Un monde où le cheval est roi

Globe-trotter impénitent, Jean-Louis Gouraud nous entraîne dans cette vaste région d’Asie centrale qui fait rêver tous les amis de la race équine.

Publié le 28 février 2006 Lecture : 3 minutes.

On ne compte plus les livres que Jean-Louis Gouraud a consacrés au cheval. Cosigné avec le célèbre photographe Yann Arthus-Bertrand, l’un des derniers en date, Chevaux (éditions du Chêne), véritable bible en images de l’espèce équine, s’est classé l’an dernier parmi les meilleures ventes de beaux-livres en France (12 000 exemplaires vendus). En 2005 également, l’ancien collaborateur de Jeune Afrique – il en a été le rédacteur en chef dans les années 1960 rassemblait les contributions d’une quarantaine d’écrivains dans Histoires d’amour (et de chevaux), paru aux éditions du Rocher. Auparavant, il avait traité du thème des multiples représentations du couple femme-cheval dans l’art (Femmes de cheval : dix mille ans de relations amoureuses, éditions Favre, 2003), mettant en relief sa forte charge érotique et fantasmatique.
Pour Jean-Louis Gauraud, le cheval est d’abord synonyme de voyages. Après Russie, des chevaux, des hommes & des saints (Belin, 2001) et L’Afrique, par monts et par chevaux (Belin, 2002), c’est dans l’immense région s’étendant du Caucase à la Chine qu’il nous entraîne aujourd’hui. C’est là, nous dit-il, que le petit animal de la taille d’un chien originaire d’Amérique est devenu, au terme d’une évolution de quelques millions d’années, le superbe coursier que l’on admire aujourd’hui sur les hippodromes. C’est là aussi, plus précisément au Tibet, que l’explorateur russe Nicolaï Prjevalski a retrouvé, à la fin du XIXe siècle, les derniers spécimens d’une race semblable à celles que les hommes de Cro-Magnon dessinaient il y a plus de trente mille ans sur les parois de leurs grottes.
Même si on situe les débuts de la domestication du cheval en Ukraine, un grand nombre d’innovations techniques, comme l’invention de la selle à arçon, a eu lieu en Asie centrale. Pour les peuples qui nomadisent depuis la nuit des temps dans ces immensités steppiques, le cheval est plus qu’un moyen de transport et de subsistance : une créature d’essence céleste.
Qu’on ne s’y trompe pas pourtant. Il y a cheval et cheval. Impossible de confondre le petit quadrupède bedonnant, proche du poney, rendu célèbre par les calligraphies chinoises, le mongol, « un gros rat sur roulettes » ainsi que l’avait caricaturé l’écrivain français Saint-John Perse, et l’altier akhal-téké, le plus beau cheval du monde aux dires des spécialistes.
Dans la série de tableaux qui forment ce livre associant considérations historiques érudites et anecdotes personnelles apparaissent inévitablement la figure de Tamerlan (XIVe siècle), conquérant sanguinaire mais sous le règne duquel Samarcande connut un haut degré de culture, et celle de Gengis Khan (XIIIe siècle), fondateur de la nation mongole, qui réussit à constituer le plus grand empire de tous le temps. Mais on s’attarde avec autant d’intérêt sur quelques personnages moins connus tel le jésuite italien Giuseppe Castiglione devenu, sous le nom de Lang Shining, l’un des maîtres de la peinture chinoise du XVIIIe siècle.
Le véritable héros de l’ouvrage reste néanmoins le fameux akhal-téké, dont l’aura qui l’entoure est illustrée par l’affaire du « cheval de Mitterrand ». En mai 1993, au cours d’un voyage au Turkménistan, le chef de l’Etat français s’était vu offrir par le président de cette ex-République soviétique un spécimen de l’espèce mythique. Jean-Louis Gouraud n’avait connu la nouvelle que six mois plus tard, pour s’en réjouir, puisque les akhal-tékés sont très rares en dehors de leur berceau centrasiatique.
Ayant appris que le canasson, baptisé Gendjim, avait bien quitté sa terre natale pour la France, l’auteur avait hâte d’aller l’admirer dans les haras nationaux – il lui semblait logique qu’un cadeau présidentiel aboutisse en un tel lieu. Surprise ! Point d’akhal-téké dans les écuries de l’Etat. De recherche en recherche, la vérité fut enfin établie. Le cheval était hébergé dans une discrète résidence présidentielle, non loin de Paris. Si discrète que personne ou presque ne savait que ce coquet château noyé dans quatorze hectares de verdure avait été légué par ses propriétaires sans héritiers à la présidence de la République. Si François Mitterrand avait mis autant de soin à cacher la destination du cheval, n’était-ce pas parce qu’il le destinait à quelqu’un qu’il voulait cacher également, sa fille Mazarine ? Tout le laisse à penser.
Qu’on se rassure : Gendjim, treize ans après cette histoire, se porte comme un charme et vit toujours dans la région parisienne, quelque part près de Rambouillet. Il aurait été castré, mais garderait une forte personnalité, trait typique de sa race.

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