Kettly Noël

Danseuse et chorégraphe haïtienne établie au Mali

Publié le 27 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

« C’est une nouvelle danse ? Arrêtez ces pas de moutons ! Soyez légers, conscients de ce que vous faites… Habitez ce que vous faites ! » Kettly Noël dirige la répétition. La voix déterminée et forte émanant de son corps menu et gracile témoigne de l’énergie farouche qui l’anime. Nous sommes à L’Espace, à Bamako, le centre de danse que la jeune chorégraphe d’origine haïtienne a créé il y a trois ans. Et le lieu par lequel la danse contemporaine africaine fait son apparition au pays des griots.
Sur une scène en bois spacieuse, nichée au milieu des manguiers, Kettly travaille sur ses créations. D’abord, un solo, largement autobiographique, « assez violent et tourmenté » sur le thème de l’errance, qu’elle dansera dans plusieurs pays étrangers au cours des prochains mois : en Allemagne, en Italie, puis en France, en Afrique du Sud, au Kenya, en Algérie… Ensuite, L’Autre, composée avec le chorégraphe mozambicain Augusto Cuvillas et qui sera représentée dans de nombreux centres culturels français du continent (Mozambique, Zimbabwe, Swaziland, Afrique du Sud) d’ici à la fin de l’année. Et, enfin, Gaou, une chorégraphie mettant en scène un quatuor d’interprètes maliens, issus de la Jeune compagnie. Celle-ci regroupe une dizaine d’artistes à qui Kelly enseigne depuis deux ans.
Animée par le désir de faire partager et connaître la danse contemporaine, la jeune femme propose également de nombreux ateliers destinés aux enfants des rues, aux danseurs amateurs, aux artistes de passage… Sans compter les cours qu’elle donne au Conservatoire national depuis qu’une section danse y a été créée en 2004.

Née à Haïti en 1969, Kettly Noël a toujours dansé, aussi loin qu’elle se souvienne. Mais ce n’est qu’à sa majorité qu’elle décide de se consacrer entièrement à cet art. À 21 ans, elle débarque à Paris, et, quelques années plus tard, en 1995, sa première création est représentée à la Maison des cultures du monde. Sa fille naît l’année suivante, et la famille part s’installer au Bénin. Pour Kettly, c’est l’occasion « d’aller fouiller dans les racines de la danse africaine, rythmes vaudous et sacrés ». Elle travaille avec des jeunes d’un ghetto de Cotonou et parvient à créer un petit univers autour de la danse contemporaine. « C’était un travail plus périodique que continu. Une façon pour moi de transmettre en partageant et d’apprendre en transmettant », raconte-t-elle. Puis la famille déménage à Bamako. Là, elle crée L’Espace et va plus loin dans son travail sur le corps africain. « Ce corps est très libre et en même temps figé, car on l’utilise toujours dans un certain sens, explique-t-elle. Or on voudrait le voir prendre le large, avoir la liberté d’aller chercher ailleurs sans se soucier des formes académiques. »

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Son travail et son talent séduisent et elle reçoit un accueil chaleureux du ministère malien de la Culture, du Centre culturel français et de plusieurs troupes traditionnelles. Forte de ces soutiens, elle lance le Festival Bamako Danse, dont la troisième édition se déroulera du 4 au 11 novembre prochain. Plus d’une quinzaine de compagnies africaines y participeront à travers des spectacles bien sûr, mais aussi des animations et des ateliers de rue. Pour Kettly, l’objectif est de « faire connaître et démystifier la danse contemporaine, et dissiper la peur de se perdre » qui l’accompagne souvent. « Est-ce qu’on se perd parce qu’on se nourrit de l’autre, parce qu’on se cherche ? » interroge-t-elle. Des questions au coeur d’un mode d’expression artistique de plus en plus présent sur le continent.

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