L’adieu aux armes

Publié le 27 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

D’Amadou Toumani Touré aux officiers portugais de la révolution des illets, de Mikhaïl Gorbatchev à Zine el-Abidine Ben Ali, c’est de l’intérieur des pouvoirs les plus verrouillés – tout au moins en apparence – que proviennent souvent les hommes qui déterminent leur fin, quitte parfois à en reproduire les excès. C’est dire si le coup d’État du 3 août 2005 a été perçu par une grande partie des Mauritaniens comme une divine surprise, mais aussi avec un certain scepticisme. Même si aucun d’entre eux n’avait été directement mêlé aux dérives sécuritaires du régime Ould Taya, le colonel Ely Ould Mohamed Vall et les officiers du Comité militaire étaient après tout issus de cette même matrice. Fallait-il croire en leurs promesses ?
Huit mois plus tard, la réponse est clairement oui. Non seulement la durée de la transition qui doit déboucher sur les élections générales de 2007 a été réduite de cinq mois, mais la présidentielle sera précédée – et non suivie, comme c’est souvent le cas – par des législatives, ce qui représente un signe fort d’ouverture démocratique. Surtout, l’intention affichée dès le départ par celui que chacun à Nouakchott appelle familièrement Ely de ne pas se présenter devant les électeurs – ni lui ni aucun des membres du Comité militaire et du gouvernement ne laisse désormais plus place au doute. Gravée dans le marbre d’un décret et explicitée dès septembre 2005 dans sa première grande interview (J.A.I. n° 2334), cette décision est d’autant plus méritoire que chacun sait en Mauritanie, à commencer par l’intéressé lui-même, que le candidat Vall n’aurait même pas besoin de faire campagne pour être élu au premier tour.

Ce président intérimaire, intermittent de la politique comme d’autres le sont du spectacle, ne se contente pas de définir les conditions d’une remise du pouvoir aux civils. De la réforme de la justice à celle de la Constitution, de la remise en ordre du secteur de la pêche au grand nettoyage des écuries de ce « royaume de l’illusion » qu’était à ses yeux devenu son pays, Ely Ould Mohamed Vall s’efforce de préparer, pour son successeur, une Mauritanie plus saine, plus morale, en rupture totale avec les réflexes d’antan et avec ses maux intrinsèques générateurs de coups d’État.
Prudent, soucieux aussi de ne pas hypothéquer l’avenir (et le sien propre), Ely laisse cependant au pouvoir issu des élections de 2007 le soin d’affronter lui-même quelques dossiers essentiels en suspens : les relations avec Israël, l’éventuelle réintégration de la Mauritanie au sein de la Cedeao, le passif de l’ancien régime en matière de droits de l’homme, mais aussi la gestion au jour le jour d’une manne pétrolière qui risque, pour le meilleur ou pour le pire, de bouleverser le pays et les mentalités. « Nous ne soutiendrons personne », répète-t-il à propos des échéances électorales à venir, « aux leaders d’opinion de prendre leurs responsabilités et de se montrer dignes des Mauritaniens ». L’image de démocrate exemplaire que s’est forgée ce militaire de 54 ans lui interdit désormais de passer dans l’histoire de la Mauritanie comme un autocrate de plus. Le voudrait-il qu’il ne le pourrait plus. Un cas de figure suffisamment rare en Afrique pour qu’on ne se prive pas d’applaudir l’artiste.

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