Cameroun : le désarmement des milices sécessionnistes, nouveau casse-tête de l’État ?
Alors que les autorités camerounaises poursuivent la mise en place d’un comité de désarmement, de démobilisation et de réintégration des groupes armés pro-sécessionnistes, les violences continuent dans les régions anglophones. Si le gouvernement veut croire à son initiative, le dépôt volontaire des armes semble difficile.
Quelques jours seulement après son annonce, le président Paul Biya continuait de déployer les hommes qui procéderont au désarmement des « ex-combattants de Boko Haram » et des « groupes armés pro-sécessionnistes » qui opèrent dans les régions anglophones. Après la création du comité national de désarmement, de démobilisation et de réintégration (CNDDR) le 30 novembre dernier, le président camerounais a également désigné le 4 décembre Faï Yengo Francis au poste de coordinateur du programme national de désarmement, qui devrait être bientôt opérationnel.
La mission principale de cet ancien gouverneur de la région du Littoral sera la gestion de l’initiative sur le terrain. Le cabinet civil de la présidence a présenté cette dernière comme la suite logique de « l’offre de paix formulée par le président camerounais dans son discours d’investiture » du 6 novembre dernier. Une tâche qui s’annonce cependant difficile pour le natif de la région du Nord-Ouest, tant les signes d’un dépôt volontaire des armes semblent peu envisageables du coté des sécessionnistes.
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Affrontements après la création du CNDDR
Vingt-quatre heures après la création du CNDDR, de violents affrontements ont notamment éclaté entre milices sécessionnistes et soldats de l’armée camerounaise dans la région du Sud-Ouest. Selon des sources locales, la circulation sur la route reliant les villes de Buea et Kumba est restée paralysée du 1er au 2 décembre en raison de ces combats. Des échanges de coups de feu ont également été entendus à Ekona, Muea et Muyuka, et des renforts militaires ont dû être déployés pour rouvrir la route qui avait momentanément été bloquée par les séparatistes.
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Sur les réseaux sociaux, de nombreux activistes pro-sécessionnistes se sont félicités de ce qu’ils considèrent comme « un pied de nez » à la nouvelle mesure du président Paul Biya. « Les soldats ambazoniens ont snobé l’idiot décret de Paul Biya relatif au désarmement en menant plusieurs combats sur le terrain », a ainsi commenté l’activiste Mark Bareta sur son compte Facebook.
« Mr Biya n’a aucun droit pour demander le désarmement de nos soldats. J’appelle les Ambazoniens de l’intérieur comme de la diaspora à s’armer jusqu’aux dents et à faire de l’Ambazonie un sérieux concurrent », a renchérit Lucas Ayaba Cho, leader des Ambazonia defence forces, l’une des factions armées qui combat dans les régions anglophones.
Des conditions fondamentales peu réunies ?
Le moment choisi par le gouvernement pour initier cette action n’était pas propice, selon Joseph Lea Ngoula, spécialiste des questions sécuritaires. « Le DDR doit être quelque chose de consenti par les deux acteurs en conflit. On doit trouver un moyen de les rapprocher, négocier un cessez-le-feu, et même un accord de paix comme ça été le cas dans des pays qui ont également connu des rébellions séparatistes. Cette condition fondamentale et d’autres ne sont pas réunies, ce qui laisse des doutes sur l’efficacité de cet acte », analyse-t-il.
Il faut un peu de patience, les autorités savent ce qu’elles font
Un avis que rejettent les proches du pouvoir, qui insistent sur la capacité du CNDDR à contribuer à la fin du conflit. « Il est tout à fait normal que cette structure soit prête avant toute action supplémentaire rentrant dans le processus de dialogue engagé depuis longtemps par le gouvernement. Il n’est pas possible de s’entendre sur un désarmement avant même de réfléchir du lieu où ces armes seront rangées. Il faut un peu de patience, les autorités savent ce qu’elles font », analyse un haut cadre de l’administration.
Implication des instances internationales ?
Au sein de l’opinion nationale, des voix demandant l’intervention d’une force intermédiaire se sont fait entendre. Dans une interview accordée à Jeune Afrique le 27 novembre dernier, l’ancien bâtonnier Akere Muna avait appelé à l’intervention d’« une force tampon », qui pourrait s’interposer entre les deux parties en conflit.
« Les instances internationales vont jouer un rôle crucial, précise Joseph Lea Ngoula. Que ce soient les agences onusiennes ou les partenaires bilatéraux traditionnels du Cameroun, on aura d’abord besoin de leur aide financière car les opérations de DDR sont extrêmement coûteuses. Leur expertise sera aussi nécessaire et ils devront apporter une certaine légitimité au processus pour que les acteurs qui y adhéreront soient mis en confiance ».
L’idée n’est pas exclue par les autorités de Yaoundé, qui indiquent néanmoins que toute implication d’une partie externe devra se faire sous le contrôle du comité national de désarmement. « Le comité coopère en tant que de besoin avec les ONG et les partenaires nationaux et internationaux, notamment l’ONU », a précisé Paul Biya dans le décret de création du CNDDR.
Le gouvernement camerounais se dit confiant quant à la réussite de cette opération et en veut pour preuve le succès de la phase pilote déployée il y a quelques mois dans la régions de l’Extrême-Nord et qui a permis la reconversion de plusieurs dizaines d’ex-combattants de Boko Haram.
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