Quand l’ambition chante juste
Johannesburg, le 12 décembre. Ballet de sirènes à Sandton. Il ne s’agit pas d’une nouvelle attaque à main armée, mais d’un kif pur glamour que l’organisateur de la neuvième édition des Kora Awards de la musique africaine a décidé d’offrir à ses invités. Ces derniers sont déposés sur un tapis rouge en Mercedes blanche précédée d’une escorte stridente, à l’entrée du Convention Center. Flashs, interviews des people stars, sous les acclamations d’une petite foule massée autour des cordons. Le ton est donné : la neuvième édition des Grammy Awards made in Africa a souhaité en mettre plein la vue.
L’événement, lancé en 1995, affichait au début des ambitions jugées démesurées. Celles d’un homme d’affaires né béninois, Ernest Adjovi, qui s’improvise un beau matin organisateur de spectacles en Afrique du Sud, après avoir vendu du riz dans son pays et du sucre en Namibie. Il avait un rêve, auquel personne ne croyait : créer les Kora, ou encore une soirée de remise de prix aux talents africains de la musique. Et, ne vous en déplaise, depuis la terre sud-africaine. Plus chic, plus loin, plus différent, plus difficile. Aujourd’hui, son pari est gagné. Les Kora s’imposent comme l’événement phare et paillettes du continent. Chaque édition est retransmise en direct, grâce au signal de CFI, sur 76 chaînes de télé dans le monde. L’audience annoncée est de 700 millions de téléspectateurs… Coût de la dernière édition : 1,5 million de dollars. Une vingtaine de prix, attribués par région ou par style musical, sont remis aux lauréats, présélectionnés sur dossiers vidéo.
M. Adjovi, lors des années précédentes, s’est même payé le luxe d’inviter Mandela, Graça Machel ou Michael Jackson themselves. Cette année, outre les ambianceurs Werrason, Kaisha, Jet Set ou Thandiswa Mawai, le président Omar Bongo Ondimba a lui aussi reçu un Kora, le Kora-African-Union Legendary Award (choisi par l’Union africaine), qui couronne une personnalité ayant oeuvré pour la résolution des conflits et la paix dans le monde.
À la veille de sa dixième édition anniversaire, prévue à Durban en 2005, le Kora show, ultrarodé et réglé au cordeau par une équipe de techniciens d’environ cent quarante personnes, impose une nouvelle idée de l’Afrique unie des talents, en réussissant l’improbable mariage du coupé-décalé d’Abidjan et du queto de Soweto, et en rassemblant des Afrique qui s’ignorent sur un même plateau. Quand l’ambition chante juste…
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