Algérie : les encouragements de Bouteflika, la mise en garde d’Ouyahia

Deux hommes se sont succédé au pupitre mercredi 28 novembre : le secrétaire général de la présidence, Habba El Okbi, s’exprimant au nom du président Abdelaziz Bouteflika, et le Premier ministre Ahmed Ouyahia. Deux discours adressés aux walis, mais parfois éloignés dans le contenu. Décryptage.

Le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia, lors d’une conférence de presse à Alger en juin 2017. © Sidali Djarboub/AP/SIPA

Le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia, lors d’une conférence de presse à Alger en juin 2017. © Sidali Djarboub/AP/SIPA

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Publié le 30 novembre 2018 Lecture : 3 minutes.

Lors de la rencontre entre le gouvernement et les walis (préfets), qui s’est tenue mercredi 28 novembre, le président Abdelaziz Bouteflika a adressé un message, prononcé par le secrétaire général de la présidence, Habba El Okbi. Son Premier ministre (PM), Ahmed Ouyahia, s’est lui aussi exprimé à cette occasion.

Le premier discours emploie un ton presque « guerrier ». Le président commence son texte par une allusion aux événements de la Toussaint rouge, en novembre 1954, période marquant le début de la lutte contre le colonisateur français, pour se terminer par un hommage aux « martyrs ». Entre les deux, il dresse un bilan positif de son passage au pouvoir, tout en appelant à plusieurs reprises son auditoire – mais aussi l’ensemble des Algériens – à lutter contre des ennemis communs qu’il appelle « les aventuristes » ou encore « les cellules dormantes ». Le mot « peuple » revient à onze occurrences dans le texte.

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Quant à Ahmed Ouyahia, il a opté pour l’injonction. S’adressant directement aux walis, le Premier ministre leur a donné quatre recommandations : la prise en considération de la situation économique du pays dans la prise de décision, l’accélération du développement hors hydrocarbures, la gestion du défi de la croissance démographique et l’amélioration du service public.

Une réponse à Crisis Group ?

Dans son dernier rapport sur l’Algérie, le think tank américain n’y est pas allé de main morte. Intitulé « Surmonter la paralysie économique de l’Algérie », le compte-rendu estime que les difficultés de l’économie sont profondément liées à l’immobilisme politique. Pour « libérer le pays de sa dépendance aux hydrocarbures », « le gouvernement devrait faire un effort de transparence sur l’état des finances publiques et améliorer les perspectives pour les jeunes », estime Crisis Group.

Le mot « développement » a été prononcé 14 fois par le président et 16 fois par le Premier ministre

Une critique que le gouvernement algérien semble avoir pris à cœur. Preuve en est, le mot « développement », prononcé 14 fois par le président et 16 fois par le Premier ministre. « Ce que nous avons accompli […], frères et amis y voient un exemple de développement social intégré ayant réhabilité l’homme en le plaçant au cœur de l’approche de développement », affirme de son côté Abdelaziz Bouteflika. Une rhétorique à l’opposé du constat établi par Crisis Group.

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« Si certains réduisent les enjeux du présent et de l’avenir au changement et à la succession des responsables et des personnes, et entreprennent pour des raisons obscures de propager cette idée […], vous savez que l’enjeu est beaucoup plus grand », affirme le président. Ce dernier répond ainsi à la « paralysie politique » mise avancée dans le rapport, mais aussi évoquée par bon nombre de ses opposants, qui appellent à son départ à la fin de son mandat.

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Un PM moins optimiste que son président

« Les deux dernières décennies de la vie de notre pays n’ont pas été faciles, et nombreux sont ceux parmi vous à avoir eu l’honneur de m’accompagner dans ce processus à différents niveaux de responsabilité. Vous avez été à la hauteur. Vous avez consenti des sacrifices et réussi de grandes réalisations », écrit le président dans son discours, dressant un bilan positif de ses vingt ans de présidence.

L’expression « deux dernières décennies » est employée à trois reprises. Elle est suivie à chaque fois de l’énumération des réalisations positives accomplies par le régime, notamment « l’amélioration de l’ensemble des indicateurs fondamentaux de développement ».

Le Premier ministre, qui n’emploie pas une seule fois le terme « stabilité », semble plus frileux que le président

Sur cette question, le Premier ministre, qui n’emploie pas une seule fois le terme « stabilité », semble plus frileux que le président. La complexité de la situation économique est rappelée à plusieurs reprises. S’appuyant sur des chiffres et des données empiriques, absents du discours du président, tels que la volatilité du prix du pétrole, le taux de l’emprunt algérien, le taux d’inflation, il rappelle la fragilité de l’économie algérienne, tout en affirmant que celle-ci « n’est pas une catastrophe, comme le prétendent certains ».

Concernant les perspectives, le président Bouteflika veut rassurer en donnant de la cohérence. « Ce que nous avons accompli jusqu’à présent n’est qu’une étape dans un long processus », écrit-il. « L’Algérie a de grandes potentialités à mettre en valeur, avec un peu de patience et beaucoup plus de travail », relativise de son côté Ouyahia. Si le ton de la recommandation est claire chez Ouyahia, il est moins prononcé chez Bouteflika. Les deux fixent pourtant les mêmes objectifs pour l’avenir : l’affranchissement de la rente pétrolière, suivie du développement humain et de la généralisation de ses bénéfices, ainsi que la modernisation de l’administration.

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