Gambie : sanctions contre des policiers et des dirigeants suite à une enquête sur la mort de manifestants à Faraba
Des policiers et des directeurs d’agences environnementales ont été sanctionnés à la suite du rapport d’enquête sur la mort de trois manifestants, le 18 juin dans le village de Faraba Banta. Le gouvernement « a accepté et appliqué toutes les recommandations de la commission d’enquête ».
La police gambienne a officiellement été reconnue coupable d’avoir ouvert le feu sur des manifestants le 18 juin dernier à Faraba Banta, a confirmé le 28 novembre le rapport de la commission d’enquête instaurée par le président gambien Adama Barrow, au lendemain des événements meurtriers. Dans son rapport, la commission d’enquête – composée de cinq membres dirigés par le magistrat Emmanuel Joof – l’a pointée pour sa « désorganisation » et désignée comme étant à l’origine de « la surenchère ayant conduit aux affrontements violents entre la population de Faraba Banta et la police gambienne ».
Trois personnes avaient été tuées le 18 juin dernier, tombées sous les balles de la police qui avait ouvert le feu au cours d’une manifestation organisée dans cette localité située à 50 km au sud de la capitale Banjul. Les habitants protestaient contre la présence de la société minière Julakay, qui exploite le secteur depuis 2017, en dépit des préoccupations environnementales exprimées par les écologistes.
Les éléments de la police « sont responsables »
« Les éléments de la police d’intervention sur le terrain […] sont responsables de la fusillade sur les villageois et responsables de la mort et des blessures par balles qui leur ont été infligées », ont ainsi précisé les enquêteurs dans leur rapport, rendu public par le secrétaire général à la présidence de la République de Gambie et le ministre de la Justice du pays.
Les enquêteurs de la commission ont également pu établir « avec certitude » que quatre policiers (ASP Musa Fatty, PC Musa Badjie, PC Nuha Colley et Momodou Z Jallow) avaient utilisé des munitions au moment de l’incident. Ils ont depuis été arrêtés et poursuivis pour meurtre. La totalité des policiers ayant ouvert le feu n’a néanmoins pas été identifiée par la commission, notamment en raison des casques et autres vêtements anti-émeutes qu’ils portaient.
En tant que supérieur hiérarchique des policiers, et parque qu’ils ont été présents sur les lieux tout au long des faits, « le surintendant Babucarr Cham est aussi tenu pour responsable de la conduite de ses hommes », ont précisé les enquêteurs de la commission. Pour rappel, l’inspecteur général de la police (IGP), Landing Kinteh, le directeur général de la police gambienne au moment des faits, avait démissionné trois jours après la mort des manifestants.
Le gouvernement du président Adama Barrow a accepté et appliqué toutes les recommandations de la commission d’enquête
« La Gambie est résolument décidée à appliquer la loi et à ne plus accepter l’impunité »
À la suite des recommandations faites dans le rapport, le gouvernement a mis fin le 29 septembre aux fonctions du chef du village de Faraba Banta, Nuha Kujabi, et dissout le conseil des anciens du village. Le gouvernement a également recommandé au conseil régional de Brikama de dissoudre l’actuel comité de développement villageois de Faraba Banta et de faciliter la création d’une nouvelle entité avec effet immédiat.
« Le gouvernement du président Adama Barrow a accepté et appliqué toutes les recommandations de la commission d’enquête, parce que la Gambie est résolument décidée à appliquer la loi et à ne plus accepter l’impunité. Nous espérons que la promptitude avec laquelle le gouvernement a agi permettra aux habitants de Faraba de refermer la fracture sociale qui s’est incrustée dans cette communauté depuis cette affaire », a notamment annoncé Ba Tambedou, le ministre gambien de la Justice, présent au moment de la présentation de ce rapport.
L’État gambien a ainsi mis en place un comité d’indemnisation de Faraba Banta sous la coupe des ministères de la Justice et des Finances, chargés de traiter toutes les demandes d’indemnisation recommandées par le secrétariat général à la présidence de la République de Gambie.
L’agence nationale de l’Environnement et le département de Géologie en faute
De leur côté, deux dirigeants d’agences environnementales ont également été sanctionnés. Le directeur de l’Agence nationale de l’environnement (AEN), Momodou Suwareh, et celui du département de géologie, Abdoulie M. Cham, ont été suspendus pour six mois et privés de salaire.
Le rapport d’enquête a en effet révélé qu’il n’y avait eu « aucune étude d’impact sur l’environnement [réalisée] dans la zone à exploiter, conformément à la loi, avant l’octroi d’un permis d’exploitation à la société ‘Julakay Ltd.’ ». Le rapport a également souligné qu’il n’y avait eu « aucune garantie suffisante de restauration de la zone minière par Julakay Ltd. après l’achèvement des activités minières comme requis par la loi ».
D’après le rapport, les deux dirigeants auraient « ignoré les préoccupations du comité de développement du village (VDC) et des résidents concernant les effets néfastes potentiels de l’exploitation mécanique du sable sur l’environnement et les moyens de subsistance, en particulier la culture du riz et les activités indigènes de jardinage dans les zones affectées ». Le document des enquêteurs a également souligné que l’ANE et le département de géologie n’avaient pas clairement délimité la zone minière en vertu de la licence accordée à Julakay, ni communiqué cette zone au comité de développement du village de Faraba.
L’État gambien a ainsi décidé de suspendre la licence de l’exploitant minier Julakay Ltd, qui ne sera plus renouvelée par le département de géologie de Gambie après son expiration en décembre prochain. Toutes les activités d’extraction de sable dans le village ont été suspendues jusqu’à ce qu’une évaluation appropriée des incidences sur l’environnement soit réalisée par un consultant indépendant.
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