Tunisie : Nabil Bziouech, du ministère du Tourisme au palais de Carthage
Nouveaux jeux de chaises musicales dans l’administration tunisienne. Nabil Bziouech, ex-cadre du ministère du Tourisme, est depuis peu conseiller en charge des dossiers économiques auprès de la présidence de la République.
Pur produit de l’administration tunisienne, Nabil Bziouech vient d’enfiler lundi 3 décembre – sa nomination avait été annoncée mardi 27 novembre – les habits de premier conseiller à la présidence chargé des dossiers économiques. Ce poste était vacant depuis juin 2017, lorsque son prédécesseur Ridha Chalgoum avait fait le chemin inverse en intégrant le gouvernement.
Comment s’explique ce phénomène d’allers-retours ? Dans un contexte de tension entre la Présidence et le Premier ministre, certains se demandent si c’est son seul parcours qui lui a valu cette nomination.
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Nabil Bziouech était jusqu’à peu chef de cabinet au ministère du Tourisme, poste qu’il a occupé sous Amel Karboul puis Selma Elloumi Rekik. C’est cette dernière qui l’a fait venir à ses côtés à Carthage, où elle est cheffe de cabinet depuis octobre. Elle a d’ailleurs ramené avec elle d’autres membres de son ancienne équipe du Tourisme, comme les communicants Seifeddine Chaalali et Moez Hrizi. Copinage, dénoncent les plus suspicieux ; mélange des genres, accusent d’autres. Ce coup de pouce sera-t-il synonyme d’ascension à venir pour Bziouech ?
Technocrate
Inspecteur général des finances, titulaire d’une maîtrise d’économie et d’une licence en finances publiques, il a également suivi une formation d’un an à l’ENA et à l’Institut de défense nationale. Sa carrière professionnelle commence en 1986 au ministère des Finances. Il effectue ensuite un passage par celui de la Jeunesse et des sports, avant d’entrer au Tourisme en 2004.
À l’époque, il est encarté au RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique) de Ben Ali. Un passage obligé, explique-t-il aujourd’hui : « Comme tous les hauts fonctionnaires, on me convoquait pour des réunions, mais je n’avais pas d’appartenance directe et active ». À l’en croire, la libéralisation de la vie politique ne le tente pas non plus après la révolution de 2011 : « J’ai préféré travailler dans l’aspect technique pour faire évoluer le pays ».
Lui seul a eu le courage de s’atteler à la réforme de la Société tunisienne de golf, assure un ancien collègue
Seul pas de côté en dehors des ministères : au début des années 2010, il s’essaie pendant deux ans à la gestion d’entreprise publique, en tant que PDG de la Société tunisienne de golf. Il s’y attaque notamment à la fusion de trois entreprises très endettées. Une réforme prévue depuis les années 90, à laquelle lui seul a eu le courage de s’atteler, assure un ancien collègue qui se rappelle de son pragmatisme et de son efficacité.
À ce poste, ses prédécesseurs ont souvent été promus. Lui revient au Tourisme, passant de petit cadre à chef de cabinet. Celui qui vient de lui succéder, Habib Ferchichi, a d’ailleurs suivi le même chemin.
« Homme d’action »
Au ministère du Tourisme, un ex-bras droit le décrit comme un « homme d’action », « opérationnel », « qui fonce là où d’autres hésiteraient ». S’il endosse le bilan de toute une équipe, l’expérience qu’il y a accumulée notamment en terme de connaissance des rouages administratifs et financiers pourrait servir sa nouvelle fonction.
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Lors de la crise de 2015 – après deux attentats marquants qui ont ciblé des visiteurs étrangers au musée du Bardo puis dans un hôtel à Sousse – il participe à relever le secteur. Sous l’impulsion de sa ministre de l’époque, Selma Elloumi, il aurait été « le grand coordinateur » de la relance. En 2018, il se félicite d’ailleurs du retour à un bilan équivalent à celui de 2010, avant donc les conséquences de la révolution.
Un poste tremplin ?
À son nouveau poste, Nabil Bziouech aura notamment à traiter les dossiers économiques censés faire partie des priorités du pays face à l’inflation galopante, à la dévaluation du dinar et au creusement de la dette extérieure. Béji Caïd Essebsi ne s’étant pas prononcé sur une éventuelle candidature à sa propre succession, il a pour horizon les élections de 2019.
Des instructions pleuvront-elles du palais vers le ministère du Tourisme ? , s’inquiètent déjà des internautes
Au lendemain de sa prise de fonctions, celui qui connaît les procédures et a élargi son réseau au sein du gouvernement assure être déjà au travail, à faire le suivi des dossiers économiques prioritaires susceptibles d’influencer selon lui sur la sécurité du pays : le tourisme, bien sûr, mais aussi l’énergie ou l’agriculture. « Des instructions pleuvront-elles du palais vers le ministère du Tourisme ? », s’inquiètent déjà des internautes.
Ne risque-t-il pas d’hériter d’une stratégie nationale en déconnexion avec les urgences auxquelles sont confrontés les Tunisiens ? « Un travail de longue haleine doit être fait pour limiter le fossé entre dirigeants et citoyens. L’essentiel, c’est qu’il y ait une volonté de le faire », reconnaît-il.
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