La longue marche

Les associations de défense des femmes espèrent que le changement de régime permettra enfin l’application du code du statut personnel.

Publié le 27 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

Le 8 mars 2006 a eu une saveur particulière pour les Mauritaniennes. Ce jour-là, elles ont fêté leur première Journée internationale de la femme de l’ère post-Ould Taya. Une manifestation qui a suscité beaucoup d’espoir, car, depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire qui a renversé l’ancien président par un coup d’État le 3 août 2005, l’application du code du statut personnel, qui s’inspire tout à la fois de la loi coranique et du droit moderne, est de nouveau dans l’air. Élaboré en 1992, son application se fait toujours attendre. Mais les associations de défense des droits des femmes espèrent bien que les nouvelles autorités accéléreront son entrée en vigueur.
Parmi les nombreuses dispositions retenues, le code du statut personnel prévoit par exemple de fixer l’âge du mariage à 18 ans. Plus généralement, ce texte prévoit de remédier à la position inférieure qu’occupent les femmes dans la société mauritanienne, alors qu’elles représentent 50,5 % de la population et que bon nombre d’entre elles assurent la fonction de chef de famille, selon une étude récente menée par l’Unicef. Portant sur les femmes des quartiers périphériques de Nouakchott, l’enquête montrait que 45 % des ménages étaient alors composés de divorcées, de veuves ou de célibataires. Des statuts d’autant plus précaires que les femmes ne jouissent pas des mêmes droits que les hommes. Aujourd’hui encore, en effet, devant un tribunal, la parole de la gent féminine n’a pas la même valeur que celle du sexe fort. Et alors qu’on ne conçoit pas que ce dernier puisse fauter, être infidèle ou simplement manquer à son rôle de chef de famille, la femme est considérée comme éternellement mineure. Il faut qu’elle ne parvienne vraiment plus à supporter la pression de son époux pour qu’elle décide de le quitter. Les associations féminines estiment à 42 % le taux de divorce en Mauritanie et à 38 % celui de non-remariage des femmes qui quittent le domicile conjugal. Parmi ces dernières, 28 % font office de chef de famille.
Plus largement, le régime de transition milite pour l’éradication de toute forme d’injustice envers les femmes. Ainsi, au terme des Journées nationales de concertation tenues les 25, 26 et 27 octobre 2005, le Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) a décidé que celles-ci seraient désormais présentes à hauteur de 20 % sur toutes les listes électorales.
Pour l’heure, le parti qui revendique (en proportion) le plus de femmes dans ses rangs est le Rassemblement pour la démocratie et l’unité. Sur les 48 membres qui composent son bureau politique, 12 sont des femmes. Lematt Mint Mogueya, ex-députée du défunt Parlement, et Khadjetou Mint Mohamdi, personnalité connue dans le milieu associatif, y sont notamment présentes. La présidence de l’Union pour la démocratie et le progrès (UDP) est occupée par Naha Mint Mouknas. Dans les autres mouvements, on prépare ses égéries. Partout, le mot d’ordre est le suivant : plus de melh fas (foulards) au Parlement.
Si l’objectif est salutaire, il convient pourtant de ne pas se précipiter. Tel est le message d’Aïssata Sy, vice-présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH) et de l’Union interafricaine des droits de l’homme, en charge de l’Afrique du Nord depuis 2004. La raison ? « La Mauritanie est un pays complexe composé de populations arabes et négro-africaines. Or les préoccupations des femmes soninkées ou peules ne sont pas forcément celles des femmes maures. Il faut donc être prudent quand on élabore un texte de loi », fait-elle observer. C’est notamment le cas en matière de divorce, par exemple. « En ce qui concerne la Mauritanienne arabe, il fut un temps où c’était elle, bien souvent, qui demandait à se séparer de son mari. Pour la Négro-Africaine, au contraire, il s’agit là du désaveu le plus ignoble qui soit. »
Quoi qu’il en soit, la femme mauritanienne reste aujourd’hui globalement mieux lotie que dans nombre de pays arabes. Sa liberté d’initiative est largement appréciée à l’extérieur. Outre le monde associatif (lutte contre l’analphabétisme, instruction des jeunes filles, lutte contre le sida, etc.), domaine dans lequel elle tient le haut du pavé, les secteurs techniques, l’administration et l’enseignement scientifique leur sont également de plus en plus accessibles. Une évolution qui devrait, à terme, la conduire à une plus grande émancipation et à la rupture définitive de certains tabous.

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