Filon congolais

Promis à un brillant avenir en Europe, Patrick Katsuva a préféré revenir dans sa RDC natale pour se lancer dans l’orpaillage.

Publié le 27 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

Chercheur d’or, un métier qui en fait rêver plus d’un, même s’il pâtit d’une sulfureuse réputation, notamment en Afrique. Mais Patrick Katsuva, patron de Sivahera, n’en a cure. Diplômé de l’École nationale d’administration (ENA) française en 1999, ce Congolais de 35 ans a décidé de rentrer au bercail pour se lancer dans l’aventure, faisant fi des sollicitations professionnelles européennes. Et au mépris des mises en garde lancées par ses proches.
« Faire du commerce à Kinshasa aurait été beaucoup plus facile, mais aller en forêt et tracer sa voie, c’est beaucoup plus compliqué », déclare ce jeune entrepreneur installé dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC) et qui se présente comme un pionnier de la reconstruction de son pays. La région de l’Ituri a souvent fait la une de l’actualité pour ses violences interethniques. En juin 2005, l’ONG Human Rights Watch dénonçait dans un rapport les atrocités commises par les seigneurs de guerre et le pillage des ressources naturelles dans cette région frontalière avec l’Ouganda. « Il faut prouver qu’il n’y a pas de fatalité, que l’on peut mener une activité économique normale malgré les aléas, insiste Patrick Katsuva. Je veux aussi démontrer qu’un Congolais peut créer une petite entreprise et la gérer sérieusement. La RDC ne se développera jamais uniquement avec l’aide internationale, il faut promouvoir le secteur privé. »
Tout n’est pas allé comme sur des roulettes pour autant. S’il n’a pas été difficile d’obtenir une concession aurifère à Kilo-Moto, près de Mongbwalu, le long de la rivière Watsa, le reste fut particulièrement compliqué. Trouver des financements, recruter du personnel qualifié et fiable, convaincre des partenaires, acheter du matériel performant : la société Sivahera, détenue majoritairement par le suisse Minerals & Metals SA, est l’aboutissement d’un long et tumultueux parcours du combattant. On est bien loin du mythe de l’eldorado. « J’ai trouvé des orpailleurs qui travaillaient à la petite cuillère. J’ai dû les former et acquérir une drague, mais il a fallu traduire les manuels d’utilisation. Quant aux institutions internationales, elles ne financent pas des petits projets comme le mien. Les banques commerciales locales sont absentes et le microcrédit ne répond pas à mes besoins », résume Katsuva, qui a dû mettre la main à la poche. Et débourser quelques dizaines de milliers de dollars. Aujourd’hui, après un peu plus d’un an d’activité, la société emploie 20 salariés rémunérés entre 60 et 250 dollars, et a extrait 3 kg d’or vendus en Suisse entre 420 et 550 dollars l’once. « En respectant les règles. » C’est bien, mais encore insuffisant. Surtout en regard du géant sud-africain AngloGold Ashanti.
L’avenir passe donc par de nouveaux investissements afin d’augmenter les capacités de production, car pour être rentable, il faut sortir de la rivière au moins 10 kg et si possible les faire fondre sur place afin d’en retirer les impuretés. La vente à l’état brut est synonyme de manque à gagner. Sivahera a par ailleurs obtenu une seconde concession d’exploration à Butembo, dans le Nord-Kivu, mais l’exploitation exige l’achat d’une nouvelle drague. Montant total des investissements : 100 000 dollars. Pour l’instant, les financiers ne veulent rien entendre. « Je dois me battre contre les clichés et les idées préconçues », déplore notre chercheur d’or, bien décidé à ne pas lâcher le morceau. « Si les gens comme moi se retirent, d’autres viendront, mais avec des pratiques tout autres, prévient-il. La nature a horreur du vide. »
Dans cette région de la RDC, l’or explique pour une large part l’instabilité, les violences armées, la constitution de milices et la souffrance des populations. Mais le métal jaune est aussi l’un des ressorts de son développement économique. À condition de définir et de respecter les règles de son exploitation.

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