QNB en Afrique, maintenant, c’est du sérieux

L’entrée du groupe qatari dans le capital d’Ecobank a surpris tout le monde. Et selon les analystes, ce n’est qu’un début… Les géants du continent se laisseront-ils faire ?

Siège de Qatar National Bank, à Doha. © Trinidade/Wikimedia Commons

Siège de Qatar National Bank, à Doha. © Trinidade/Wikimedia Commons

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 16 septembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Cela s’appelle déjouer les pronostics ! On savait que Qatar National Bank (QNB), l’un des plus importants groupes bancaires de la région du Golfe, était à l’affût de nouvelles opportunités d’acquisition sur le continent. « Nous étudions ce marché et examinerons toute offre de vente qui pourrait nous être présentée [en Afrique] », avait clairement indiqué en janvier Ramzi Mari, son directeur financier, au quotidien américain The Wall Street Journal.

Tout en précisant : « Si nous devions faire une opération, ce serait pour prendre le contrôle d’une banque active dans plusieurs pays, et de préférence un groupe étranger, car ils sont souvent plus solides. »

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À Casablanca, « de nombreux analystes avaient imaginé QNB réaliser dans Attijariwafa Bank, au sein duquel il était annoncé depuis plusieurs années, une opération semblable à celle du groupe émirati Etisalat dans Maroc Télécom », confie un analyste financier marocain. Pour les spécialistes maghrébins de la finance, le groupe qatari rachèterait alors la majorité de la banque marocaine avant de confier à celle-ci la gestion de ses activités subsahariennes. Attijariwafa Bank ayant l’avantage de posséder déjà une bonne expérience sur la plupart de ces marchés.

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Prélude

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La surprise a donc été totale lorsque, le 4 septembre, la banque qatarie, contrôlée par le puissant fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA) a annoncé une prise de participation minoritaire (12,5 %) dans Ecobank Transnational Incorporated (ETI). Estimée à 290 millions de dollars (près de 221 millions d’euros), cette opération a consisté à racheter des parts détenues jusqu’ici par Asset Management Corporation of Nigeria (Amcon), la structure de défaisance créée en 2010 pour débarrasser le secteur bancaire du géant ouest-africain de ses actifs toxiques. Dix jours plus tard, le 15 septembre, QNB a acquis 11% supplémentaires d’Ecobank, portant sa participation à 23,5 % du capital de la banque panafricaine, pour 283 millions de dollars.

Cette opération « constitue pour QNB une véritable percée en Afrique subsaharienne [Ecobank étant présent dans 35 pays de la région] », note Sébastien Hénin, le responsable de la gestion d’actifs de The National Investors (TNI), une banque d’affaires basée à Abu Dhabi. Ce Français en est d’autant plus convaincu que, d’après lui, « cette prise de participation pourrait être le prélude à d’autres annonces au cours des prochains mois. QNB cherche des participations majoritaires. Non seulement c’est la première banque du Qatar, mais c’est aussi l’une des plus importantes du golfe Persique ».

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Aujourd’hui présent dans sept pays dont la Libye, le Maroc, la Tunisie, le Soudan du Sud et l’Égypte, où il a racheté fin 2012 pour 2 milliards de dollars plus de 77 % de la filiale locale de la Société générale, le groupe qatari présentait fin 2013 un total de bilan de 125 milliards de dollars. Déjà leader au Moyen-Orient, il avait annoncé l’année dernière son ambition de devenir la première banque de la région et d’Afrique à l’horizon 2017.

D’après notre analyste financier, « cette entrée dans Ecobank va permettre au qatari de tâter les marchés subsahariens et de mieux comprendre comment ceux-ci fonctionnent en matière de produits ou encore de réglementations. Les banques marocaines ont procédé à peu près de la même manière dans ces pays ».

la bataille pour le contrôle de la banque panafricaine est bel et bien ouverte.

Rien n’est gagné

QNB, qui voit ses marges de rentabilité se rétrécir sur un marché domestique où il est en concurrence avec quelque 18 banques pour une population de 2 millions d’habitants, cherche de nouveaux relais de croissance. Le rachat d’actions d’Ecobank représente donc une belle opération compte tenu de sa couverture géographique et du potentiel de croissance de ces marchés, où les taux de bancarisation sont encore très faibles (inférieurs à 10 % dans la plupart des pays).

Mais rien n’est encore gagné en Afrique subsaharienne. Si, avec ses 23,5 %, le groupe qatari est devenu le premier actionnaire d’Ecobank, les réactions ne se sont pas fait attendre dans cette partie du continent. Nedbank, la troisième banque sud-africaine, a ainsi indiqué qu’elle comptait poursuivre son partenariat avec Ecobank. Elle a jusqu’au 25 novembre pour convertir en actions un prêt de 285 millions de dollars accordé à cette dernière en 2011, ce qui lui offrirait la possibilité de porter ses parts à 20 % du capital.

Détenue par l’assureur Old Mutual, Nedbank passerait alors devant le fonds de pension sud-africain Public Investment Corporation (PIC), qui détient près de 19 % des parts. Les Sud-Africains vont-ils laisser les Qataris prendre le contrôle d’Ecobank ? Une chose est sûre, la bataille pour le contrôle du géant ouest-africain est bel et bien ouverte. Et à Lagos, principale Bourse où elle est cotée, son titre a pris de la valeur, passant de 17 à 18,20 nairas entre le 4 et le 10 septembre.

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