L’argent du Vatican

Philippe Simonnot explique les mécanismes qui ont permis à l’Église catho­lique d’asseoir sa puissance économique.

Publié le 28 février 2006 Lecture : 3 minutes.

L’universitaire et journaliste français Philippe Simonnot ne manque pas de souffle. Il s’est attaqué à vingt siècles d’histoire de l’Église en son chapitre le plus sulfureux : l’argent. Résultat : un ouvrage de quelque huit cents pages intitulé Les Papes, l’Église et l’argent qui se lit (presque) comme un roman.
Au départ de cette étude, un paradoxe vieux de deux mille ans : la religion chrétienne voue l’argent aux gémonies, glorifie la pauvreté et interdit à ses prêtres de monnayer leurs services. Et pourtant, elle possède d’incommensurables richesses, une fortune colossale en numéraire, en Âuvres d’art, en patrimoine de toute sorte.

Au départ de ce qui apparaît, sous la plume de Simonnot, notamment – mais pas seulement bien sûr -, comme une énorme entreprise « commerciale », une idée fort simple : les gens ont besoin de donner. Partant, l’Église, comme toute organisation qui cherche à acquérir de la puissance puis à se développer au maximum, met au point, adapte et peaufine une stratégie qui va défier le temps et les aléas de l’Histoire. Son objectif est toujours le même : trouver et multiplier les dispositifs qui captent ce que l’auteur appelle la « part bénite » de l’homme, en opposition avec ce que Georges Bataille décrivait comme sa « part maudite », autrement dit sa tendance à l’excès, au jeu, au gaspillage.
Dès ses débuts, l’Église est donc une extraordinaire machine à accumuler du capital. Les hommes lui donnent de l’argent pour le salut de leur âme, la réalisation de leurs voeux, la rémission de leurs péchés, etc. La morale chrétienne place l’amour des pauvres au centre de ses préoccupations. Pour eux, pour faire vivre les institutions qui se mettent en place en vue de les prendre en charge, on se dessaisit de ses biens, on s’acquitte de la dîme, on donne son obole sans barguigner. Tout bien considéré – et cela explique sans doute en bonne partie le succès du christianisme -, le prix à payer est moins élevé que celui réclamé par d’autres religions, notamment le judaïsme, qui impose, outre des interdits alimentaires, une circoncision que détestaient déjà Grecs et Romains des premiers siècles.

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Simonnot explique par ailleurs que la continence sexuelle – le célibat des prêtres et la chasteté imposée aux moines et aux religieuses – est « inventée » pour permettre un transfert de biens en sens unique. Fi, donc, de la loi successorale qui divise les domaines et leurs revenus. L’ensemble de ces procédés va aboutir à faire de l’Église la première puissance économique du monde au temps des croisades. Mais il y a eu une chaude alerte car, au VIIe siècle, elle a vu apparaître un terrible concurrent, l’islam, qui offre les mêmes garanties de salut éternel sans s’embarrasser des mêmes subtilités théologiques et comportementales.

Dès lors, l’Église pratique une sorte de « monopole discriminatoire » et fixe ses prix à la tête du client. Résultat : Martin Luther impose sa réforme, offrant à qui veut et pour rien ce fameux salut éternel tant convoité.
Aujourd’hui, l’entreprise tourne rond et les finances de l’Église ne sont plus dépendantes d’aucune puissance temporelle. Le Vatican dispose d’un budget de ville moyenne et gère, via sa propre banque, un patrimoine immobilier colossal tout en continuant à percevoir le denier de saint Pierre, dont le montant varie, bon an mal an, entre 50 et 67 millions de dollars.
Les Papes, l’Église et l’argent s’intéresse au fonctionnement de l’institution catholique apostolique et romaine, non à la doctrine qui la gouverne. C’est ce qui constitue son indéniable originalité.

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