Joseph Wilson

Ancien ambassadeur des États-Unis

Publié le 27 juin 2005 Lecture : 4 minutes.

Avec Joseph Wilson, on s’y perd un peu. Fils de journaliste, il a été tour à tour hippie, charpentier, agent humanitaire à Niamey, diplomate à Lomé, Bujumbura et Brazzaville, puis ambassadeur à Libreville (1992-1995), et conseiller Afrique de Bill Clinton (1997-1998). Mais c’est surtout en Irak, entre août 1990 et janvier 1991, qu’il a donné toute sa mesure. Dernier diplomate américain en poste à Bagdad avant la guerre du Golfe, il a sauvé des griffes de Saddam Hussein quelque cent cinquante Américains piégés par le conflit. « Voici un vrai héros américain », avait lancé George Bush père. En juillet 2003, il s’est attiré les foudres de la Maison Blanche en révélant que Bush Jr avait volontairement déformé son rapport sur les fausses ventes d’uranium du Niger à l’Irak, afin de grossir la menace représentée par Saddam Hussein. Mal lui en a pris. Quelques jours plus tard, l’entourage du président dévoilait que son épouse, Valérie Palme, était un agent secret de la CIA.
Aujourd’hui, Joe Wilson, 55 ans, publie chez Carroll & Graff The Politics of Truth (« La politique de la vérité »). Très actif, l’an dernier, dans l’équipe de campagne du candidat démocrate John Kerry, il est un diplomate retraité mais un citoyen de plus en plus engagé.

Jeune Afrique/l’intelligent : Faut-il fermer le camp de Guantánamo ?
Joseph Wilson : Étant donné l’image de ce camp, je crois qu’il faut soit le fermer, soit le faire superviser, dans la plus grande transparence, par une organisation internationale comme les Nations unies ou le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Ce qui me choque à Guantánamo comme à la prison irakienne d’Abou Ghraib, c’est la négation des droits de l’homme. C’est une honte pour mon pays.
J.A.I. : Pensez-vous que les cas de torture sont isolés ?
J.W. : Non. Même si la responsabilité de Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense, n’est pas directement engagée dans ces actes, il a signé ou annoté plusieurs documents. Je crois que, dans certains cas, il a donné des ordres, et que dans d’autres, il a laissé faire. Dès la publication des photos d’Abou Ghraib, j’ai demandé sa démission. Mais dans l’administration Bush, personne ne paie jamais le prix politique de ses actes.
J.A.I. : Guantánamo étant à Cuba, les détenus ne bénéficient pas des lois américaines. Faut-il les transférer aux États-Unis ?
J.W. : Ce n’est pas si simple. Soit ce sont des criminels et ils doivent être jugés, aux États-Unis ou dans leur pays quand c’est possible. Soit ce sont des ennemis et ils doivent bénéficier de la protection de la Convention de Genève. Le problème, c’est que nous ne sommes pas en guerre avec un autre pays. Ce conflit est différent des autres et on ne sait pas très bien si les lois internationales en vigueur sont applicables à l’ensemble des détenus. L’essentiel est de trouver une solution définitive à la question de leur statut. Reste que certains sont de vrais terroristes et qu’il faut empêcher qu’ils soient mis en liberté.
J.A.I. : Au vu des sondages, la majorité des Américains est opposée à la fermeture du camp…
J.W. : Depuis deux semaines, l’opinion américaine bouge. Elle a certes tardé à réagir, à cause de la propagande des républicains et de la docilité de la presse, mais l’image de Bush aux États-Unis commence à ressembler à celle qui est la sienne à l’étranger.
J.A.I. : Celui-ci est-il conscient du prix que lui coûte, sur la scène internationale, le traitement des détenus de Guantánamo ?
J.W. : J’ai l’impression que non, mais ce qui est fondamental, c’est que notre leadership repose autant sur notre autorité morale et politique que sur notre puissance militaire. Si nous perdons cette autorité, nous aurons du mal à trouver des alliés lors de la prochaine crise internationale. Il y a trente ans, quand j’étais jeune diplomate, l’image de mon pays était positive. Même si les gens n’appréciaient pas notre politique, ils aimaient notre esprit d’ouverture et notre soif de liberté.
Aujourd’hui, je crois que mon pays a l’image d’une puissance impériale qui ne défend que ses intérêts particuliers, comme tous les empires qui l’ont précédé dans l’Histoire. Comme beaucoup d’Américains de ma génération, j’espérais que notre apogée sur la scène mondiale correspondrait à une avancée des droits de l’homme et du droit international. Mais je crains qu’on ne retienne que les photos d’Abou Ghraib !
J.A.I. : Avez-vous honte d’être américain ?
J.W. : Non, je suis fier d’avoir représenté mon pays pendant trente-cinq ans. J’aime mon pays et c’est pourquoi je suis aussi dur à l’égard de l’actuelle administration. Après la réélection de Bush, l’an dernier, j’étais désespéré, c’est vrai. Mais aujourd’hui, je reprends espoir.

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