Quelques conseils au « Guide »

Comment améliorer l’image de marque de la Libye ?

Publié le 28 février 2006 Lecture : 3 minutes.

« Cher Guide de la Grande Révolution du 1er Septembre et de la Jamahiriya arabe libyenne du peuple socialiste – ou dois-je vous appeler simplement colonel ? -, salaam.
J’ai appris que vous aviez loué les services de Michael Porter, le calife de la compétitivité de l’université Harvard, pour vous aider à mener à bien cette bien modeste tâche : moderniser l’économie libyenne. Intéressante évolution. La plupart des pays en passe de devenir riches s’empressent d’importer des biens d’équipement. Vous, vous commencez par faire venir des conteneurs entiers de consultants.
Je ne doute pas que le très estimable Pr Porter fourmille d’idées passionnantes sur la manière dont la Libye doit s’y prendre pour créer de la valeur, construire des groupes compétitifs et toutes sortes de choses de ce genre. Vous partez sur de bonnes bases, c’est évident, et paraissez en mesure de vous assurer une position dominante dans cette « niche » éminemment lucrative des « producteurs de pétrole arabes amis de l’Amérique ».
Il fut un temps où les pays entrevoyant sérieusement la possibilité de s’enrichir empruntaient tous à peu près le même chemin. D’abord, le labourage. Puis, l’achat de tee-shirts, puis de jouets, puis de tracteurs, puis de postes de télévision. Ils commençaient alors à faire fructifier leur argent pour se retrouver avec des teenagers aliénés sur les bras ! Le processus s’est répété si souvent qu’il en devient lassant. C’est ainsi que les choses se sont passées dans les années 1970. En Asie du Sud-Est, par exemple. De toute façon, n’en doutez pas, la Chine fera toujours mieux que vous en ce domaine
La nouvelle pensée émergente est la suivante : respectez les lois du marché et laissez tout le reste aller comme il peut. Pour être tout à fait franc, l’image de la Libye en matière de management laisse un peu à désirer. Toutes les choses pas forcément très agréables qui ont marqué les années 1980 – et pas seulement les insultes de Ronald Reagan à votre égard – vous ont passablement nui. Il vous faut aujourd’hui troquer votre image de chien fou pour celle d’un chat bien nourri. Ce n’est pas impossible, cela s’est déjà vu : songez à l’Afrique du Sud
D’abord, il vous faut donner quelque consistance à la marque Libye. Vous représentez une part importante de l’image de votre pays (votre abondante chevelure apparaît, de ce point de vue, très postmoderne, très tendance). Mais votre effort global de promotion part un peu dans tous les sens. C’est quoi exactement votre nom ? Gadhafi, Gadafi, Gaddafi, Kadhafi ? Ce n’est pas ainsi que Microsoft est devenu grand ! Traduisez une bonne fois votre patronyme en caractères latins et déposez la marque. Il se trouve par ailleurs que les Libanais possèdent eux aussi une ville nommée Tripoli. Convainquez-les de la débaptiser ou songez à modifier le nom de votre capitale. New Tripoli, peut-être ? Cela a très bien marché pour Delhi et le Labour Party britannique.
Ne sous-estimez surtout pas l’importance du marché du kitsch. Ce n’est peut-être pas une inépuisable pompe à fric, mais c’est un moyen très utile d’imposer le nom de votre marque dans les secteurs de la population qui vous intéressent. Je sais que vous avez déjà lancé sur le marché des montres Kadhafi, pour « elle » et pour « lui ». Je le sais parce que j’en ai acheté une… Mais il vous faut absolument mettre en place une gamme complète de produits dérivés : cigarettes légères, cendriers, tee-shirts, cartes de crédit, etc. Un de mes amis a travaillé pour la Chine dans les années 1980. Eh bien ! je peux vous dire que chaque touriste rentrant chez lui avec un porte-clés à l’effigie de Mao devenait automatiquement un client à vie.
Pour finir, il vous faut vous dissocier de l’image nettement négative de votre environnement géographique. Ni « Moyen-Orient » ni « Afrique » ne sont de nature à séduire les foules. À partir de maintenant, vous êtes un « Méditerranéen de la côte sud ». Et fier de l’être !
Bonne chance dans toutes vos entreprises. Si tout va bien, nous nous verrons l’an prochain à Davos, sur les pistes. Apportez votre tente. »*

* Tout ce qui précède est évidemment une plaisanterie.

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