Enfin sur les rails !

La première ligne reliera la capitale à sa banlieue Est à partir de 2008. Maître d’uvre : un groupement mené par Siemens France.

Publié le 27 mars 2006 Lecture : 4 minutes.

C’était le projet du XXe siècle. Un projet qui aura englouti quelque 6 milliards de dollars sans avoir jamais vu le jour. Née en 1930, à l’époque où le pays était encore sous domination française, l’idée du métro d’Alger a été abandonnée au lendemain de l’indépendance, en juillet 1962. Relancé en 1983, le projet aura vu défiler cinq présidents de la République et une dizaine de chefs de gouvernement. Mais, depuis le 24 janvier 2006, tout s’est accéléré : Alger aura bien sa première ligne de métro d’ici à deux ans.
En ce 24 janvier donc, Djenane el-Mithak, une somptueuse résidence d’État nichée sur les hauteurs d’Alger, accueillait un aréopage de ministres, de diplomates, de hauts responsables de l’État et de chefs d’entreprise algériens et étrangers, tous venus assister la cérémonie de signature du fameux contrat. À l’heure du toast, Philippe Carli, président de Siemens France, ne cachait pas sa satisfaction : « Grâce à cette opération, Siemens renforce sa position de leader dans les systèmes de transports urbains, notamment concernant les automatismes et la signalisation. Siemens a participé à l’histoire des métros depuis la fin du XIXe siècle. Nous allons, avec nos partenaires, répondre rapidement aux attentes et aux besoins de la population algéroise pour lui apporter un service de transport rapide et fiable. »
Un moyen de transport rapide, fiable et moderne, voilà ce dont les quelque 3 millions d’Algérois rêvent depuis plus de deux décennies pour en finir avec les embouteillages monstres et les attentes interminables devant un arrêt de bus ou une station de train.
Cette opération est l’aboutissement d’un long processus, indique un responsable de l’Entreprise Métro d’Alger (EMA). Trois candidats ont répondu à l’appel d’offres lancé en décembre 2004 : le canadien Bombardier, constructeur aéronautique et ferroviaire, le français Alstom et la branche française de l’allemand Siemens. Le premier s’est retiré dès les premiers mois. L’offre du second a été jugée non conforme au cahier de charges. « Même si l’offre de Siemens ne répond pas à 100 % à nos aspirations, elle est très satisfaisante », déclarait, en septembre 2005, Abdelwahab Maza, directeur système chez l’EMA.
C’est donc un groupement européen, constitué de Siemens Transportations Systems (France), du français Vinci Construction-Grands Projets et de l’espagnol Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles (CAF), qui sera chargé de la mise en uvre de la première ligne, laquelle reliera le quartier de Hai el-Badr (à Badjarah, à une dizaine de kilomètres à l’est du centre d’Alger) à la station Tafoura, au carrefour de la Grande Poste. Coût du projet : 380 millions d’euros, dont 145 millions seront pris en charge par Siemens. « La durée de réalisation ne devrait pas excéder trente-cinq mois et la livraison de la ligne se fera au 1er semestre 2008. D’ores et déjà, des extensions sont planifiées à moyen et à long terme », a indiqué à Jeune Afrique Olivier Sagot, directeur commercial et marketing chez Siemens et l’un des principaux responsables du projet. D’une longueur de 9 km, la première ligne comprendra dix stations. Quatorze trains de six voitures d’une capacité de 1 234 voyageurs chacun devraient être mis en circulation.
Leader du groupement, Siemens fournira notamment la signalisation, les automatismes, la voie, les télécommunications, l’électrification, la billettique, le poste de commande centralisée, le management du projet, ainsi que l’ensemble de l’ingénierie système. L’espagnol CAF fournira le matériel roulant, à savoir les rames, comme ce fut le cas dans les métros de Rome et de Madrid. Quant à Vinci Construction-Grands Projets, il prendra en charge la partie génie civil. Fort de son expérience acquise notamment dans la construction du métro du Caire, en Égypte, Vinci parachèvera les dix stations, construira les bâtiments administratifs et le garage atelier. L’installation du système de ventilation et des escaliers mécaniques sera également prise en charge par cette entreprise. Une fois achevé, le métro d’Alger n’aura rien à envier à ceux des grandes villes occidentales. « Le métro d’Alger bénéficiera du système d’automatisme dénommé Trainguard MT CBTC », souligne Didier Roussel, président de Siemens Transportations Systems. Le Trainguard est un système automatique qui assure le guidage optique et l’assistance à la conduite par un traitement numérique des images. En outre, cette technologie accroît la fiabilité et la sécurité des équipements et des trains. Pour Philippe Carli, cette innovation est de taille : « Alger rejoint ainsi les grandes capitales mondiales dont les réseaux de métro sont équipés de notre système Trainguard, comme New York, Paris, Barcelone et Budapest. Je suis sûr que les Algérois demanderont que les lignes soient étendues au vu de la qualité qui leur sera proposée. »
Pour les grandes firmes internationales et les hommes d’affaires étrangers, l’Algérie est devenue un partenaire économique obligé. Sorti d’une guerre civile qui aura duré plus d’une dizaine d’années, le pays connaît une réelle stabilité sur le plan politique et sécuritaire. Grâce au boom des recettes pétrolières, il dispose désormais d’un « matelas » qui se chiffre en dizaines de milliards de dollars. L’aisance financière, couplée aux besoins du pays en matière d’infrastructures, aiguise bien sûr l’appétit des investisseurs. Avec ce nouveau projet, et dans l’attente des résultats de l’appel d’offres lancé il y a quelques mois pour la réalisation des tramways d’Alger, de Constantine et d’Oran, Siemens, qui a déjà investi dans les télécommunications, l’énergie et l’industrie pharmaceutique, renforce sa présence dans le pays. « Siemens est présent en Algérie depuis 1962, souligne Olivier Sagot. Nous ne l’avons jamais désertée en dépit de toutes les crises qu’elle a traversées ces quarante dernières années. »
En attendant que le premier train vibre dans les entrailles de la capitale, les Algérois prennent leur mal en patience, non sans ironie. « J’étais étudiant à la faculté d’Alger quand j’ai assisté aux premiers coups de pelleteuse en 1983. Vingt-trois ans se sont écoulés depuis et le projet est toujours en chantier. J’espère pouvoir prendre ce sacré métro avant de devenir grand-père », plaisante Mohamed, un haut responsable d’une banque publique.

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