils montent leur deuxième affaire : Lidya. Un nom qu’ils choisissent en référence aux Lydiens, une communauté de l’ouest de l’Anatolie, connus pour être les premiers à avoir utilisé les pièces comme monnaie.
Un fonds d’amorçage d’1,25 millions de dollars
Trois mois seulement après la création de leur nouvelle start-up, Tunde Kehinde et Ercin Eksin lèvent 1,25 million de dollars en fonds d’amorçage auprès notamment de l’américain Accion Venture Lab. « Quand on est deux entrepreneurs expérimentés, c’est plus facile de convaincre les investisseurs », reconnaît Tunde Kehinde.
Le start-upeur est né à Londres mais a grandi au Nigeria, avant de s’envoler, à 16 ans, vers les États-Unis où il a fait ses études, comme ses parents avant lui. « Ils sont tous deux entrepreneurs. Quand j’ai eu 16 ans, ils m’ont dit “va voir ailleurs ce qui s’y passe et revient !” », poursuit Tunde Kehinde qui les a pris au mot. En Amérique, il fréquente les prestigieuses universités d’Howard University, pour sa licence, puis la Harvard Business School dont il sort diplômé de Master of Business Administration (MBA). Son acolyte, lui, a obtenu le sien à l’Université de Chicago.
Lidya compte aujourd’hui une vingtaine d’employés, à Lagos, Porto et New-York. « Nous voulons construire une entreprise mondiale et attirer les talents d’où qu’ils viennent », souligne le cofondateur de Lidya. Grâce à sa deuxième levée de fonds, la start-up est prête à conquérir le monde : elle prévoit de déployer sa solution dans une dizaine de nouveaux pays émergents, sur le continent comme ailleurs, dans les trois prochaines années.
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