Droits de l’homme, connais pas

Si le régime affiche quelques signes d’ouverture dans le domaine des libertés, c’est essentiellement pour céder aux demandes des Américains.

Publié le 27 juin 2005 Lecture : 2 minutes.

En visite à Tripoli les 14 et 15 juin, David Welch, sous-secrétaire d’État américain pour le Proche-Orient, n’a pas manqué d’exprimer, dans un entretien avec Mouammar Kadhafi, « les préoccupations continues » de Washington à l’égard de la situation des droits de l’homme en Libye. Qu’a répondu Kadhafi ? On l’ignore. L’an dernier, il a semblé céder aux pressions de Washington dans le cas du plus emblématique des prisonniers, le dissident Fathi el-Jahmi, mais a fait volte-face deux semaines après. Ancien gouverneur de province devenu homme d’affaires, el-Jahmi, 64 ans, était emprisonné depuis 2002 pour avoir réclamé des réformes démocratiques. Parce que son cas a été publiquement évoqué par le président George W. Bush et que sa libération a été expressément demandée à Kadhafi par le sénateur américain Joseph Biden, il a été remis en liberté en mars 2004, puis arrêté à nouveau deux semaines plus tard après qu’il eut donné des interviews à des médias étrangers.
En Libye, où la liberté d’association et d’expression est interdite en dehors du système de pouvoir populaire, le nombre de prisonniers d’opinion est estimé à deux mille par les organisations humanitaires internationales.
Au cours des derniers mois, Kadhafi a soufflé le chaud et le froid à propos des libertés. L’écrivain Abderrazak el-Mansouri est en prison depuis le 12 janvier pour ses critiques du pouvoir publiées sur un site Internet animé par des Libyens en exil. Un journaliste dissident, Daïf el-Ghazal, a été enlevé et assassiné à Benghazi en mai (J.A.I. n° 2318). Tous les soupçons convergent vers les durs du régime implantés au sein des Comités révolutionnaires. À la mi-juin, ces derniers ont réussi à écarter un candidat qui avait les plus grandes chances d’accéder à la présidence de l’association des journalistes parce qu’il n’était pas affilié à leur groupe. Ils ont imposé le leur en permettant aux fonctionnaires travaillant dans le secteur de voter en sa faveur comme s’ils étaient journalistes.
D’un autre côté, comme pour manifester sa volonté d’ouvrir une nouvelle page, Kadhafi a promis de supprimer le Tribunal du peuple, une juridiction de type révolutionnaire, et a relâché plusieurs dizaines de personnes suspectées de convictions islamistes. Sans que l’on sache jusqu’où il leur est permis d’aller, des « réformateurs » se mettent à contester au sein même du système les méthodes des Comités révolutionnaires. C’est le cas du secrétaire (président) sortant de l’Association des journalistes, Mahmoud Boussifi, qui a dénoncé, toujours sur un site de Libyens en exil, les ingérences des durs du régime dans l’activité des journalistes. Il a également annoncé son intention de lancer le premier journal « indépendant » depuis 1969 si on lui en donne l’autorisation.
Ces quelques signes de changement sont intervenus au moment où les mouvements d’opposition libyens contraints à l’exil se réunissaient en conférence à Londres les 24 et 25 juin, une première depuis l’accession au pouvoir de Mouammar Kadhafi. Le vrai test de la volonté d’ouverture du régime sera la libération des prisonniers d’opinion, comme le réclament les organisations humanitaires internationales, mais aussi la section droits de l’homme de la fondation caritative Kadhafi dirigée par Seif el-Islam, le fils du « Guide de la révolution ».

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires