De l’invective au débat

Publié le 27 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

Le pamphlet a ses règles, qui ignorent la nuance, mais force est de reconnaître que Boualem Sansal n’y va pas de main morte ! Sa plume acérée taille en pièces l’Algérie, ses dirigeants, sa société civile, ses élites, sa classe politique, son peuple. Personne n’en réchappe. Tout est sombre, honni, critiquable et critiqué. Pas la moindre lueur d’espoir à l’horizon. Et pas l’once d’une proposition, d’une idée, d’une recommandation pour sortir l’Algérie de l’ornière dans laquelle elle se serait enlisée. Le diagnostic, même au vitriol, est une chose ; faire avancer le débat en est une autre. C’est pourquoi nous avons souhaité le rencontrer pour qu’il développe avec nous la « substantifique moelle » de son dernier opus.
Poste restante : Alger, comme Le Serment des barbares, son premier roman, est un succès. Déjà, les médias étrangers s’en délectent : les trains qui déraillent intéressent davantage que ceux qui arrivent à l’heure… L’Algérie a soulevé trop d’espoirs, cristallisé trop d’exigences, affiché trop d’orgueil pour ne pas un jour en payer le prix. Parce qu’elle dispose d’atouts que les autres lui envient. Parce que sa lutte pour l’indépendance a longtemps servi d’exemple. Parce que le Sud se cherche plus que jamais des hérauts et que l’Algérie en a été – et devrait le redevenir – la figure de proue. On en attend tellement qu’elle ne peut que décevoir.

Sansal pointe du doigt les dangereuses dérives d’El-Djazaïr. Et il a raison. Mais l’exercice auquel il se livre aurait, selon nous, mérité plus de distance. Tirer à boulets rouges sur tout ce qui se bouge n’est pas suffisant. Surtout quand quelques contre-vérités se glissent dans le réquisitoire. Non, l’écart ne s’agrandit pas de jour en jour entre la richesse du sous-sol et le niveau de vie des classes les plus démunies. Non, la classe moyenne n’est pas la plus durement touchée ; au contraire, elle se développe. Non, une nouvelle fois, les émeutes ne connaissent pas une croissance exponentielle. Enfin, la léthargie qu’il reproche à la société civile algérienne n’est pas toujours si évidente. Universitaires, avocats, médecins, journalistes, leaders d’opinion font ce qu’ils peuvent, tentent avec leurs faibles moyens de faire progresser une société largement sclérosée, résistent devant l’indéniable avancée d’un conservatisme insidieux qui s’insinue partout où il le peut. Et il est vrai que les brèches ont tendance à se multiplier…
Il ne s’agit pas ici de nier la réalité des problèmes ni même de contester la véracité de certains faits. Le combat de Sansal est plus que louable. Il se pose en vigie, en gardien du temple qui « déboulonne » les idoles auxquelles il ne croit pas et dénonce une imposture qu’il ne peut supporter.
Boualem Sansal est un grand monsieur. Un homme courageux qui n’hésite pas à prendre des risques pour son pays – et accessoirement pour lui-même. Mais ce serait une autre imposture que de penser qu’il est le seul

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