Libye : après de nouvelles sanctions, l’ONU accusée de pratiquer le « deux poids, deux mesures »
Le processus électoral ayant été réenclenché la semaine dernière à Palerme, les instances internationales cherchent maintenant à prendre la question sécuritaire à bras-le-corps. En imposant des sanctions à plusieurs responsables locaux, elles ont suscité de nouvelles tensions politiques.
C’est peut-être l’un des premiers effets de la conférence de Palerme sur la Libye. Le 16 novembre, sur proposition de la France, le Conseil de sécurité de l’ONU a émis des sanctions contre Salah Badi, le chef de la Brigade al-Sommoud, originaire de Misrata (200 kilomètres à l’est de Tripoli). Trois jours plus tard, les États-Unis en ont fait de même. Le gel de ses avoirs et une interdiction de voyager pèsent désormais sur Salah Badi, qui a été placé sur liste noire.
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La France, les États-Unis et le Royaume-Uni ont soutenu l’initiative, les trois diplomaties pointant le rôle du chef de guerre dans les affrontements de septembre à Tripoli, qui ont fait plus de 120 morts. Plus généralement, les trois pays disent vouloir poursuivre la prise de sanctions contre tous les acteurs qui menacent la stabilité et la sécurité de la Libye. Le 28 septembre, l’Union européenne a ainsi prolongé de six mois les sanctions contre Aguila Saleh (président de la Chambre des représentants, le Parlement basé à Tobrouk, près de la frontière avec l’Égypte), Khalifa al-Ghwell (ancien Premier ministre), et Nuri Abu Sahmain (ex-président du Congrès national).
Le processus électoral mis en cause
Alors qu’un nouveau calendrier électoral a été entériné lors de la conférence de Palerme, les instances internationales cherchent à assurer les conditions sécuritaires propices à la tenue du scrutin au printemps, notamment en professionnalisant les forces de l’ordre afin de rompre la dépendance du Gouvernement d’union nationale (GUN) aux milices. Le placement de Salah Badi sur liste noire serait un premier pas en ce sens.
Le président du Haut Conseil d’État parle d’une mesure sélective, son prédécesseur évoque une vendetta
La décision a évidemment été critiquée par les proches de Badi. Mostafa Al-Zureidi, l’un de ses compagnons d’arme, évoque une « injustice peu propice au règlement de la crise libyenne ». Khaled Al-Mishri, président du Haut Conseil d’État (le parlement basé à Tripoli), parle quant à lui d’une mesure « sélective ». Son prédécesseur, Abdulrahman Swehli, originaire de Misrata et qui passe pour un proche du Qatar, est allé plus loin en évoquant même une « vendetta ».
Le statut de Haftar en question
Les combats entre milices qui ont eu lieu dans la capitale libyenne en septembre sont mis en cause dans l’échec du processus électoral porté par Paris, qui devait déboucher sur des élections générales avant la fin de l’année 2018. L’émissaire de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, lie également les deux, expliquant le regain de violence à Tripoli par la volonté des différents acteurs d’aborder les échéances électorales en position de force.
Fin août-début septembre, des milices extérieures à Tripoli, comme celle de Salah Badi et la 7e brigade (de Tarhouna), s’étaient attaquées au cartel des groupes armés – composé de la Brigade des révolutionnaires de Tripoli, dirigée par Haytem Tajouri, la force Rada, d’Abdel Raouf Kara, Ghneiwa, d’Abdel Ghani al-Kikli, et la brigade Nawasi – contrôlant la capitale.
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Si la conférence de Palerme a permis aux différents acteurs libyens d’afficher une unité de façade, les sujets de division n’ont pas tardé à resurgir, notamment sur la question du statut du maréchal Haftar, qui réclame le titre de Commandeur suprême de l’armée nationale. Une revendication qui unit contre elle, une fois n’est pas coutume, les représentants du Haut Conseil d’État et ceux de la Chambre des représentants. Au regard de la sanction contre Salah Badi, certains observateurs font part de leur incompréhension quant au fait que le maréchal Haftar, peu ou prou coupable de faits similaires selon eux, échappe lui à tout projet de sanctions.
Sur la question sécuritaire, Aguila Saleh a établi un lien entre les violences de septembre à Tripoli et la fragilité du gouvernement de Fayez al-Sarraj, qui ne tiendrait selon lui que par la volonté de la communauté internationale.
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