Conjoncture favorable

Pour profiter de la flambée des cours mondiaux, le pays envisage de doubler sa production de fer à court terme.

Publié le 27 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

« Rendez-vous à Point Central » : les habitants de Nouadhibou comprennent tous le message. « Point Central », dans le jargon local, c’est le nom du port minéralier de la Snim, la Société nationale industrielle et minière. Par extension, il désigne l’immense site que l’entreprise occupe, à quelques kilomètres de la ville, au bord de l’océan. Un État dans l’État, disent les Mauritaniens. Le long de la route qui mène à l’enceinte bien gardée, le visiteur peut apercevoir au loin le train qui arrive des mines de fer à ciel ouvert de Zouérate, après un trajet de 700 km. Selon la légende, c’est le plus long train du monde. Trois fois par jour, toute l’année, quelque 220 wagons acheminent leur chargement à la Snim, où le minerai de fer sera concassé et criblé avant d’être transféré, par tapis roulant, sur un navire minéralier attendant au port, en contrebas.
Avec la pêche, le fer est l’autre pilier de l’économie mauritanienne. À lui seul, le secteur crée 12 % de la richesse nationale et représente 15 % du budget de l’État. Il emploie 4 000 personnes par l’intermédiaire de la Snim, principal exploitant du pays. Née sous le nom de Miferma (Mines de fer de Mauritanie) à l’époque coloniale (1952), la compagnie a été nationalisée en 1974. Aujourd’hui, l’État détient 78,35 % de son capital, le reste étant réparti entre divers actionnaires, dont des opérateurs koweïtien, jordanien et irakien.
Unique exportateur de fer du monde arabe, la Mauritanie n’est pas peu fière de son fleuron industriel. Mais à l’échelle de la planète, le pays est un acteur modeste – environ 1 % de la production mondiale avec 11 millions de tonnes exportées en 2004 -, souvent relégué dans le bas des classements.
Le marché du fer est cruel et la concurrence rude. Dominé par le Brésil et l’Australie, qui à eux deux assurent 42 % de la production mondiale (1,2 milliard de tonnes en 2004), il est concentré entre les mains de quelques grands groupes et laisse peu de marge de manuvre aux « petits ». Les géants donnent le ton en fixant les prix, les autres ne peuvent que suivre. En face, un mouvement de consolidation se dessine chez les clients, les sidérurgistes. En janvier dernier, l’offre publique d’achat (OPA) de l’indien Mittal Steel sur le français Arcelor l’a montré. Mieux vaut ne pas perdre un client, ils sont rares. Ceux de la Snim appartiennent à l’Union européenne (UE). Avec eux, la compagnie entretient une relation ancienne et fidèle. En 2004, près de 90 % de ses ventes ont été réalisées au sein de l’UE. La France et l’Italie ont été les principaux acheteurs cette année-là, ayant acquis respectivement 26 % et 24 % de la production totale de la Snim. Un an plus tôt, 9 % des importations totales de minerai de fer de l’UE provenaient de Mauritanie. Dans la liste des fournisseurs, le pays se situe au même rang que la Suède, devant l’Afrique du Sud (6 %) et derrière le Canada (11 %). Ce lien privilégié s’explique par des raisons historiques – la France a participé à la création de Miferma – et géographiques : plus rapide et plus facile pour le Vieux Continent de s’approvisionner en Mauritanie qu’en Australie ou au Brésil.
Après des années de stagnation, le prix du minerai de fer connaît une nette augmentation depuis le début de la décennie. Début 2005, le brésilien CVRD a annoncé une hausse de 71,5 %, sur laquelle se sont ensuite alignés les autres producteurs. La demande chinoise est le responsable bien connu de cette envolée. Les besoins en fer de l’empire du Milieu vont croissant : en 2005, les importations de Pékin se sont élevées à 220 millions de tonnes, et, d’après les prévisions du ministère du Commerce, elles pourraient atteindre 265 millions en 2006. Les grands groupes disposant d’importantes capacités d’expansion, il n’est pas certain que cette tendance à la hausse se prolonge éternellement. D’après certaines hypothèses, un retour à l’équilibre entre l’offre et la demande se produira en 2008.
En attendant, la Snim compte bien profiter de la croissance du marché en augmentant ses capacités de production. Ses bénéfices, de 30 millions de dollars en 2004, ont atteint 109 millions en 2005, et devraient continuer leur progression en 2006. D’après « Vision et stratégie », le document-cadre réalisé au début 2006, la compagnie ambitionne de doubler sa production, estimant qu’à court terme elle pourra atteindre les 18 millions de tonnes. Il s’agit de bénéficier au plus vite de la conjoncture favorable.
Reste à trouver les financements. Un projet doit être soumis aux bailleurs de fonds. En juillet 2004, un accord de joint-venture a été signé avec l’australien Sphere Investments pour l’exploitation du gisement de Guelb Al-Aouj, dont les réserves sont estimées à 500 millions de tonnes de magnétite. Une première étape.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires