Fin de l’apartheid

Publié le 27 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Nelson Mandela avait recouvré la liberté depuis un an et cinq mois. Le Congrès national africain (ANC) était à nouveau autorisé à se réunir, ainsi que tous les partis et mouvements d’opposition. Les combattants et les exilés rentraient progressivement au pays. Les négociations avec le Parti national avaient commencé et, le 1er février 1991, le chef de l’État, Frederik de Klerk, avait promis que l’Afrique du Sud serait débarrassée « d’ici à quelques mois, des restes de sa législation raciste ».

Il tiendra sa promesse en cinq mois. Le 30 juin 1991, l’abolition de toutes les lois discriminatoires et ségrégationnistes entre en vigueur. Si seule une nouvelle Constitution peut rétablir l’égalité totale et effacer, autant que faire se peut, les quarante années d’infamie qu’a vécues le pays de Nelson Mandela, la voie est pourtant ouverte, ce jour-là, pour que Noirs et Blancs puissent commencer à mettre le pays sur les rails de la démocratie.

Une première étape avait déjà été franchie le 15 octobre 1990
par un Parlement acquis au chef de l’État réformateur. Les députés avaient aboli le Separate Amenities Act, la loi la plus « mesquine », qui interdisait à un Noir de s’asseoir sur un banc réservé aux Blancs, ou de monter dans le même bus. Il aura fallu attendre presque dix mois pour que disparaissent de l’arsenal législatif les trois autres lois qui faisaient de l’Afrique du Sud la nation où les principes racistes avaient été érigés en système d’État plus que nulle part ailleurs.

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Le 5 juin, les trois Chambres qui forment le système sud-africain adoptent à une grande majorité (112 voix contre 30) l’abolition du Land Act, qui réservait 87 % du territoire aux Blancs, la majorité noire devant se contenter des 13 % restants si elle désirait acquérir des terres. Votée en 1913 par une Afrique du Sud encore sous tutelle britannique, cette loi avait permis au pouvoir blanc de créer les Bantoustans à partir des années 1960, dans le but de former des États noirs et de conserver une Afrique du Sud entièrement blanche. Le même jour, les représentants blancs annulent aussi le Group Areas Act qui avait instauré en 1950 le principe de l’habitat séparé. La loi attribuait un lieu de résidence obligatoire en fonction de la couleur de peau, réservait les villes aux Blancs, et avait créé, par des déplacements de population massifs, les ghettos tels que Soweto.

Restait encore à rayer du livre des lois le Population Registration Act de 1950. Fondement principal de l’apartheid, la loi classait les Sud-Africains en races, selon la couleur de la peau, et définissait les non-Blancs comme non-citoyens. Ce fut chose faite le 17 juin, avec 89 voix contre 38 et 11 abstentions. Devant le Parlement, Frederik de Klerk déclarait que l’abolition du quatrième et dernier pilier du régime raciste ouvrait la voie des négociations avec les Noirs, qui devraient aboutir à la rédaction d’une nouvelle Constitution afin de « garantir la participation et la représentation de tous les Sud-Africains dans une vraie démocratie ».

Saluée dans le monde entier, l’abrogation des lois racistes n’était pourtant pas parfaite.
La terre était de nouveau accessible aux Noirs, mais aucune restitution n’avait été prévue. Les non-Blancs pouvaient habiter où bon leur semblait, mais aucun dédommagement n’a été proposé aux centaines de milliers de familles déplacées. Pis, une clause a été prévue pour autoriser les habitants d’un quartier, à condition qu’ils soient au moins 100 à se mettre d’accord, à établir des normes pour définir la densité dans leur quartier et, donc, refuser l’installation de nouveaux venus. La dernière condition imposée par l’ANC pour négocier avec le pouvoir blanc n’avait pas non plus été remplie : les prisonniers n’étaient pas libérés.

Pour toutes ces raisons, le 30 juin 1991 n’est pas resté dans les livres d’histoire comme le symbole de la fin de l’apartheid. La libération de Nelson Mandela, le 11 février 1990, demeure la date clé qui célèbre le « début de la fin », et le 27 avril 1994, jour de son accession au pouvoir, a relégué aux petits souvenirs de l’Histoire tous les précédents événements qui avaient rendu possible l’élection d’un Noir à la tête de l’Afrique du Sud.

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