Énergie durable : en Afrique, les financements ne sont pas au rendez-vous
Les signaux en matière d’énergie sont inquiétants, selon l’initiative SEforALL. Alors qu’environ 600 millions de personnes n’y ont pas accès en Afrique, seul 17 % du total des financements consacrés à l’électricité ont été alloués au continent, ce qui représente une baisse de 32 % par rapport à la période précédente.
Ces chiffres viennent du rapport « Energizing finance : understanding the landscape », dont la deuxième édition a été publiée le 12 novembre. L’organisation y examine les financements privés et publics, nationaux et internationaux, consacrés à des projets énergétiques sur la période 2015-2016 (la période étudiée dans le rapport précédent était 2013-2014).
Pour Rachel Kyte, PDG de SEforALL et représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour l’Énergie durable pour tous, il y a deux bonnes nouvelles : « l’investissement est globalement en hausse dans le secteur, et les financements accordés à la transition énergétique à l’échelle mondiale augmentent ». Mais le rapport constate aussi le déséquilibre profond quant à la destination de ces fonds, captés à 60 % par quatre pays, dont un seul africain : le Kenya (avec le Bangladesh, l’Inde et les Philippines).
Sur le reste du continent, la situation est critique : six pays (l’Angola, l’Éthiopie, le Malawi, le Mozambique, le Nigeria et le Soudan) ont enregistré une baisse de plus de 50 % de leurs financements pour l’accès a l’électricité. Selon l’initiative, la réalisation de l’objectif – qui est de garantir l’accès à tous à des services énergétiques fiables et modernes, à un coût abordable d’ici 2030 – est donc largement compromis.
Des financements en hausse… pour le charbon
L’initiative SEforALL s’est aussi intéressée à la nature des projets financés. Là aussi, le constat est inquiétant. Car si le Kenya a pu rejoindre cette année le club des quatre pays captant le plus de financements, c’est essentiellement grâce au mégaprojet de centrale à charbon de Lamu, construite par la China Power Global avec l’aide de la BAD. Ce qui rejoint la tendance du continent où, contrairement à ce qui se passe à l’échelle mondiale, les projets qui obtiennent le plus de financements sont ceux qui revêtent les formes les plus polluantes. Ainsi, sur la période 2015-2016, 1,6 milliard de dollars a été consacré à des centrales alimentées aux combustibles fossiles (à 90 % du charbon), tandis que les financements destinés aux énergies renouvelables à grande échelle raccordées au réseau ont baissé de 2 milliards de dollars en Afrique subsaharienne entre 2013-2014 et 2015-2016, note le rapport.
« Si les agences de développement occidentales, notamment l’AFD, respectent l’Accord de Paris sur le climat et ne financent plus les projets les plus polluants, ce n’est pas le cas des banques privées ni de l’aide publique émanant de certains pays asiatiques, pourtant eux aussi signataires de l’Accord de Paris », déplore Rachel Kyte.
Un « coût de la pollution » difficile à chiffrer
« Il est beaucoup plus facile, et moins cher, de réaliser un projet de centrale au charbon, qui peut même être porté à l’échelle d’une grosse entreprise qu’un projet d’énergie renouvelable à grande échelle, qui implique une vision à long terme et l’accord de nombreux partenaires : banques de développement, bailleurs, gouvernements. Pourtant, il y a une donnée primordiale qui n’est souvent pas prise en compte, car elle est difficile à chiffrer : celle du coût des énergies polluantes via leurs conséquences sur la santé, la déforestation ou encore le temps que les particuliers peuvent passer à aller chercher du charbon ou du fuel », assure la directrice générale de SEforall.
« Notre travail au sein de SEforALL, c’est d’encourager les projets propres en aidant les différents partenaires à se coordonner et en mettant en lumière les initiatives qui fonctionnent, pour montrer que c’est possible », conclut-elle, citant notamment la politique agressive de lutte contre la déforestation au Rwanda ou encore le virage écologique amorcé au Maroc il y a plus de dix ans. « En Côte d’Ivoire, au Nigeria, on commence à voir des changements, sans parler du formidable potentiel solaire du Sahel », souligne-t-elle en appelant les différents partenaires à se mettre autour de la table pour élaborer ensemble des projets rentables et sur le long terme.
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