Sidiki Kaba

Président de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH)

Publié le 27 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

Le Sénégalais Sidiki Kaba (55 ans) est le premier Africain à occuper le poste de président de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH). Élu lors du congrès de Casablanca en 2001, il a été reconduit dans ses fonctions trois ans plus tard, lors de celui de Quito (Équateur). Avocat de profession, il milite pour la défense des droits de l’homme depuis quelque vingt-sept ans et a publié trois ouvrages sur la question.

Jeune Afrique : Le 22 mars, la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH) a rendu public son rapport 2005 sur la situation des droits de l’homme et de leurs défenseurs dans le monde. Qu’en est-il de l’Afrique ?
Sidiki Kaba : Une fois n’est pas coutume, on peut parler d’une légère amélioration. Si l’on prend en compte le nombre des assassinats – ou des tentatives d’assassinat – de militants des droits de l’homme, on s’aperçoit que l’Amérique latine est une zone bien plus dangereuse : quarante-sept ont été recensés dans la seule Colombie, contre cinq dans l’ensemble de l’Afrique.
Trois facteurs expliquent cette évolution globalement positive. 1. Aucun nouveau conflit n’a éclaté sur le continent en 2005. 2. Les processus de paix ont été consolidés dans plusieurs pays : RD Congo, Angola, Burundi… 3. Une alternance démocratique a eu lieu ici et là – du Bénin au Mozambique. La transmission pacifique du pouvoir n’est plus un événement extraordinaire. La liberté d’action des militants des droits de l’homme s’en trouve évidemment renforcée.
Vous dénoncez néanmoins le caractère de plus en plus subtil de la répression
C’est vrai, mais l’objectif ne change pas : il s’agit toujours de faire peur aux militants, de les démobiliser, de les isoler et de réduire au maximum l’écho de leurs activités sur la scène nationale et internationale. Ici et là, de nouvelles législations sont adoptées. Officiellement, elles ont pour but de défendre l’ordre public. Dans les faits, elles portent gravement atteinte à la liberté de manifestation, de circulation ou d’association. La quasi-totalité des pays du Maghreb, mais aussi du Proche et du Moyen-Orient, y ont recours. En Afrique subsaharienne, le cas du Zimbabwe est le plus flagrant. Les militants sont obligés d’y tenir leurs réunions dans le plus grand secret, parce qu’une loi interdit les regroupements de plus de trois ou quatre personnes.
Quelles autres ruses les pouvoirs en place utilisent-ils ?
La panoplie est bien fournie ! Cela va du non-renouvellement de passeport aux obstacles administratifs pour obtenir un local de réunion, en passant par le harcèlement judiciaire et le noyautage des associations de défense des droits de l’homme afin de les transformer en organisations paragouvernementales. En Tunisie, par exemple, la Ligue de défense des droits de l’homme doit faire face à une trentaine de procès.
Dans quels pays la situation est-elle la plus préoccupante ?
Ceux du Maghreb. En Égypte, l’état d’urgence est maintenu depuis vingt-quatre ans. En Tunisie, où les progrès économiques sont indiscutables, le pouvoir serre la vis sur la question des libertés. En Libye, qu’on s’efforce aujourd’hui de présenter comme un pays fréquentable, aucune information sur la situation des droits de l’homme n’est disponible, ce qui est très grave puisque cela signifie que les organisations chargées de les défendre n’y ont pas droit de cité.
Et l’Afrique subsaharienne ?
Nous sommes préoccupés par la situation dans le Darfour soudanais et en RDC. Le Darfour, c’est un tsunami humanitaire provoqué par la violence d’État : trois cent mille morts et deux millions de réfugiés. Ici, ce ne sont pas seulement les défenseurs des droits de l’homme qui sont visés, mais l’ensemble des populations civiles. En RDC, un pays confronté à la violence politique depuis quarante ans, il faut espérer que les élections du mois de juin permettront d’ouvrir une nouvelle page. Le problème, c’est que parmi les candidats à la présidence, il y a des gens impliqués dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Pour eux, une victoire électorale serait un excellent moyen d’échapper à la Cour pénale internationale
Quel pays africain pourrait servir de modèle ?
Sur l’ensemble du continent, le chantier des droits de l’homme reste immense et continue de nécessiter vigilance et mobilisation. Les acquis en la matière n’étant jamais définitifs, nous nous refusons à décerner des brevets de bonne conduite.

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