Voulez-vous vivre 150 ans ?

Publié le 28 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Avec son jean délavé, son regard bleu perçant et sa longue barbe rousse, Aubrey de Grey a tout du savant excentrique. Mais en 2005, le biogérontologue autodidacte, rattaché au département de génétique de l’université de Cambridge, en Grande-Bretagne, s’est signalé à l’attention de ses pairs avec ses théories sur le vieillissement.
Aubrey de Grey soutient qu’une augmentation considérable de l’espérance de vie sera possible dans les trente ans. « Les progrès de la médecine étant ce qu’ils sont, dit-il, nous serons inévitablement en mesure de traiter le vieillissement aussi efficacement que nous traitons aujourd’hui beaucoup de maladies. » Il ne voit pas pourquoi beaucoup de nos contemporains qui sont en vie aujourd’hui ne vivraient pas 150 ans ou plus. La base de ses prévisions est un projet qu’il dirige, appelé « Stratégies pour une maîtrise de la sénescence ». Il a identifié sept types de dommages moléculaires ou cellulaires liés au vieillissement, dont chacun est, d’après lui, « potentiellement réparable par une technologie qui existe déjà ou dont la mise au point est déjà avancée ».

Dans la communauté scientifique, de Grey est regardé avec un mélange de fascination et de scepticisme. Est-ce un pionnier ou un barjo ? Un naïf ou un prophète ? Une chose est sûre : qu’on soit d’accord ou pas avec ses théories, il est désormais difficile de l’ignorer. Jay Alshansky, professeur d’épidémiologie à l’École de santé publique de Chicago, le reconnaît : « Je suis un fan d’Aubrey. Nous avons besoin de lui. Je ne suis pas d’accord avec certaines de ses conclusions, mais en science, ce n’est pas grave. C’est ce qui fait avancer les recherches. »
Mais tout aussi important est l’intérêt soulevé par de Grey en dehors de la communauté scientifique. Il s’est rapidement affirmé comme la figure de proue d’un nouveau mouvement qui prend régulièrement de l’ampleur des deux côtés de l’Atlantique. Ce mouvement a pour nom le « transhumanisme », et son idée de base est que les progrès de la science et de la technologie devraient nous libérer des contraintes de la maladie et du vieillissement et nous permettre de vivre plus longtemps et en meilleure santé.

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Sous sa forme la plus modeste, le transhumanisme recommande l’utilisation des nouvelles technologies, telles que les médicaments intelligents, la chirurgie esthétique et la thérapie génique, pour améliorer nos capacités mentales et physiques et nous donner un sentiment de bien-être. À l’autre bout du spectre, on trouve des futuristes comme Ray Kurzweil, qui écrit dans son dernier livre, The Singularity is Near (« La singularité approche ») : « Finalement, nous fusionnerons avec notre technologie Dans les années 2040, la portion non biologique de notre intelligence sera des milliards de fois plus efficace que notre portion biologique. »

Une telle vision de l’avenir a provoqué une vive réaction dans les milieux religieux et conservateurs, qui voient dans le transhumanisme une transgression de la nature humaine, et à gauche, où l’on s’inquiète des contrecoups éventuels sur l’égalité et les droits de l’homme. Pour Francis Fukuyama, l’essayiste américain, le transhumanisme est « l’idée la plus dangereuse du monde ».
Cependant, quand les technologies de l’amélioration de l’homme passent des pages de la science-fiction aux laboratoires et bientôt au marché, de telles réponses ne sont plus suffisantes. L’inspiration du transhumanisme est positive : c’est un désir de développer la médecine et les systèmes actuels de santé d’une manière qui nous permettrait d’avoir une vie bien plus longue et plus accomplie.

Si les technologies de l’amélioration sont soigneusement réglementées et ouvertes au débat public, il n’y a pas de raison qu’elles ne bénéficient pas d’un vaste soutien. La plupart d’entre nous, si nous en avions la possibilité, sauteraient sur l’occasion de vivre bien au-delà de la moyenne de soixante-dix ou quatre-vingt ans qui nous est accordée, même s’il fallait pour cela absorber un cocktail de nouveaux médicaments. L’extraordinaire succès de la chirurgie esthétique montre avec quelle rapidité les points de vue peuvent évoluer, avec des interventions naguère taboues qui font aujourd’hui le quotidien des changements de look proposés à la télévision et dans les pages beauté des magazines.

* James Wilsdon est le responsable de la science au think-tank Demos.

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