L’Inde une nouvelle Chine ?
Croissance tous azimuts, net recul de la pauvreté, triplement du commerce extérieur, excellence des services informatiques. En dix ans, le pays de Nehru a accompli des progrès fulgurants. Au point que certains le voient supplanter à terme l’empire du Mili
Quand, dans la Silicon Valley, aux États-Unis, un informaticien perd son emploi, le formule désormais consacrée pour évoquer l’événement, c’est : « On lui a fait le coup de Bangalore. » En d’autres termes, quand une entreprise licencie des employés en Californie, on pense qu’elle vient de décider de sous-traiter ses activités informatiques à une société de la grande cité high-tech de l’Inde, jugée plus compétitive. Assurément, l’image du deuxième pays le plus peuplé de la planète, avec 1,1 milliard d’habitants, a totalement changé en l’espace de quelques années. On ne parle plus de vaches sacrées et de bidonvilles géants pour le définir, mais de succès économiques, d’excellence high-tech et d’avenir radieux. Même si cela ne lui a pas porté chance dans les urnes, personne n’a trouvé indécent que le parti au pouvoir à New Delhi jusqu’en mai dernier, le Bharatiya Janata Party (BJP), ait choisi pour slogan lors des dernières législatives Shining India. Et quand, comme il y a quelques semaines, Rohit Panday, 23 ans, un jeune ingénieur qui a commencé à travailler après ses études dans une société de télécommunications à Bombay, affirme sans détour à un journaliste du New York Times que « d’ici à cinquante ans l’Inde sera la première puissance mondiale », son interlocuteur le prend au sérieux. Tout au plus passe-t-il pour un homme trop pressé aux yeux des sceptiques, de moins en moins nombreux d’ailleurs.
Cette récente mais immense confiance dans l’avenir de l’Inde est en effet perceptible aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Quand l’Association France-Union indienne (Afui) organise une journée d’études sur « les perspectives de la mutation indienne » à la fin de novembre, à Paris, elle fait salle comble, à l’étonnement même de ses dirigeants habitués aux affluences plus modestes. Et à New Delhi, l’expression à la mode aujourd’hui, c’est le feel-good factor, une formule qui évoque la certitude de nombreux Indiens de vivre une époque exaltante, celle de la fin de la pauvreté, du décollage économique, du retour de leur pays, après une longue léthargie, à l’avant-garde de la communauté des nations. Une certitude que ne risquent pas d’ébranler la plupart des commentaires des spécialistes de la prospective, comme l’Américain Clyde Prestowitz, président de l’Economic Strategy Institute, qui affirme déjà que « la seconde moitié du XXIe siècle sera celle du géant indien ».
Depuis peu, il est ainsi devenu presque trivial de présenter l’Inde comme la nouvelle grande puissance émergente qui va suivre l’exemple partout célébré de la Chine sur la voie du développement accéléré. Alors, l’Inde, une nouvelle Chine ? C’est encore trop peu pour certains qui, tout comme Rohit Panday, voient New Delhi bientôt l’emporter sur Pékin et devenir ainsi, en valeur absolue, la première puissance économique mondiale dans quelques décennies. « L’Inde peut-elle rattraper la Chine d’ici à vingt ans ? » s’interrogeaient récemment, dans la revue Foreign Policy, deux chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) et de la Harvard Business School, l’un chinois l’autre indien, avant de répondre par l’affirmative. Tout en admettant qu’on pourrait discuter le délai nécessaire pour combler le retard, ils assuraient que les atouts de la péninsule, à terme, se révéleront supérieurs à ceux de son voisin du Nord, que tous les spécialistes voient détrôner les États-Unis au classement mondial des PNB dans les années 2020 ou 2030.
Les performances de l’Inde depuis le début des années 1990 donnent, il est vrai, du crédit aux pronostics optimistes. Jusque-là, le pays de Nehru, allié indéfectible de l’URSS, malgré son régime politique différent, semblait se contenter d’une croissance lente, de 3 % les bonnes années, à peine supérieure en moyenne à celle de la population. À tel point qu’on parlait communément de hindu rate of growth pour caractériser ce quasi-immobilisme économique. Or, depuis plus de dix ans, plus exactement depuis le changement radical de politique économique en 1991, le revenu national augmente de 6 % par an en moyenne, soit le double de la période antérieure. Tous les économistes indiens estiment même que ces 6 % représentent désormais un « socle de croissance » stable, quels que soient les aléas climatiques, et que l’objectif des 7 % ou 8 % est devenu normal pour les années où les circonstances sont favorables. L’excellent résultat de l’année 2003-2004, où l’on a atteint 8 %, semble confirmer qu’il ne s’agit pas là de wishful thinking, même si l’on craint déjà de ne pas dépasser 6,5 % en 2004-2005 en raison du manque de pluie et, à un degré moindre, de la facture pétrolière (plus du quart des importations).
L’évolution récente de la plupart des indicateurs est du même type. Le revenu annuel moyen par habitant, bien qu’encore faible (il n’a dépassé 500 dollars qu’en 2004), a doublé depuis le milieu des années 1980. Le commerce extérieur a vu son volume tripler au cours des dix dernières années. Les exportations de marchandises atteignent aujourd’hui plus de 50 milliards de dollars, contre 18,3 milliards en 1992. Celles de services ont augmenté encore plus vite, surtout dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, où les ventes annuelles dépassent désormais 10 milliards de dollars. Les réserves de devises accumulées grâce à l’essor des ventes à l’extérieur – 118 milliards de dollars – permettent au pays de ne plus risquer l’insolvabilité comme autrefois (les réserves ne permettaient d’assurer que trois semaines d’importations fin 1990). Quant aux investissements étrangers, quasiment inexistants il y a peu, ils ont représenté près de 6 milliards de dollars en 2003. Plus parlant : grâce à la croissance, le nombre d’Indiens vivant en dessous du « seuil de pauvreté » aurait diminué de 100 millions depuis 1993. Un résultat impressionnant et crédible puisque, d’après une étude portant sur la période 1987-2000, la pauvreté aurait fortement reculé à la fois dans les zones urbaines (de 39,1 % à 24,1 % de la population) et rurales (de 39,4 % à 26,8 %).
Les Indiens « riches », avec un revenu mensuel de 1 000 euros par mois au minimum, seraient déjà 30 millions. La classe « aisée » en Inde, celle qui regroupe les « ménages » qui ont rejoint la « société de consommation » grâce à des revenus supérieurs à 6 000 dollars par an, représente aujourd’hui, assure un spécialiste de la Banque mondiale, environ 100 millions de personnes. Et si on évalue, en se fiant à un économiste indien, à plus de 50 millions de foyers, soit 250 millions de personnes, ceux qui disposent d’un revenu mensuel de 7 500 roupies (150 euros), on peut admettre que la classe moyenne est désormais très importante dans le pays. Rien d’étonnant, donc, si se développe rapidement un mode de consommation à l’occidentale, dont le symbole est peut-être le téléphone portable, de plus en plus répandu : déjà 30 millions d’appareils en circulation et, surtout, 2 millions de plus vendus chaque mois en 2004.
Que l’on vive donc beaucoup mieux en moyenne aujourd’hui en Inde qu’avant les années 1990 est une évidence que semblent corroborer les indicateurs « sociaux » ou de niveau de vie calculés par les Nations unies : la mortalité infantile a beaucoup reculé (de 127 ä dans les années 1970 à 67 ä en 2001), le taux d’alphabétisation des adultes progresse rapidement (de 49 % en 1990 à 58 % en 2001), la consommation d’électricité par habitant explose (multipliée par trois entre 1980 et 2000), ainsi que le nombre de lignes téléphoniques (6 abonnés pour 1 000 habitants en 1990, 38 en 2001).
Toutes ces données, et quelques autres, expliquent pourquoi il est devenu si banal de croire à l’existence d’un « miracle économique indien » et à sa pérennité. Elles ne justifient pas pour autant, a priori, de mettre sur un pied d’égalité l’Inde et la Chine. Pour deux raisons majeures : les performances économiques et sociales de l’une et de l’autre ne sont nullement similaires ; les modèles de développement sont très différents, et donc peu comparables.
Quand on regarde les statistiques qui permettent d’évaluer le parcours et la puissance économiques des pays, on ne peut qu’être frappé par l’énorme écart qui subsiste entre l’Inde et la Chine. Que ce soit en valeur absolue ou relative. Ainsi, alors que les deux pays avaient un PNB équivalent en 1980 (environ 3 % du PNB mondial pour chacun), celui des Indiens est aujourd’hui très inférieur à celui de leurs voisins : près de 2,5 fois moins ! La différence est moins nette, évidemment, si l’on compare les richesses au niveau individuel puisque les Chinois sont toujours nettement plus nombreux (près de 1,3 milliard). Le revenu annuel d’un Indien reste pourtant encore deux fois moins important que celui d’un Chinois : quand, en 2003, les Indiens ont enfin réussi à dépasser le seuil des 500 dollars de revenu annuel, les Chinois ont franchi celui des 1 000 dollars. Résultat : si Pékin peut revendiquer aujourd’hui nettement plus de 10 % du PNB mondial, New Delhi tente encore de passer la barre des 5 %.
Cet écart imposant ne doit rien au hasard. La Chine a changé de politique sous l’impulsion de Deng Xiaoping dès 1978, alors que l’Inde a érigé la croissance économique au rang de priorité treize ans plus tard. Et la croissance annuelle de la Chine depuis un quart de siècle avoisine 10 % en moyenne – 8 % semblant constituer le palier en deçà duquel on ne descend jamais -, alors que celle de l’Inde, on l’a vu, ne dépasse guère 6 %, avec pour objectif au mieux de tendre vers 8 %. Il est donc probable que, dans l’avenir proche en tout cas, le fossé entre les deux pays va s’élargir. D’autant que l’inégal développement et la différence de compétitivité reposent pour une bonne part sur des facteurs non directement économiques qui jouent eux aussi en majorité en faveur de Pékin. L’espérance de vie à la naissance ? 71 ans pour la Chine, 63 pour l’Inde. Le pourcentage de la population souffrant de malnutrition ? 24 % en Inde, 9 % en Chine. Les dépenses de santé par habitant ? 45 dollars en Chine, 23 en Inde. Et même si l’Inde, on le sait, progresse rapidement dans des domaines comme l’alphabétisation ou la lutte contre la mortalité infantile, elle reste à la traîne face à son voisin (86 % des adultes alphabétisés en Chine et un taux de mortalité infantile de 32 ä).
On ne peut relever que peu de domaines qui échappent à cette domination économique et sociale à sens unique. Citons-en deux. L’Inde possède une puissante industrie pharmaceutique, ce qui lui a permis de devenir le premier producteur et exportateur mondial de génériques. Elle se révèle surtout sans rival dans le Sud en matière de maîtrise des technologies informatiques, plus précisément du software. À tel point que le monde entier, même là où il n’est pas encore question de risquer de pâtir du « coup de Bangalore », a déjà les yeux tournés vers la péninsule dès qu’il est question de ce secteur. Les exportations indiennes de produits liés aux technologies de l’information, on l’a vu, atteignent déjà 10 milliards de dollars, contre 1,5 milliard seulement pour la Chine.
Mais il ne s’agit que d’exceptions à la règle. Les experts qui disent croire plus en l’avenir de l’Inde qu’en celui de la Chine ne sont-ils donc que des rêveurs ? Pour partie sans doute. Mais ils fondent surtout leurs pronostics à long terme sur la spécificité du « modèle » indien, fort éloigné de celui de son voisin. Si leur proximité géographique, leur immense population, leur conscience d’être de grandes nations les rapprochent, tout le reste, ou presque, les différencie. La Chine, où règne un régime autoritaire, a décidé de se lancer à corps perdu dans une course à la croissance selon les méthodes capitalistes. S’ouvrant à l’extérieur pour attirer des investisseurs tentés surtout par une main-d’oeuvre très bon marché et des « règles du jeu » très souples (pas de syndicalisme, peu d’assurances sociales, peu d’impôts sur les sociétés, etc.), elle s’est transformée petit à petit en « usine du monde », inondant la planète de produits industriels à bas prix. D’abord soutenu essentiellement par les puissants entrepreneurs de la diaspora chinoise – ceux de Taiwan et de Hong Kong en tête -, Pékin a petit à petit bénéficié aussi de l’apport des capitaux occidentaux pour mettre en oeuvre sa politique de développement économique. Ce « modèle » a si bien réussi que, progressivement, une partie de plus en plus importante de la population a commencé à disposer d’un pouvoir d’achat substantiel, et la croissance repose désormais aussi sur la vitalité du marché intérieur. Le succès est patent, même si bien des « experts » continuent à penser que l’aspect radical des choix économiques et sociaux de Pékin a pour corollaire des déséquilibres et des fragilités qui peuvent conduire un jour à une grave crise, voire à un effondrement du système en vigueur, fondé sur une sorte de fuite en avant. L’explosion des inégalités, la montée du chômage qui accompagne les privatisations des grandes entreprises d’État, l’accumulation des créances douteuses dans un système bancaire encore étatique pour l’essentiel, sans oublier bien sûr les aspirations de la population à la liberté, constituent autant de bombes à retardement. L’incontestable fierté des Chinois devant la réussite économique du pays, l’espoir généralisé d’un avenir meilleur pour soi-même ou ses enfants, le savoir-faire incontestable des dirigeants cooptés par le Parti pour créer les conditions du développement suffiront-ils à les désamorcer indéfiniment ?
La situation est tout autre en Inde. Nous sommes là dans la plus grande démocratie du monde, une démocratie stable et authentique comme le prouvent les alternances politiques désormais régulières, la puissance traditionnelle des syndicats, le règne ininterrompu de l’État de droit. La politique de développement du pays, d’inspiration socialiste jusqu’aux réformes de 1991, a fortement changé, devenant beaucoup plus libérale au sens économique du terme. Mais il n’y a pas eu de rupture aussi radicale qu’en Chine : il y avait déjà auparavant des groupes capitalistes puissants en Inde (qui n’a entendu parler des groupes Tata ou Birla ?), et la privatisation progressive de sociétés publiques n’a donc pas pris l’allure d’un processus révolutionnaire ; les inégalités, très affirmées dans la péninsule, où règne traditionnellement le système des castes, ne se sont pas aggravées avec l’accélération de la croissance, car elles ont toujours été considérées par les gouvernements successifs comme un handicap à combattre ; l’élite politique et administrative, mais aussi « technique » est depuis toujours considérée comme compétente et responsable ; l’économie du pays était déjà fondée avant les réformes sur l’importance du secteur tertiaire ; la croissance n’a pas explosé tout à coup, mais est simplement devenue progressivement plus rapide et mieux acceptée en tant que priorité nationale, d’autant que les deux grands partis politiques indiens – le Congrès (la gauche sociale-démocrate) et le BJP (un mouvement nationaliste hindou, plutôt de droite) – sont désormais d’accord sur ce point ; le choix de l’ouverture vers l’extérieur est réel – la baisse des droits de douane moyens sur les importations de 53 % en 1988 à 18 % en 2002 en témoigne -, mais elle n’a pas empêché l’économie de rester très autocentrée, plus tournée vers la consommation intérieure que vers les ventes à l’étranger (60 milliards d’exportations en 2002, contre 318 milliards pour la Chine).
De plus, la structure même de l’économie indienne est aujourd’hui très originale pour un pays en plein décollage. Si l’agriculture (22 % du PNB) reste de loin l’activité qui emploie la majorité des travailleurs (60 %) comme dans tout le sud de la planète, la richesse nationale est fondée beaucoup plus sur les services – plus de la moitié du PNB – que sur l’industrie – dont la contribution au PNB (27 %) est inférieure de 50 % à ce qu’elle est en Chine. Et loin de fabriquer et d’exporter surtout des produits à bas prix, l’Inde, puissance spatiale et leader de l’informatique, joue sur sa spécialisation dans les technologies et les services haut de gamme (produits financiers, etc.) pour développer l’activité et son rayonnement international. En profitant plus que tout autre pays des propensions des entreprises occidentales à délocaliser leurs productions dans ces domaines. Cette spécificité de l’économie indienne, très axée sur le tertiaire, constitue indéniablement un atout dans une économie mondiale elle-même de plus en plus « tirée » par les services.
En raison même des particularités de son économie et de son système sociopolitique, il est donc peu pertinent de vouloir comparer terme à terme l’Inde avec sa voisine, qui, jusqu’à nouvel ordre, a, répétons-le, de bonnes chances de continuer, sauf accident, à croître plus vite que l’Inde. En revanche, on peut considérer le cas chinois comme un cas à part et se demander plutôt si l’on ne doit pas louer pour lui-même le « modèle indien » et simplement croire à son avenir, c’est-à-dire, pour reprendre les mots de l’économiste spécialiste de l’Inde au Quai d’Orsay Philippe Humbert, « à sa capacité à générer sur la longue durée un développement rapide et de plus en plus équilibré dans un environnement démocratique ». Ce qui conduit, en oubliant la Chine, à partager l’optimisme déjà évoqué de la plupart des observateurs. Mais aussi à considérer différemment l’équation indienne en analysant les principaux facteurs qui décideront de l’avenir.
Pour que le « miracle indien » se poursuive et prenne de l’ampleur, il faudrait en effet que New Delhi réussisse à tirer le meilleur parti de ses points forts et à corriger ses principales faiblesses. En plus de ceux déjà cités, le principal atout de l’Inde de la première moitié du XXIe siècle sera son dynamisme démographique, qui la conduira à posséder la population la plus importante de la planète vers le milieu du siècle prochain avec 1,5 milliard d’habitants. Alors que la Chine, pénalisée à cet égard par sa politique de l’enfant unique, va voir sa population active se stabiliser, puis baisser légèrement, son voisin bénéficiera d’un apport de 120 millions d’actifs supplémentaires d’ici à 2020. Il faudra donc, sans cesser de progresser dans le secteur porteur des services, donner une impulsion à l’industrialisation du pays, très insuffisante on le sait, afin de créer les emplois nécessaires. Pour atteindre cet objectif, en raison d’une propension à l’épargne relativement faible des Indiens, il sera nécessaire de faire appel beaucoup plus qu’aujourd’hui aux investissements étrangers. Ces derniers seront également bienvenus pour aider le pays à combler son important retard en matière d’infrastructures. Les autorités indiennes sont conscientes de cet enjeu, comme le prouve le lancement de l’énorme projet de la Golden Quadrilateral, cette autoroute de 5 850 kilomètres qui permettra bientôt de relier Bombay, Delhi, Calcutta et Madras. Mais beaucoup reste à faire – non seulement pour les routes, mais aussi pour les ports et les aéroports, ou le réseau électrique -, et il sera difficile de se passer de l’appui international dans ce domaine crucial. Dans le secteur de l’éducation, malgré des progrès encourageants, la lutte contre l’analphabétisme reste en grande partie à mener. Enfin, il sera difficile de maintenir un rythme de développement satisfaisant sans réformer profondément le système réglementaire et la culture bureaucratique du pays.
La récente victoire du Parti du Congrès aux élections générales n’a pas fait craindre longtemps qu’on prêterait moins d’attention à toutes ces priorités. On s’est vite souvenu que les réformes économiques libérales de 1991 avaient été mises en oeuvre non par le BJP mais par le gouvernement congressiste de Rajiv Gandhi et conçues par son ministre de l’Économie et des Finances, un certain Manmohan Singh, qui n’est autre que le Premier ministre actuel, choisi par Sonia Gandhi après son succès électoral. Tout au plus peut-on imaginer que, conformément à leurs promesses de campagne, les nouveaux gouvernants prêteront plus d’attention que leurs prédécesseurs à une répartition moins inégale des fruits de la croissance. Il n’est pas certain du tout qu’une telle politique pénalise la croissance de l’Inde. Un pays – ce n’est pas la moindre de ses vertus – en passe de prouver aux admirateurs de la Chine et de sa dictature éclairée qu’il peut exister aussi, pour un pays déshérité, une voie démocratique vers le développement accéléré.
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