À quitte ou double

Publié le 28 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Participera, participera pas ? Le suspense qui entoure la candidature d’Étienne Tshisekedi à la présidentielle congolaise reste entier. Après avoir appelé au boycottage du processus électoral, le Sphynx de Limete (du nom du quartier de la capitale où il habite) voudrait bien prendre en marche le train de la transition. Le 2 janvier, tirant les leçons de la victoire massive du « oui » au référendum constitutionnel du 18 décembre dernier, le chef de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) a annoncé que son mouvement prendrait part aux prochains scrutins. En contrepartie de sa caution au processus, il exige la réouverture des bureaux d’enregistrement des électeurs. Sans être certain d’être entendu de la Commission électorale indépendante (CEI).
Mais en fonction de la position qu’adoptera le plus vieil opposant de l’ex-Zaïre, une double interrogation se pose. Premièrement, s’il est candidat à la présidentielle, quelles sont ses chances de l’emporter ? Deuxièmement, dans le cas contraire, quelle sera la valeur d’élections boycottées par celui qui se dit chef de la première force politique congolaise ? Contrairement à Joseph Kabila, qui a fait irruption par accident sur la scène politique il y a seulement cinq ans, Étienne Tshisekedi résume presque à lui tout seul l’histoire du Congo depuis son indépendance.
Il commence sa carrière politique dès l’accession du pays à la souveraineté internationale. Au lendemain du coup d’État de Mobutu, en 1965, il devient ministre et membre du bureau politique du Mouvement populaire de la révolution (MPR). Ce n’est qu’au début des années 1980 que l’apparatchik prend ses distances avec le maréchal. Lequel le lui fait payer cher, en le jetant en prison. Mais rien n’y fait, Tshisekedi va créer son parti, l’UDPS, en 1982. Symbole de l’opposition radicale, il est élu Premier ministre dix ans plus tard par les délégués à la Conférence nationale souveraine (CNS). En mai 1997, le mobutisme s’effondre face à l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila. Malgré le changement de régime, Tshisekedi conserve son statut d’éternel opposant. Ses déclarations intempestives gênent les nouvelles autorités, qui décident de l’éloigner de Kinshasa et le condamnent à plusieurs mois de relégation dans son village du Kasaï.
Depuis que Joseph Kabila a remplacé son père à la tête de l’État, les partis politiques ont retrouvé une certaine liberté d’expression, et l’UDPS a pu de nouveau occuper le terrain. D’autant plus facilement que, face à la multitude de groupuscules qui composent l’opposition non armée, le mouvement tshisekediste est le seul grand parti digne de ce nom. Entre la pléiade de formations plus ou moins clientélistes qui tentent de profiter de la transition pour se faire une place sur l’échiquier politique, et les ex-rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) ou du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), aujourd’hui reconvertis aux vertus de la vie civile, Étienne Tshisekedi affiche l’itinéraire rectiligne de celui qui, sans jamais succomber à la tentation des armes, a toujours refusé les compromis et les compromissions. Et l’a payé de plusieurs arrestations, voire de séjours derrière les barreaux. Avec lui, ça passe ou ça casse.
L’homme passe pour tellement droit qu’il est devenu rigide. En restant obstinément à l’écart du processus de transition pour mieux pouvoir le critiquer, Tshisekedi a tant cultivé sa spécificité qu’il s’est peu à peu marginalisé. Au point d’amener les exégètes de la vie politique kinoise à s’interroger sur les véritables capacités du Líder máximo à gouverner de manière consensuelle s’il accédait au pouvoir. Mais d’ici là, il y a le test de la présidentielle. Soit il y participe, et son score permettra d’évaluer son poids réel dans le pays. Soit il en est écarté, et ce sera à la mobilisation de ses compatriotes que l’on mesurera sa capacité de nuisance à l’encontre du processus en cours.

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