Les Africains et le luxe

Les marques de prestige n’appartiennent pas au seul domaine du rêve. Nombreux sont ceuxqui consacrent une part importante de leurs revenus à leur apparence. Question de style.Et à Paris, capitale internationale du genre, quelques audacieux en ont fait

Publié le 4 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Le luxe fait rêver. Probablement parce que le désir profond de ceux qu’il attire est que leur propre existence soit empreinte de l’opulence et du raffinement qui en émanent. Faute de moyens, une telle ambition est le plus souvent hors de portée, mais certains s’en approchent au point de la toucher, voire d’en vivre. Costumes ou tailleurs griffés, montres ou bijoux signés, il y en a pour toutes les bourses, mais surtout pour les mieux garnies. Cependant, aux côtés de ces consommateurs, le luxe constitue le lot quotidien d’une petite poignée d’Africains, qui en ont fait leur métier. C’est le cas, entre autres personnalités marquantes, d’Azzedine Alaïa, de Hédi Slimane ou de Leïla Menchari. Ils font
partie de ceux qui ont réussi à percer sur la scène de la mode parisienne et à se faire
un nom qui résonne au-delà des frontières.
Place, tout d’abord, à celui qui fut le premier Maghrébin à émerger sur la place de Paris : Azzedine Alaïa. Fils d’un agriculteur tunisien, il débarque en France en 1957.
Il devait travailler chez Dior mais se fait « virer » dans les cinq jours. Après un passage par l’École des beaux-arts, section sculpture, il fait ses débuts de couturier en
taillant des modèles pour une clientèle privée et pour des amies, comme l’écrivaine Louise de Vilmorin ou l’actrice Arletty. En 1965, il s’installe à son compte et, dès les
années 1970, la presse en fait « le plus oriental des couturiers parisiens ». Ses robes
moulantes aux tailles étranglées et aux coupes près du corps font fureur. Il habille les
mannequins les plus célèbres comme les grandes stars, de Madonna à Mylène Farmer, pour qui il invente une robeguêpière à couper le souffle. La mode masculine ne l’intéresse pas du tout, et d’ailleurs il ne se sépare plus de son célèbre costume chinois noir. Une façon très personnelle de rester humble malgré le succès. Même discrétion au 5-7, rue de Moussy, dans le 4e arrondissement parisien, où sa boutique-atelier est quasi invisible. D’ailleurs, il n’organise plus de défilés officiels, réservant ses collections à de petits
comités de fidèles célébrités.
À l’inverse, les créations de Hédi Slimane ne concernent que les hommes. Ce qui n’empêche pas certaines femmes, dont Catherine Deneuve ou Nicole Kidman, de craquer à l’occasion sur ses smokings. À tout juste 36 ans, diplômé en sciences politiques et en histoire de l’art, il peut déjà s’enorgueillir d’une sacrée carrière et se targuer d’avoir révolutionné la mode masculine. Karl Lagerfeld, l’homme-orchestre de la maison Chanel, a même maigri pour pouvoir se glisser dans un costume signé Hédi Slimane. Cet Italo-Tunisien né à Paris en 1968 a fait ses premières armes chez Louis Vuitton (1992 à 1995) avant d’entrer en 1997 chez Yves Saint Laurent en tant que directeur des collections, puis directeur artistique. Trois ans plus tard, il devient directeur de création pour l’ensemble des collections homme, chez Dior. En 2003, il prend également en charge le poste de directeur artistique des parfums homme et se voit confier la création et l’architecture des boutiques Dior homme. Éclectique, ce créateur est aussi un photographe fou de rock, dont il habille les stars, comme David Bowie ou Mick Jagger. Ses clichés ont
récemment donné lieu à une exposition intitulée Stage à la galerie Almine Rech, à Paris.
Il a aussi créé une ligne de meubles vendus au Dover Street Market, un tout nouveau « concept-store », où se presse le gratin londonien.
Probablement moins médiatisé qu’Alaïa ou que Slimane, le travail de Leïla Menchari est connu de tous ceux qui se sont arrêtés un jour devant les vitrines du fameux « 24, Faubourg Saint-Honoré », à Paris. Et pour cause, c’est elle qui, depuis 1977, met en scène les vitrines d’Hermès. À chaque saison, elle donne libre cours à son imagination et crée des décors oniriques en correspondance avec les thèmes (l’Afrique, la Méditerranée, etc.) que décline cette prestigieuse maison. Diplômée des Beaux-Arts, cette grande dame fut d’abord mannequin chez Guy Laroche avant de rejoindre Hermès, où elle occupe le poste de directrice de la décoration. Elle fait également partie des comités de création des
Cristalleries Saint-Louis et de l’orfèvrerie Puiforcat, autres maisons de renom. En
outre, elle est directrice du Comité de la coloration de la soie. Ses prouesses ne s’arrêtent pas là. Leïla Menchari est à l’origine du parfum Un jardin en Méditerranée, d’Hermès, inspiré par les fleurs de son propre jardin tunisien où elle a, un jour, entraîné le « nez » Jean-Claude Ellena. Véritable touche-à-tout, elle a aussi conçu le design des suites de l’hôtel Port Palace à Monte-Carlo, établissement cinq étoiles qui a ouvert en 2003.

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