Louis Michel

Commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire

Publié le 28 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Pourquoi, malgré les détournements de fonds qui ont été dénoncés ?par le Conseil de sécurité de l’ONU et le FMI, la communauté ?internationale décide-t-elle d’accorder une nouvelle enveloppe de 561 millions d’euros ?à la RD Congo ?
Louis Michel : Il ne faut pas généraliser. L’Union européenne a déjà donné 750 millions d’euros à ce pays depuis le début de la transition. Tout cet argent n’a pas été détourné. Il a servi à améliorer la vie des populations, à remettre un peu le pays en état. Nous avons, c’est vrai, dû débourser plus de 480 millions d’euros supplémentaires pour financer le processus électoral. Mais la stabilité du Congo, qui est un peu le centre de gravité du continent, en vaut bien la peine. Cet argent a permis à 25 millions de Congolais de s’inscrire sur les listes électorales. Ils iront voter avant le 30 juin, lors d’un scrutin, qui, je le crois, sera démocratique. Le plan d’action humanitaire que nous venons d’annoncer permettra aux futurs dirigeants de restaurer les fonctions régaliennes de leur État.
Est-ce que la communauté internationale estime avoir une dette envers Joseph Kabila, avec qui elle a mené le processus de paix à son terme ?
Personne n’a pris fait et cause pour Kabila ! Cela m’est égal de savoir si c’est lui qui sera le prochain président. Ce dont je veux être sûr, c’est que le nouveau chef de l’État sera légitimé par une majorité de ses concitoyens. Cela étant, il faut reconnaître que la transition a été relativement bien menée. À qui faut-il en attribuer le mérite ? Sûrement à Joseph Kabila et sûrement à l’espace présidentiel [le président et ses quatre vice-présidents, NDLR]. Je ne prends pas parti, mais il faut bien constater ce qui est. Étienne Tshisekedi et ses militants de l’UDPS ne se sont pas inscrits sur les listes électorales. Considérez-vous dangereux qu’ils soient ainsi en marge du processus ?
Selon la Constitution et la loi électorale, M. Tshisekedi peut être candidat, et je souhaite qu’il le soit. Il n’est pas victime d’une quelconque tentative d’exclusion. Il a eu tout le loisir de demander à ses troupes de s’inscrire sur les listes et de le faire lui-même. Qu’il participe donc à cette élection !
Faut-il envisager de rouvrir les listes pour que les militants de l’UDPS puissent se réinscrire ?
Ce serait se moquer du monde. Je suis allé trouver M. Tshisekedi chez lui parce que j’ai une certaine estime pour lui. Je l’ai supplié de s’engager dans le processus. J’ai tout fait. Mais, non ! Il voulait une conférence nationale suprême, rouvrir tout le débat. J’ai été très troublé par son attitude. Voilà quelqu’un qui se dit démocrate – et je crois qu’il l’est -, qui a l’occasion de voir son peuple aller voter, qui est à la tête d’un parti encore populaire, et qui, en même temps, ne joue pas à fond la carte des urnes. Quant à rouvrir des listes Jamais ! Ce serait trop de risques, une lubie folle. Il faut quand même que les gens prennent conscience que ce que la Commission électorale a réalisé au Congo, et l’Union européenne en particulier, relève du miracle. On a suffisamment imploré M. Tshisekedi pour qu’il participe au processus. Que lui faut-il de plus ?
Quels sont, selon vous, les grands acteurs de la campagne ?
Il y a indiscutablement Joseph Kabila, Jean-Pierre Bemba, Azarias Ruberwa et Étienne Tshisekedi, s’il est candidat. Ces quatre-là sont indiscutablement des personnalités qui ont un certain rayonnement.
Les mobutistes trouveront-ils leur place ?
En démocratie, une place dans une campagne électorale, cela se mérite ! Les électeurs décideront.
Comment jugez-vous l’idée de « congolité » qui refait surface, véhiculée notamment par certains candidats, dont Jean-Pierre Bemba ?
Tout ce qui s’apparente à des distinctions de type ethnique ou identitaire est à rejeter. Ce sont des débats de société qu’il faut avoir. Le jour les partis s’identifieront à partir de questions comme plus ou moins de libéralisme économique, plus ou moins de solidarité, plus ou moins d’éducation, de santéÂ, le Congo sera définitivement sauvé. Je rejette avec la plus grande fermeté les tentatives de déviation d’un tel débat. Elles relèvent du populisme et reviennent à prendre les gens pour beaucoup moins intelligents qu’ils ne le sont. Tout le monde sait parfaitement à quoi conduit l’exaltation de tels sentiments.

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