Issam Darwish a plus d’une tour dans son sac
Treize ans après avoir fondé IHS, société spécialisée dans la gestion de pylônes, au Nigeria, l’entrepreneur libanais est devenu le leader sur son secteur. Comme en témoigne son contrat record avec MTN.
En dehors des télécoms, son nom est encore peu connu. Mais Issam Darwish, directeur général et cofondateur de l’opérateur de tours de télécommunications IHS, est en train de devenir la coqueluche des entreprises de téléphonie mobile. Orange, Etisalat, MTN…
Sa compagnie a multiplié ces deux dernières années les signatures de contrats avec les ténors du secteur. Dernier accord en date, le rachat de 9 151 tours de télécommunications au groupe sud-africain MTN, au Nigeria. Si aucun détail financier n’a été divulgué, l’agence Reuters a évalué la transaction à 1,8 milliard de dollars (près de 1,4 milliard d’euros). Un record en la matière sur le continent.
« Notre activité n’est pas sexy, mais elle est devenue indispensable aux opérateurs, explique Issam Darwish. Nous gérons pour leur compte des tours télécoms en leur permettant de faire des économies et d’améliorer leur qualité de service. En Afrique, assurer l’approvisionnement des sites en énergie et sécuriser le matériel est un défi permanent. »
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La réussite de son modèle économique repose en partie sur la capacité à louer un même site, qu’il possède ou qu’il gère, à plusieurs opérateurs. Désormais à la tête d’un portefeuille de plus de 20 000 tours, Issam Darwish a pris une longueur d’avance sur ses concurrents Eaton Towers, Helios Towers et American Tower.
Anticipation
Sa soif de réussite, ce dirigeant d’origine libanaise avoue l’avoir héritée de ses parents et d’une enfance marquée par la guerre civile et les problèmes d’argent. « Si IHS joue aujourd’hui les premiers rôles, c’est parce qu’Issam connaît parfaitement le secteur et a su très tôt anticiper ses évolutions », estime pour sa part Vincent Le Guennou, cofondateur de la société Emerging capital partners (ECP), détenteur de 19 % d’IHS.
Diplômé de l’Université américaine de Beyrouth en 1992, Issam Darwish a fait ses classes en participant à la création de LibanCell. D’abord embauché pour concevoir un logiciel de facturation, il s’impose comme un collaborateur zélé et devient rapidement responsable du réseau de l’opérateur libanais.
Puis en 1997, quand son patron décide de se lancer à l’international, le jeune ingénieur saute sur l’occasion et prend la direction des projets d’implantation de Lintel (Africell) au Moyen-Orient et en Afrique. Dès lors, le continent devient son principal terrain d’expression.
Intuition
Sollicité pour occuper un poste au Royaume-Uni un an plus tard, il préfère rejoindre l’équipe de Motophone, le premier opérateur mobile nigérian. « Le pays ne comptait alors que 300 000 lignes téléphoniques fixes pour plus de 150 millions d’habitants. J’ai fait venir 45 ingénieurs expatriés et recruté plus de 500 personnes pour bâtir le réseau. Tout était prêt à démarrer quand l’État a annulé la licence », se souvient-il.
La décision est alors dure à encaisser, mais des mois de travail acharné l’ont persuadé du potentiel de la téléphonie mobile au Nigeria. Quand, en 2001, Abuja privatise le secteur, Issam Darwish et William Saad, rencontré sur les bancs de la faculté, créent IHS.
Leur intuition ne les a pas trompés. En quatre ans, leur société va construire près de 3 000 tours pour le compte de l’équipementier Motorola, alors partenaire privilégié des premiers opérateurs présents au Nigeria. « Cette collaboration a vraiment été déterminante car les sociétés américaines ont des procédures très strictes.
Dès notre démarrage, nous avons dû faire preuve de rigueur et cela a durablement influencé la structuration de l’entreprise », estime le quadra. Entre les associés, les rôles se répartissent naturellement : William Saad prend en charge la gestion quotidienne de l’entreprise d’un point de vue technique, tandis qu’Issam endosse le costume du stratège et du financier.
Notre activité n’est pas sexy, mais elle est devenue indispensable aux opérateurs
C’est à la fin des années 2000 qu’IHS va peaufiner son modèle et considérablement augmenter son rythme de croissance en persuadant les opérateurs des bénéfices de la colocation. « La constitution de réseaux étaient devenue moins prioritaires pour les opérateurs, car tous avaient largement couvert le territoire, et la crise financière internationale a accéléré la prise de conscience de cette approche », explique le patron.
Injection
Restait à trouver les ressources nécessaires pour mener à bien la stratégie offensive imaginée par Issam Darwish. Après avoir un temps misé sur la Bourse de Lagos, c’est finalement grâce aux fonds de capital-investissement qu’IHS va assouvir ses ambitions.
Johannesburg, Londres, Paris, Dubaï… Le patron multiplie les réunions aux quatre coins du monde. Persuasif, toujours tiré à quatre épingles, il ne tarde pas à convaincre de nouveaux partenaires grâce à son enthousiasme communicatif et à un solide business plan.
En 2011, la Société financière internationale (IFC, filiale de la Banque mondiale), la Société néerlandaise pour le financement du développement (FMO) et la banque sud-africaine Investec injectent 79 millions de dollars dans la compagnie. Bientôt suivent ECP et la société d’investissement Wendel, qui permettent à l’entreprise de conclure des accords en 2012 et en 2013, avec MTN et Orange en Côte d’Ivoire et au Cameroun.
Ces vingt-quatre derniers mois, grâce aux capitaux-risqueurs présents dans son capital, la compagnie a pu lever plus de 1,8 milliard de dollars pour poursuivre son développement. Un chiffre qui devrait encore grimper dans les prochaines semaines.
Consolidation
Si Issam Darwish a séduit les financiers, ses compétences techniques lui valent aussi la reconnaissance des ingénieurs avec lesquels il négocie les acquisitions. « Sa culture du terrain est un atout lors des discussions, car il comprend nos contraintes opérationnelles », confirme Michel Faivre, directeur des programmes de partage des infrastructures d’Orange pour l’Afrique, l’Asie et le Moyen-Orient.
Toujours au front, l’ingénieur se révèle également un formidable meneur d’hommes. Mais s’il vante volontiers la qualité de son staff, il se réserve toujours la validation finale. Il est d’ailleurs un fin négociateur, reconnaît Michel Faivre. Un talent qu’il jure vouloir mettre en veilleuse dans les prochains mois pour consolider les acquisitions d’IHS. À croître trop vite, l’homme d’affaires sait qu’il risque de fragiliser son entreprise, formidable poule aux oeufs d’or qui, selon Forbes, lui a permis d’accumuler une fortune évaluée à 200 millions de dollars.
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