Arrivederci Berlusconi ?

Le président du Conseil sortant pourrait faire les frais de son populisme affairiste lors des législatives des 9 et 10 avril.

Publié le 27 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

Les Italiens sont appelés, les 9 et 10 avril, à renouveler les deux Chambres de leur Parlement. Ils devront choisir entre la coalition de centre-droit du président du Conseil sortant Silvio Berlusconi et la coalition de centre-gauche emmenée par Romano Prodi, ancien président du Conseil (1996-1998) et ancien président de la Commission européenne (1999-2004).
Berlusconi est soutenu par son propre parti Forza Italia, par la droite, l’extrême droite et par les autonomistes lombards. Prodi, vainqueur des primaires à gauche en octobre 2005, rassemble une alliance d’inspiration sociale-démocrate allant des trotskistes aux déçus de la droite.
À trois semaines du scrutin, les sondages donnaient à Prodi une avance de 3 % à 5 %, mais quelque 20 % des électeurs sont encore indécis. Le débat télévisé du 14 mars a tourné à l’avantage de Prodi, plus mesuré et concis, face à un Berlusconi, trop acharné à défendre, chiffres à l’appui, un bilan en demi-teinte. Un second débat aura lieu le 3 avril.
Pour qui privilégie la respectabilité, le choix de Prodi s’impose, tant Berlusconi s’est rendu haïssable par son populisme démagogique, ses alliances sulfureuses, son sexisme, son racisme et ses échecs économiques. L’homme le plus riche d’Italie, abusant de son contrôle sur la moitié des chaînes de télévision à titre privé et sur l’autre moitié comme tuteur de la télévision publique, s’invite sans relâche sur les écrans, menace les journalistes, occupe par ses excentricités le devant de la scène. Ses démêlés avec les juges italiens – qu’il juge « anthropologiquement différents » – ne lui font guère honneur et des affaires douteuses ne cessent d’émerger dans son sillage.
S’agissant des performances de l’économie, Berlusconi est sur la sellette, puisqu’il vient, pour la première fois en Italie, de boucler un mandat de cinq ans. C’est donc à lui d’assumer la responsabilité d’une série d’échecs : croissance anémique de 1,5 %, baisse de la productivité de 0,3 %, hausse des prix de 2,5 %, déficit public qui s’est creusé de 5 points de PIB. Prodi peut, en revanche, faire valoir les résultats plus flatteurs de sa gestion de 1996 à 1998. Mais les analystes soulignent que la raison principale des difficultés du pays est la croissance des coûts de production, qui ne peut plus être compensée par une dépréciation de la monnaie depuis que l’Italie a adopté l’euro. Dès lors, soit il ne fallait pas rejoindre la zone euro – c’est Prodi qui l’a fait -, soit on doit blâmer le seul Berlusconi de n’avoir pas su faire mieux que ses prédécesseurs pour désaccoutumer l’Italie de son addiction inflationniste.
Quelles sont les chances des candidats de relancer la machine économique ? Leurs programmes ne diffèrent guère et ne vont pas assez loin pour sortir l’Italie de son enlisement. Les propositions se traduisent par un alourdissement du déficit public et ne peuvent donc nourrir une croissance durable. Berlusconi n’a pas réussi à aligner ni à faire passer un ensemble cohérent de mesures ; on ne peut garantir que Prodi, avec la coalition bigarrée qui le soutient, soit capable de faire mieux.
Berlusconi se défend en agitant l’épouvantail communiste, en en appelant aux valeurs traditionnelles de la famille, malmenées il est vrai dans un pays où le taux de fécondité est tombé à 1,3, le plus bas d’Europe. Prodi fait le même diagnostic et s’attache à blâmer Berlusconi pour ses promesses non tenues.
Pour en finir avec l’instabilité gouvernementale récurrente, Berlusconi a pris plusieurs initiatives institutionnelles : une loi électorale consacrant le scrutin proportionnel a contraint les partis à s’unir dans une ébauche de bipartisme. Prodi a juré de revenir au scrutin majoritaire, accusant la nouvelle loi d’avoir pour seul objet de faciliter la réélection de son adversaire. Idem pour la réforme constitutionnelle et régionale. Mais Berlusconi peut-il être taxé d’électoralisme pour avoir tenté de renforcer l’exécutif ? Sa réforme constitutionnelle, approuvée par le Parlement à une trop courte majorité, exigera un référendum en juin. Prodi votera et fera voter contre.
Berlusconi tente de combler son retard dans les sondages par des attaques à front renversé contre le patronat. Mais la victoire semble promise à Prodi ; sans soulever d’enthousiasme en Italie et à l’étranger, elle sera surtout la défaite d’un populisme affairiste et brouillon, et consacrera ce principe que, dans l’incertitude, on vote pour l’alternance.

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