Le retour de la croissance

Baisse du chômage, reprise de la consommation… la conjoncture a retrouvé des couleurs. En revanche, l’endettement du pays se creuse.

Publié le 28 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Avec une satisfaction non dissimulée, le gouvernement de l’archipel a publié, le 17 février, les chiffres de la croissance. Résultat des courses : en 2005, le PIB a progressé de 2,8 %. Un chiffre réjouissant dans la mesure où il est supérieur aux prévisions des analystes et confirme la hausse de 2,6 % observée en 2004. De quoi en conclure que les années 1990, avec leur cortège de restructurations, de faillites et de licenciements, ne sont plus qu’un mauvais souvenir. Les Japonais les ont reléguées dans les livres d’histoire contemporaine au chapitre « décennie perdue », un titre sans appel, mais communément admis pour désigner ces dix années funestes pendant lesquelles la deuxième économie de la planète, frappée de plein fouet par la hausse mondiale des taux d’intérêt, s’est enlisée dans la déflation (la baisse des prix).
Bien sûr, on ne peut pas encore fixer la tendance des prochaines années. Mais des grands indicateurs se dégage un parfum d’optimisme. La consommation, qui a augmenté de 1,9 % en 2005, est en hausse depuis 2003. Le chômage, lui, est en baisse depuis 2002. Son niveau a de quoi faire pâlir les ministres du Travail de la vieille Europe : de 4,7 % en 2004, il est descendu à 4,3 % l’an dernier. Pour parfaire le tableau, les investissements ont grimpé de 5,9 % en 2005.
Comment l’économie japonaise, encore souffreteuse il y a cinq ans, a-t-elle réussi à redresser le cap ? Le pays du Soleil-Levant profite de sa proximité avec un marché dont on ne cesse de vanter l’expansion, la Chine. En dépit de leurs différends territoriaux et historiques, Tokyo et Pékin entretiennent de bonnes relations commerciales. En 2004, leurs échanges, qui représentent 16,5 % et 14,5 % de leurs exportations respectives, se sont élevés à 178 milliards de dollars. Entre 2000 et 2004, les exportations nippones vers la Chine, devenue le premier partenaire du Japon devant les États-Unis, ont augmenté de 144 % (contre 71 % dans l’autre sens). L’archipel, soucieux de continuer à devancer son voisin, est toutefois prudent. Les entreprises et l’État investissent dans la recherche (3,2 % du PIB en 2004) pour conserver leur avantage technologique et protègent leur propriété intellectuelle. L’amélioration de la santé financière des grandes entreprises, permise notamment par des délocalisations, en Chine essentiellement, et par la politique des taux zéro pratiquée par la Banque du Japon, commence à rejaillir sur l’emploi. Florissant dans les années 1990, le travail intérimaire est en légère baisse : il concerne encore 30 % de la population active. Et les salaires ont augmenté pour la première fois en 2005.
L’embellie actuelle a toutefois un prix. L’endettement cumulé représente 160 % du PIB, soit 8 000 milliards de dollars. Il risque de s’aggraver si la réforme du système de santé, l’un des grands chantiers du Premier ministre Junichiro Koïzumi, ne prend pas plus en compte une mutation dangereuse : le vieillissement de la population. Le Japon, doté d’une espérance de vie élevée (84,6 ans pour les femmes et 77,6 ans pour les hommes) connaît une explosion des dépenses de santé (en hausse de 7 % en 2004). Et, dans un pays où l’immigration est quasi inexistante, le taux de fécondité (1,28 enfant par femme) n’est pas à même de soutenir la croissance démographique. Selon les analystes, la baisse de la population japonaise a déjà commencé. Autre fragilité à prendre en compte : la dépendance à l’égard de la Chine. Un ralentissement de la demande chinoise, un des moteurs de la croissance japonaise, aurait des effets désastreux sur l’économie.
L’opinion publique vit pour le moment au rythme d’une autre échéance. Celle de la fin de l’ère Koïzumi, dont le mandat s’achève en septembre prochain. Plébiscité lors des législatives de septembre 2005 et discrédité aujourd’hui par le retentissant scandale boursier Livedoor, qui touche un de ses protégés, il n’est pas sûr que le Premier ministre ait les coudées franches pour réaliser son programme de réformes, du système de santé notamment.

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