Shalom, Salam !

Victor Malka défend une grande ambition : réconcilier les juifs et les musulmans du Maroc, de France et d’ailleurs.

Publié le 27 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

C’était au temps où juifs et musulmans vivaient en paix. C’était au temps d’avant les identités religieuses conflictuelles. C’est de cette époque révolue, mais aussi de celle que nous vivons aujourd’hui que nous parle Victor Malka dans Avons-nous assez divagué Lettre à mes amis musulmans. Journaliste et écrivain français, sépharade né et ayant grandi au Maroc, inquiet de ressentir une recrudescence de l’antisémitisme, il s’adresse à ses anciens compatriotes chérifiens ainsi qu’aux musulmans de France et essaie d’instaurer un dialogue véritable avec eux.
Au lecteur qu’il interpelle sur un ton de confidence amicale (« Hypocrite lecteur, mon semblable, – mon frère ! » aurait dit Baudelaire), Malka rappelle que les deux peuples sont liés par une histoire commune « deux fois millénaire » et que les Juifs étaient, avec les Berbères, les premiers à avoir vécu au Maroc, bien avant l’arrivée des Arabes. Au cours des deux dernières décennies, la majorité des Juifs est partie à la recherche d’une nouvelle patrie en Israël, en France, au Canada ou ailleurs. « Aujourd’hui, ils ne représentent plus qu’un tout petit groupe en voie d’extinction. Une sorte de symbole historique ! »
Malgré son ton humble, l’auteur défend une grande ambition : réconcilier les juifs et les musulmans du Maroc, de France et de tous les pays. Arabisant et hébraïsant, il a une fine connaissance de la religion musulmane et, bien sûr, de la théologie juive (Torah, Kabbale, Talmud, tradition rabbinique). Peut-être tente-t-il de résoudre l’impossible dualité identitaire – heureuse et douloureuse – de la judéité et de la marocanité par son discours humaniste, usant de mots simples, du sens de l’anecdote et convoquant avec nostalgie ses souvenirs de jeunesse.
Car Victor Malka aime sa terre natale d’un amour indéfectible mais néanmoins lucide. Il évoque aussi bien les périodes de fraternisation que d’affrontements. N’oubliant pas l’un des épisodes glorieux de l’histoire de la dynastie alaouite, lorsqu’en 1940 le sultan Mohammed Ben Youssef refuse d’appliquer les lois d’exception du régime de Vichy contre les juifs et interdit la moindre discrimination. « Les juifs doivent être considérés comme des citoyens à part entière », avait déclaré le futur roi Mohammed V, les affranchissant enfin de leur statut de dhimmis (protégés).
Accent est mis sur la judéophobie, « la détestation, la diabolisation des juifs victimes d’une haine irrationnelle ». Peuple élu, si mal aimé Dès lors, on comprend mieux le titre de l’ouvrage, en référence à Apollinaire : « Mon beau navire ô ma mémoire / Avons-nous assez navigué / Dans une onde mauvaise à boire / Avons-nous assez divagué / De la belle aube au triste soir » (La Chanson du mal-aimé). Sartre a théorisé la judéité (Réflexion sur la question juive), Albert Cohen l’a exorcisée (Ô vous, frères humains), Malka la met à notre portée avec ce témoignage personnel, sincère, à l’idéalisme cuménique parfois candide, mais toujours éclairé par la volonté de paix. Shalom, Salam !

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