Le coup d’État militaire d’ATT au Mali

Publié le 27 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

« Un soleil nouveau se lève sur le Mali, sous le signe de la non-violence. Il faut bannir ce qui s’est passé à jamais, il faut l’oublier pour rapidement ramener la quiétude. » Au micro de Radio-Bamako en cet après-midi du mardi 26 mars 1991, le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré lance un appel au calme à ses concitoyens. À la tête d’un « Conseil de réconciliation nationale » (CRN) composé d’une vingtaine de militaires, le chef des bataillons de commandos parachutistes maliens est le nouvel homme fort du pays. La nuit précédente, alorsp que Bamako était plongé depuis quatre jours dans un climat d’insurrection qui avait fait au moins 200 morts et un millier de blessés, il a mis fin aux vingt-deux ans de règne sans partage d’un dictateur enfermé dans sa tour d’ivoire, sourd aux appels à l’ouverture lancés de toutes parts depuis des mois.

Vers 23 heures, le 25 mars, « ATT » comme on le surnommera par la suite, fait irruption au palais de Koulouba, sur les hauteurs de Bamako. En compagnie de ses hommes, il vient arrêter Moussa Traoré et sa femme, « l’impératrice Mariam ». Le couple présidentiel se rend sans résistance. « Je m’en remets à Dieu », lâche simplement le chef de l’État, avant de suivre les soldats venus le chercher « pour [sa] sécurité ». Quelques heures seulement après le départ forcé du tyran, plusieurs de ses très proches collaborateurs, dont Bakary Traoré, son ex-ministre de l’Éducation, et Mamadou Diarra, son beau-frère – tous deux symboles des compromissions du régime -, seront lynchés en pleine rue…
Les Bamakois profitent du chaos qui accompagne la chute du régime pour régler leurs comptes. Depuis le jeudi 21 mars, en effet, les manifestations régulières auxquelles ils participent pour demander la démission d’un chef d’État omnipotent et l’instauration du multipartisme font l’objet d’une brutale répression. Les autorités ont décidé de faire intervenir l’armée, encore loyale à cette heure. La situation dégénère.
Le 22 mars, les étudiants dressent des barricades aux principaux carrefours de Bamako. Plusieurs bâtiments sont incendiés. Les soldats répliquent, sans faire dans le détail, pourchassant certains manifestants jusque dans les hôpitaux pour les achever. Le dimanche 24 mars, plus de 100 000 personnes participent à une marche organisée par les femmes pour dénoncer les tueries. Les soldats ouvrent à nouveau le feu. Moussa Traoré s’entête dans sa volonté de rester au pouvoir. Par trois fois pendant le week-end, il affirme qu’il ne démissionnera pas et repousse la question de l’introduction de réformes démocratiques au congrès ordinaire du parti unique, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), qui doit avoir lieu le 28 mars. En réponse, le lundi matin, une coordination d’associations et la centrale syndicale, l’Union nationale des travailleurs maliens (UNTM), déclenchent une grève générale et illimitée qui paralyse un peu plus encore le pays. Le soir même, Moussa Traoré est arrêté. Passant outre aux consignes de ses supérieurs hiérarchiques – les généraux Mamadou Coulibaly, ministre de la Défense, et Sékou Ly, ministre de l’Intérieur, tous deux des amis proches de Traoré -, un groupe de jeunes officiers décide de sauver l’honneur de l’armée qui a tiré sur des Maliens…

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Dès son installation, le CRN suspend la Constitution et dissout le gouvernement et l’UDPM. Il prend également une série de mesures de sécurité préventives (couvre-feu, fermeture des frontières et des aéroports, coupure des communications téléphoniques et télégraphiques avec l’extérieur), et affirme sa volonté de « bannir à jamais la corruption, l’affairisme, le népotisme et toutes les autres pratiques inavouables » de l’ancien régime. « Un conseil militaire de guerre ne verra pas le jour au Mali. L’armée rentrera dans ses casernes », ajoute ATT, qui promet la mise en place prochaine de la démocratie. Au mois d’avril 1992, Alpha Oumar Konaré sera élu président de la IIIe République.

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