Des Français comme les autres

Camping à la ferme, de Jean-Pierre Sinapi (sortie à Paris le 29 juin)

Publié le 27 juin 2005 Lecture : 2 minutes.

« Je veux être le premier représentant des banlieues à l’Assemblée nationale », avait déclaré, dit-on, le sociologue chercheur au CNRS Azouz Begag lors d’un déjeuner privé organisé par le chef du gouvernement français Alain Juppé il y a quelques années. L’ancien gamin des quartiers défavorisés de la périphérie de Lyon a fait mieux en fin de compte, devenant non pas député mais carrément ministre : il a été nommé au début du mois de juin délégué à la Promotion de l’égalité des chances dans le gouvernement de Dominique
de Villepin.
Quel rapport avec le cinéma ? C’est le tout nouveau pensionnaire des palais de la République française qui le précisait lui-même dans une interview accordée au quotidien Libération au lendemain de sa nomination : « Mon programme tient dans mon film Camping à la ferme qui sort fin juin dans les salles. C’est l’histoire d’une rencontre entre six jeunes de la cité du Val-Fourré, envoyés à la campagne en période probatoire, et les habitants d’un village. Les uns comme les autres sont bourrés de préjugés, qu’ils vont peu à peu surmonter. »
Azouz Begag se vante un peu. Il n’est pas le réalisateur de Camping à la ferme, tourné par Jean-Pierre Sinapi, auteur de petits films remarqués ces dernières années (Nationale 7 et surtout Vivre me tue). Et s’il a écrit le « scénario original » du film en question, le scénario final est signé du cinéaste et de son collaborateur Daniel Tonachella. Quant au programme que décrirait le film, disons qu’au-delà du message plutôt convenu sur les bienfaits des rencontres entre jeunes et moins jeunes et entre personnes d’origines sociales fort différentes (marginaux des cités et paysans des campagnes), il n’apparaît pas vraiment évident.
Ce récit de l’envoi à la campagne, sous la responsabilité d’un éducateur plein de bonne volonté et passablement roublard (joué par Roschdy Zem), de six petits délinquants condamnés à des travaux d’intérêt général pour leur éviter la prison n’est pas trop ennuyeux. Car il permet de mettre en scène des situations cocasses et paradoxales qui maintiennent souvent l’intérêt. Et nous permet de suivre avec sympathie le parcours « rédempteur » de ces post-adolescents dans un milieu a priori volontiers xénophobe et qui leur est totalement étranger. Mais pour que ce film soit réussi, avec sa volonté de « démontrer » que les enfants d’émigrés « sont des Français comme les autres », sinon véritablement instructif quant à la question de l’intégration, cheval de bataille d’Azouz Begag, il aurait fallu qu’il propose des personnages moins stéréotypés. Et des péripéties moins attendues.
Après le triomphe du très subtil film d’Abdellatif Kechiche L’Esquive (voir J.A.I. n° 2304), on pouvait supposer que s’imposerait un autre regard sur les banlieues françaises et leur population de jeunes, puisqu’il a été démontré qu’on pouvait en parler loin de toutes les caricatures et avec une empathie dénuée de tout paternalisme. Camping à la ferme, sans être indigne, laisse à penser qu’il s’agissait, hélas ! d’une exception heureuse. Dommage.

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