Le premier de la classe

Près de cinq ans après avoir quitté le pouvoir, l’ancien chef de l’État sénégalais revient pour la première fois sur les années Senghor, raconte comment il est arrivé à la tête du pays, puis l’a gouverné, et comment il a abandonné les ors de la République

Publié le 3 janvier 2005 Lecture : 28 minutes.

Abdou Diouf, 69 ans dont trente passés au sommet de l’État sénégalais, avant de prendre en janvier 2002 la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a grandi sous Léopold Sédar Senghor et, avec lui, ses fonctions : de l’École nationale de la France d’outre-mer (Enfom) au palais présidentiel, après avoir été gouverneur, secrétaire d’État, ministre, secrétaire général de la présidence, directeur du cabinet présidentiel puis Premier ministre pendant dix ans. Le tout bouclé en quarante-six ans et sans une seule escapade dans le privé ! Un parcours sans fautes dans les arcanes de l’État et du pouvoir dont Diouf connaît parfaitement tous les ressorts. Un long concubinage avec l’administration, mais aussi son tempérament l’ont préservé des intrigues politiciennes dont le virus ne l’a jamais véritablement habité.
C’est à peu près ce que ses compatriotes savent de l’éternel premier de la classe devenu éternel commis de l’État – l’une des rares choses qu’il ait jamais revendiquée. Ce qu’ils ont également gardé de l’homme à la silhouette pourtant si familière. Rarement, ils ont vu Diouf expansif, même s’ils ont parfois surpris chez lui un geste d’abandon, un moment de douleur, comme en avril 1989 quand les larmes lui embuèrent les yeux au retour des ressortissants sénégalais, morts ou blessés en Mauritanie. Ou comme en mars 2000 quand, apparemment soulagé quoique battu à la présidentielle, il prend congé d’Abdoulaye Wade devant les grilles du Palais. Exemplaire !
Lisse et plutôt raide comme la pudeur, toujours sur la réserve comme peuvent l’être ceux qui depuis l’enfance subissent le regard des autres et répugnent à entrer dans la mêlée, Abdou Diouf n’aura cessé d’essayer de grignoter la distance qui l’a toujours séparé de ses concitoyens. L’entretien qui suit, réalisé par Philippe Sainteny dans le cadre de l’émission Livre d’or de Radio France Internationale, participe de cette entreprise. Où l’on voit un homme d’État, d’ordinaire économe de ses propos, a fortiori de confidences, parler de lui, de son parcours, de sa famille, de ses années de pouvoir, de ses amis ou adversaires politiques, de ses échecs… Sans détours.

Jeune Afrique/l’Intelligent : Quand vous évoquez Léopold Sédar Senghor, vous dites « le poète-président », alors qu’on dit souvent : « le président-poète ».
Abdou Diouf : Je suis un élève irréprochable. J’ai été à bonne école et j’ai compris ce qu’il souhaitait : que la postérité retienne son oeuvre poétique davantage que son oeuvre politique.
J.A.I. : Dix ans Premier ministre (1970-1980) et dix-neuf ans président de la République (1981-2000), vous demeurez pour tous une silhouette familière, d’abord par votre… physique. Au fait, quelle est votre taille ?
A.D. : La plus jeune de mes filles a vérifié : 1,99 m… et elle arrondit à 2 !
J.A.I. : La discrétion (ou la timidité) est-elle chez vous un trait de caractère ou une méthode de gouvernement ?
A.D. : Un trait de caractère. Enfant, on me disait timide. Et je l’étais. Plus tard, avec les charges publiques, cette timidité s’est transformée en réserve.
J.A.I. : Vous êtes né le 7 septembre 1935 à Louga, la principale ville de la région du Cayor, dans le Nord-Ouest. Parlez-nous de Louga…
A.D. : Je suis né à Louga, mais mes parents l’ont quittée quand j’avais 3 mois pour s’installer à M’Backé où mon père était receveur des PTT. À l’âge de 2 ans et demi, mes parents m’ont envoyé à Saint-Louis-du-Sénégal, chez ma grand-mère paternelle, où j’ai fait mes études coraniques, primaires et secondaires. J’allais à Louga pour les vacances. Je ne veux pas faire de la peine à mes parents de Louga. Mais je connais beaucoup mieux Saint-Louis que Louga !
J.A.I. : Vous avez eu droit à deux scolarités : une scolarité classique et l’autre coranique.
A.D. : C’était en effet très dur. Il fallait se lever très tôt pour aller à l’école coranique ; puis quitter l’école coranique pour aller à l’école française ; revenir de l’école française à midi pour aller de nouveau à l’école coranique ; retourner à l’école publique et revenir à l’école coranique juste après le crépuscule !… Heureusement, je n’ai suivi ce régime que pendant le cycle primaire. J’avais dit à mes parents que j’avais suffisamment appris le Coran pour faire mes prières et que, de toute façon, je ne pouvais pas continuer à ce rythme. Ce fut donc le lycée Faidherbe, puis l’université de Dakar.
J.A.I. : Votre père était sérère, tout comme Senghor, votre père… en politique.
A.D. : Mon père avait du sang sérère. Le nom Diouf est sérère. Quand on dit Diouf, on dit toujours « Diouf sérère ». Les rois sérères s’appelaient d’ailleurs Diouf. Mon père était de père sérère et de mère mi-toucouleur, mi-wolof. Et c’était un Saint-Louisien. Il était né à Saint-Louis, citoyen des « Quatre communes ». Moi-même j’étais citoyen des Quatre communes par descendance. Si vous faites le compte, avec mes deux parents, je suis Saint-Louisien aux trois quarts.
J.A.I. : Votre père appartenait à l’élite administrative moyenne. Critiquait-il la colonisation ? Parlait-il de la guerre de 1914 ? Quel type de conversations aviez-vous avec votre père sur ces sujets ?
A.D. : Mon père était saint-louisien, diplômé de l’École primaire supérieure Blanchot, qui s’arrêtait au niveau de la quatrième, c’est-à-dire trois ans après le certificat d’études. Il était fort en maths et champion du Sénégal au… jeu de dames. Aujourd’hui, avec la mondialisation sportive, il aurait été champion du monde. Plus tard, en 1969, un autre Sénégalais, Baba Sy, plus jeune que lui, a obtenu ce titre. Fort de sa prouesse, il avait affronté mon père à Linguère. Match nul ! Mon père admirait – ce qui explique peut-être ma carrière – les administrateurs de la France d’outre-mer. Après avoir quitté M’Backé, il a eu des problèmes et s’est retrouvé à Linguère où il est devenu un proche collaborateur du commandant de cercle. Il s’est occupé en particulier de la Société de prévoyance.
Mon père ne parlait pas beaucoup… Curieusement, il m’a moins parlé de l’histoire sénégalaise que de l’histoire de France… À la Société de prévoyance, il était tellement apprécié pour son sérieux, son ardeur au travail, sa loyauté, sa ponctualité qu’on lui avait confié, en plus, la bibliothèque créée pour Linguère par les administrateurs coloniaux. Il m’avait alors demandé d’accomplir cette seconde activité pour le décharger. Ce que je faisais pendant les vacances. C’est là que j’ai connu un jeune administrateur, Monteil, et qu’est née mon envie de faire l’École nationale de la France d’outre-mer… Comme ce jeune Français devenu mon modèle.
J.A.I. : Lorsque les choses bougèrent au Sénégal et que les perspectives de l’indépendance surgirent, quel discours tenait votre père ?
A.D. : Il était pour l’indépendance. Mais c’était un homme de mesure, d’équilibre, de modestie, de discrétion, de foi. Il était – je pèche peut-être par prétention – une sorte de saint. Je ne l’ai jamais entendu dire du mal de quiconque. Quand il portait un jugement, il le faisait avec beaucoup de pondération. Il aimait tout le monde. Jusqu’à sa mort, il a fait preuve d’une grande élégance morale.
J.A.I. : À sa mort en 1983, vous étiez président de la République…
A.D. : Depuis plus de deux ans, mais tout juste élu puisque j’avais succédé à Senghor, qui avait démissionné. La première élection présidentielle que j’ai affrontée a eu lieu en 1983. L’Assemblée nationale était installée depuis le 1er avril. Et le 3 avril, j’ai prêté serment. Mon père est tombé en syncope le 1er avril. Il n’est pas mort : il a eu l’élégance de laisser passer toute cette période où le président de la République était sollicité par la nomination du nouveau gouvernement, la réunion du premier Conseil des ministres. Mon père est décédé le 8 avril 1983… Et j’ai pu me rendre à ses obsèques à Saint-Louis.
J.A.I. : Parlons de votre mère.
A.D. : Ma mère était à la fois wolof par sa mère et toucouleur par son père. Son père était saint-louisien. C’était une femme très indépendante, très belle, qui avait de l’autorité. On l’appelait parfois la Grande Royale [allusion à un personnage de Cheikh Hamidou Kane, NDLR]. À la maison, elle était l’autorité morale, elle s’occupait de tout.
J.A.I. : On ne peut pas ne pas évoquer votre grand-mère paternelle…
A.D. : Elle est morte alors que j’avais 13 ans et demi. En l’apprenant, je me suis évanoui parce qu’elle était plus que ma mère… C’est elle que j’avais le mieux connue. Elle me parlait beaucoup, comme dans les contes et légendes, moins de ses racines wolofs que toucouleurs. Elle me disait que sa famille descendait du Prophète Mahomet… Elle m’enseignait la rectitude, la recherche de la vertu, l’amour du travail bien fait et de la langue française. Un jour, de retour du lycée tout fier, j’étais premier en espagnol. Elle m’a lancé : « Qu’est-ce que tu veux que cela me fasse ? Je veux que tu sois premier en français ! » L’ascension sociale passait par la réussite à l’école française et, pour elle, à l’école française il fallait apprendre le français, parce que c’était la clé du succès.
Dans notre maison à Saint-Louis vivaient autour de ma grand-mère, sa petite soeur et sa nièce (la fille de son frère Abdou, dont je porte le prénom). Sa nièce était la Grande Amazone de Senghor. Elle présidait le comité des femmes senghoristes de Saint-Louis, où Senghor était minoritaire. Chaque soir, le comité des femmes se réunissait dans notre maison, et j’étais chargé de leur lire les journaux. En plus, il me revenait de rédiger les lettres que ces femmes analphabètes adressaient à Senghor. Quand Senghor leur répondait, c’est moi encore qui traduisais les lettres. J’ai donc grandi dans une ambiance de vénération vis-à-vis de Senghor. Mais nous étions minoritaires à Saint-Louis. Le jour des élections, je revenais à la maison avec les yeux pochés ! Dans la rue, le principal adversaire, Lamine Guèye, était très populaire. Ses partisans – les enfants des autres familles – se vengèrent sur moi le jour où Senghor gagna.
J.A.I. : Après des études de droit et sciences politiques à Dakar, vous entrez en 1958 à l’École nationale de la France d’outre-mer à Paris.
A.D. : La première fois que j’ai mis les pieds à Paris, c’était en 1957. J’étais lauréat de la faculté de droit, et on m’avait accordé une bourse de vacances pour découvrir la France. Comme Senghor, je peux dire qu’ « il pleuvait, qu’il faisait gris, qu’il faisait triste ». Et en plus les murs étaient noirs. André Malraux n’avait pas encore procédé au ravalement des bâtiments parisiens. J’étais vraiment déçu.
J.A.I. : Major de la dernière promotion de la « Colo », en 1960, l’année de l’indépendance de votre pays, vous consacrez votre mémoire de fin d’études à l’islam et à la société wolof. Il paraît que ce mémoire n’était pas tendre avec le maraboutisme et l’islam pratiqué au Sénégal. Il aurait disparu des archives de l’école par vos soins parce qu’il aurait pu gêner votre carrière.
A.D. : Le mémoire était en effet critique envers les dérives de l’islam : fanatisme, crédulité populaire, utilisation de l’islam à des fins personnelles par certains chefs religieux… Je ne renie pas ce mémoire, parce que tous les avatars que j’y dénonce devaient l’être. À l’époque, j’étais athée, marxiste : peut-être que si j’avais été plus expérimenté, je ne l’aurais pas écrit. Mais ce mémoire n’a pas disparu. Quelques mois avant le départ de Senghor du pouvoir, quand il a fait modifier la Constitution pour que je lui succède, entre 1979 et 1980, des tracts ont circulé, des lettres anonymes ont été envoyées aux chefs religieux reproduisant des extraits de ce texte. Et j’ai dû m’expliquer avec chacun d’entre eux. Je leur ai dit que c’est bien ce que je pensais. Ils m’ont répondu que ce qui les intéressait, c’est ce que je voulais faire avec eux, pour l’avenir.
J.A.I. : À 25 ans, vous êtes nommé secrétaire général du ministère de la Défense. L’année suivante, vous êtes gouverneur du Sine-Saloum, cette région qui produisait la moitié de la récolte arachidière. Comment un jeune homme de 26 ans peut-il se faire respecter par les anciens ?
A.D. : J’ai été accueilli avec beaucoup de méfiance. « Qui est ce blanc-bec qui vient nous gouverner ? Sa nomination est une erreur, et, quels que soient ses diplômes, il ne peut pas gouverner le Sine-Saloum »… Finalement, l’osmose s’est faite. Et quand j’ai été appelé un an après à d’autres fonctions, j’ai été unanimement regretté.
J.A.I. : En janvier 2003, L’Express vous a posé cette question : « Vous êtes musulman, votre épouse est catholique, dans quelle foi avez-vous éduqué vos enfants… » Réponse : « Nous avons laissé l’entière liberté de choix à nos enfants. Notre fille aînée est chrétienne et son mari musulman ; nos autres enfants sont musulmans : le premier fils a épousé une catholique, le second est marié à une juive ; notre fille cadette est mariée à un musulman. […] Dans la famille, nous sommes de vrais héritiers d’Abraham ». Dans quelles circonstances avez-vous connu Élisabeth, votre future épouse ?
A.D. : C’est une belle histoire. « Un beau soir en Alsace au printemps », dit la chanson. Eh bien, moi aussi j’ai rencontré ma femme un beau soir de printemps. Plus exactement, au mois de mai, rue du Cherche-Midi, à Paris. Elle était très belle. Je l’ai abordée. Elle était sénégalaise. Nous avons discuté. Et c’est ainsi que tout a commencé. Depuis le premier jour, elle est la lumière de ma vie. C’était en 1959. J’étais encore étudiant. Après, tout n’a pas été aussi simple : la famille, nos deux religions, etc. Nous ne nous sommes mariés que le 21 décembre 1963.
J.A.I. : Comment avez-vous vécu entre Senghor et Mamadou Dia en 1962 ?
A.D. : J’étais gouverneur à Kaolack, un poste très politique, quand a éclaté la crise. J’avais des rapports fréquents avec les responsables de cette région, et notamment avec Me Doudou Ndiaye, qui était en même temps ministre de l’Intérieur. J’observais les allées et venues des uns et des autres, et je sentais au plan local une déchirure au sein du parti, qui était le parti unique de fait. Mais j’entretenais aussi des rapports réguliers avec le président du Conseil, Mamadou Dia, puisqu’il recevait les gouverneurs de région tous les mois.
J.A.I. : Vous dites « parti unique de fait » alors que Senghor disait « parti unifié »…
A.D. : C’était un parti unifié, parce que tous les partis politiques ont fusionné pour le former. Mais je dis parti unique de fait, parce qu’il n’y avait rien en face… Je rencontrais donc régulièrement Mamadou Dia. Donc, au cours de l’un de mes entretiens avec Mamadou Dia, j’évoque ce qui se dit dans le pays. Il me répond : « N’écoute pas ces rumeurs, ces racontars ! Certains veulent détruire une amitié de dix-sept ans entre Senghor et moi ; ils n’y arriveront pas. » Les choses se précipitent avec le dépôt d’une motion de censure par les députés favorables à Senghor. À leur avis, le premier homme politique du pays ne pouvait se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes. Comme tous les autres présidents africains, Senghor voulait instituer un régime présidentiel, avec Mamadou Dia comme vice-président. Mais celui-ci a refusé parce qu’il voulait rester le chef du gouvernement et le véritable chef de l’exécutif. Il voulait continuer à gouverner en cantonnant Senghor aux chrysanthèmes et à la poésie… La motion de censure avait toutes les chances d’obtenir la majorité au Parlement. Mamadou Dia souhaitait que l’affaire soit d’abord tranchée au sein du parti. Quand les députés ont voulu voter la motion, Mamadou Dia a envoyé la force publique pour les chasser de l’Assemblée nationale. Les députés qui n’ont pas été arrêtés se sont retrouvés au domicile de Lamine Guèye [alors réconcilié avec Senghor, et président de l’Assemblée] ; ils ont quand même voté la motion de censure et destitué Mamadou Dia. Le coup de force était consommé. Et Senghor a institué un régime présidentiel. Il a ensuite demandé à tous les gouverneurs de région de signer un acte d’allégeance au nouveau pouvoir. J’ai refusé, estimant que j’étais soumis aux institutions de la République et que je n’avais pas à faire allégeance à quiconque. J’ai été relevé de mes fonctions. Senghor m’a néanmoins reçu pour me dire que ce n’était pas une sanction. Avant de me nommer directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères, puis, trois mois plus tard, en mai 1963, directeur de son cabinet. En février 1964, je suis devenu à la fois directeur de cabinet du président Senghor et secrétaire général de la présidence de la République.
J.A.I. : Comment était au quotidien le poète-président ?
A.D. : Léopold Sédar Senghor était un homme de vision, il savait ce qu’il voulait. Il aimait la perfection ; il voulait que ses discours soient toujours parfaits, sa gestion de l’État aussi. Il choisissait ses collaborateurs en conséquence, parce qu’il avait besoin d’être en permanence le meilleur. À quelqu’un qui lui demandait de me nommer ministre, Senghor avait répondu « Non, j’ai besoin de lui ; il faut qu’il reste à côté de moi, parce qu’il me permet de travailler. » Je m’occupais effectivement de l’intendance, quotidiennement, et il se consacrait à ce qu’il considérait comme essentiel, c’est-à-dire laisser éclore son génie créateur dans le domaine littéraire ou politique.
J.A.I. : On pensait que, pour lui, il était plus important d’écrire que de gouverner, alors qu’il faisait preuve, au besoin, d’une autorité réelle.
A.D. : Non seulement Senghor gouvernait, mais il s’occupait parfaitement de la gestion de son parti. Il savait gérer les hommes et maîtrisait aussi bien la politique nationale qu’internationale. Ses positions étaient extrêmement justes. Quand Senghor parlait, voilà des années, de la détérioration des termes de l’échange, de la civilisation de l’universel, du dialogue des cultures, on n’y prêtait guère attention. Mais tout ce qu’il disait est repris aujourd’hui. Un exemple : à Cancún, en septembre 2003, le coton africain a été l’un des principaux sujets des discussions.
J.A.I. : Après la révision constitutionnelle de 1976, succession automatique du Premier ministre au président de la République, vous saviez que vous seriez un jour à la tête de l’État. Mais avez-vous été surpris par la date du retrait de Senghor, le 30 décembre 1980 ?
A.D. : Tout s’est fait en quatre temps. Le premier : au début de 1964, j’étais encore son directeur de cabinet ; au cours d’un cocktail, le président confie à mon épouse : « Madame Diouf, je vous demande de soutenir votre époux ; il a toutes les qualités ; je pense à lui pour ma succession. » Pourtant, il y avait autour de lui des hommes politiques qui avaient de hautes responsabilités. Bien entendu, ma femme m’a rapporté la confidence et j’ai continué à travailler comme si de rien n’était… La deuxième étape, c’est en 1976, avec la révision de la Constitution. La troisième se déroule en 1977. Le président m’a demandé de le rejoindre à Verson, en Normandie. Un jour, après le déjeuner, il a pris son café et puis m’a dit : « Abdou, viens, on va travailler ! » Nous sommes allés dans son bureau. « Abdou, me dit-il, tu sais depuis longtemps que j’ai confiance en toi et que je souhaite que tu me succèdes ; tous les camarades du parti le veulent aussi. Maintenant, je vais te dire quel est mon calendrier. Je vais me faire réélire – si le peuple sénégalais le veut – aux élections de 1978. Ensuite, je continuerai jusqu’en novembre 1981. Et à ce moment-là, je démissionnerai, tu prêteras serment comme président de la République en vertu de la Constitution. »
Quelques mois après, au début de 1980, je crois, le président me convoque pour me dire : « Je voudrais partir plus tôt et profiter de mon message à la nation le 31 décembre 1980 pour l’annoncer. » Et c’est ce qu’il a fait. Le 1er janvier 1981, à 11 heures, j’ai prêté serment… Mais je n’ai jamais autant souffert que pendant la période qui s’est écoulée entre la révision constitutionnelle et le départ du président.
J.A.I. : Vous étiez angoissé à l’idée de lui succéder…
A.D. : Pas du tout ! Au contraire. Mais dans l’article 35 de la Constitution, il n’était pas écrit : Abdou Diouf. Et tous les petits copains ambitieux se disaient pourquoi lui et pas moi, et chacun de monter ses traquenards, de glisser ses peaux de banane… C’était une période très pénible que le président Senghor a merveilleusement gérée.
J.A.I. : Dès votre arrivée à la tête de l’État, vous instaurez le multipartisme intégral. Avant de vous demander vos raisons, rappelons comment Senghor posait ce problème : « Mon ami Mitterrand disait que cinq partis pour la France, c’est suffisant ; et moi, je dis : quatre partis pour le Sénégal, c’est suffisant ! Les quatre courants sont représentés. Il y a le Parti africain de l’indépendance qui s’inspire du marxisme-léninisme ; il y a le Parti socialiste du Sénégal qui est mon parti ; il y a le Parti démocratique sénégalais – vous pouvez interviewer son secrétaire général, Wade, professeur d’économie politique -, et il y a le Parti conservateur, car il y a des conservateurs au Sénégal. Je pense que c’est suffisant. »
A.D. : Je vais d’abord vous donner la genèse de son choix. Un jour, alors que nous assistions au conseil national du parti, je lui dis : « Me Boubacar Guèye a déposé au ministère de l’Intérieur les statuts d’un parti conservateur basé sur les valeurs islamiques. Je ne peux pas l’accepter, car nous sommes un État laïc. J’ai demandé au ministre de l’Intérieur de le refuser. Il m’a répondu : tu as bien fait. J’ajoute : mais Me Guèye est revenu pour m’annoncer : j’ai vu Mgr Thiandoum [archevêque de Dakar, NDLR], et il est d’accord pour que ce parti puisse se réclamer aussi des valeurs chrétiennes, que ce soit un parti basé sur les valeurs religieuses qui sont nos traditions. J’ai refusé, parce que je ne voulais pas que la religion soit confisquée. Le président m’a donné raison et a ajouté : voilà ce qu’on va faire, on va lui proposer de s’appeler Parti conservateur, s’il veut se baser sur les traditions, mais pas religieuses. Sur le coup, il a défini les quatre courants, donc les quatre partis. Et il a également édicté plusieurs interdictions : aucun parti ne peut se créer sur les bases de la religion, de la secte, de la langue, de la région, du sexe, etc. Parce que ce sont des éléments qui peuvent détruire la nation. Mais lorsque j’ai accédé à la présidence, j’ai perçu qu’un phénomène très grave pour la stabilité du pays provenait de l’agitation de forces clandestines : le RND du professeur Cheikh Anta Diop, la Ligue démocratique d’Abdoulaye Bathily, le groupe qui deviendra plus tard le parti de Landing Savané. Autant de mouvements qui se réclamaient du marxisme-léninisme et d’un nationalisme très fort. J’ai estimé alors que c’était malsain pour la démocratie d’avoir formellement quatre courants et d’avoir, en bas, grouillant, des partis clandestins pouvant déstabiliser l’État. Mais le président Senghor n’avait pas apprécié. Vous savez comment ça se passe… Pour toute décision que je prenais, même si le président l’aurait prise s’il était resté au pouvoir, de bonnes âmes qui me voulaient du bien allaient lui dire : Abdou est en train de détruire votre oeuvre, Abdou est en train de « désenghoriser ».
J.A.I. : Vous avez pris d’autres décisions…
A.D. : J’ai épongé toute la dette du monde rural, qui se chiffrait à des milliards de francs CFA. J’ai supprimé le visa de sortie, ce qui a permis de développer une classe d’hommes d’affaires. J’ai créé le Tribunal de la lutte contre l’enrichissement illicite. Mais là, j’ai échoué. Le peuple sénégalais est ainsi fait qu’il n’accepte pas les sanctions trop fortes.
J.A.I. : Était-il nécessaire de créer cette cour ?
A.D. : Si la loi reconnaissait les délits de corruption, les tribunaux ne sanctionnaient jamais. Quand j’étais Premier ministre, j’ai eu l’occasion de déférer devant le conseil de discipline un fonctionnaire corrompu. Mais on ne pouvait jamais avoir de preuves, puisque personne ne parle, ni le corrompu ni le corrupteur. J’avais l’intime conviction que ce fonctionnaire était corrompu ; mais en conseil de discipline, ses pairs l’ont blanchi. Je leur ai adressé à chacun une lettre très dure. Ils étaient mal à l’aise, ils disaient qu’ils n’avaient pas de preuves… Donc j’ai créé ce Tribunal de lutte contre l’enrichissement illicite. L’idée était la suivante : comme je ne peux obtenir des aveux ni du corrompu ni du corrupteur, je me base sur les signes extérieurs de richesse. Il faut que la personne puisse expliquer comment elle a réussi à avoir cette voiture luxueuse, comment elle a pu avoir cette villa, compte tenu du niveau de son salaire. J’ai rencontré un blocage total de la part des magistrats, des policiers chargés des enquêtes ; et cette loi est restée lettre morte, parce que moi tout seul je ne pouvais pas être la justice.
J.A.I. : La force du consensus social au Sénégal ne constitue-t-elle pas un handicap pour la construction d’un État moderne ?
A.D. : Il existe des consensus mous sur une solution minimale, et je les réprouve. En revanche, j’accepte des consensus forts qui permettent de dépasser des crises. Quand j’ai instauré le pluralisme intégral, organisé les élections dans la transparence sous le contrôle de la Cour suprême, j’ai rencontré des difficultés au sein de mon parti. J’ai dû réagir : c’est ce que je veux, c’est ce qu’il faut faire ; même si, en tant que parti, vous ne me le permettez pas, je le ferai en tant que président de la République. Et je l’ai fait. J’ai dû agir dans le même sens à propos de la présidence des bureaux de vote. Je voulais favoriser l’opposition, pour lui donner le maximum de garanties. Or tous les maires et présidents des communautés rurales appartenaient à mon parti, et l’opposition n’y voyait pas une garantie. J’ai donc décidé que les présidents des bureaux de vote seraient désignés par l’administration territoriale. Là aussi, j’ai agi en tant que président, contre mon parti. D’ailleurs, il m’était souvent plus facile de gouverner l’État que de diriger mon parti.
J.A.I. : Les confréries sont fortes au Sénégal. Senghor souhaitait trouver un terrain d’entente avec elles tout en les tenant hors de l’action politique. Avez-vous maintenu le statu quo ?
A.D. : Je l’ai renforcé ! Le président Senghor m’avait donné une bonne clé quand j’étais Premier ministre. Il m’avait dit : « Tous les trois mois, tu vas rendre visite à l’un et à l’autre chefs des Mourides et des Tidjanes. » Et je le faisais régulièrement sans rien concéder sur la gestion de l’État.
J.A.I. : Le calife général des Mourides s’était opposé à la visite du pape.
A.D. : Disons qu’il n’était pas très enthousiaste. J’avais tenu à l’informer préalablement en lui donnant mes raisons. Le pape est un chef d’État, et il me revient de protéger la communauté chrétienne et de lui offrir en cadeau d’accueillir le guide spirituel de la chrétienté.
J.A.I. : On dit que les Mourides soutenaient plus Senghor que vous…
A.D. : Je suis musulman tout court. Je ne me place pas dans le système des confréries. Mais ma famille est tidjane. Mon père, ma mère sont tidjanes, d’autres membres de ma famille sont mourides… Falilou M’Backé et Ababacar Sy, les chefs des deux confréries, ont soutenu Senghor à bout de bras. C’est vrai. Mais Abdou Lahat M’Backé, qui était le calife général des Mourides au début de ma présidence, m’a soutenu encore plus fortement. Il a même déclaré en 1988 : « Celui qui ne soutiendra pas le président Abdou Diouf aux prochaines élections aura trahi le fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba. » Il me considérait comme son fils. Les Tidjanes me soutenaient, mais pas de la même manière. C’est seulement après le départ du calife général Abdou Lahat M’Backé que les choses se sont gâtées avec les Mourides, pour des raisons qui ne sont pas religieuses.
J.A.I. : Mais encore ?
A.D. : Ayant la mystique de l’État, je ne pouvais pas accepter certaines choses et je ne pouvais pas répondre à certaines demandes. Je reviens à la visite du pape. Effectivement, le nouveau calife des Mourides l’a très mal prise ; et il me le dira plus tard lors d’une de mes visites chez lui. J’ai alors compris qu’il ne l’avait pas avalée et que cela conditionnerait ses positions futures.
J.A.I. : En 1988, Abdoulaye Wade, le principal opposant, est arrêté, puis relâché…
A.D. : Non : condamné puis amnistié sur proposition du président, et il a ainsi retrouvé ses droits civiques et poursuivi sa carrière.
J.A.I. : En mars 1989, c’est le retour d’exil triomphal de Me Wade. Il est alors question d’un mystérieux émissaire qui aurait obtenu de vous la totalité des revendications de l’opposition : annulation des résultats de l’élection de l’année précédente, formation d’un gouvernement d’union nationale. Ce que vous avez contesté. Que s’est-il passé au juste ? Qui dit la vérité ?
A.D. : C’est moi, parce que je n’ai rien promis. En fait, dans les semaines qui ont suivi la crise de 1988, on a constaté beaucoup d’allées et venues. Vous savez, au Sénégal, il y a toujours des bonnes volontés qui jouent les intermédiaires, intéressés ou désintéressés. Un jour, quelqu’un m’a dit : « Me Wade vous demande de créer un Sénat et de lui en donner la présidence. » J’ai répondu : « Il s’agit donc d’un Sénat, dont je nommerais les membres pour leur demander de choisir tel président, ou alors je nommerais le président par décret. Ce n’est pas très démocratique. Ne devrais-je pas plutôt faire un Sénat élu au suffrage indirect, comme en France ? » Mon interlocuteur répondit : « Ah oui ! Il veut en tout cas qu’il y ait un Sénat dont lui sera le président. Et donc, comme en France, il aura vocation à assurer le pouvoir si vous démissionnez. » C’était l’hypothèse qui était avancée. J’ai dit à cet intermédiaire : « Écoutez, je peux l’accepter, si c’est pour ramener la paix dans mon pays. J’ai beaucoup de respect pour Me Wade personnellement et pour ses capacités. Bon, d’accord ! » Après, la personne revient pour me dire : « Maintenant que vous avez accepté cela, quand partez-vous ? Quand démissionnez-vous pour qu’il puisse devenir président de la République ? » J’ai aussitôt réagi : « Il y a maldonne ! » Et les choses en sont restées là. En revanche, la promesse d’un gouvernement d’union nationale, je l’ai toujours faite… J’ai toujours dit que je voudrais avoir les meilleurs enfants du pays autour de moi, pour faire face aux problèmes du Sénégal et en particulier aux conséquences de l’ajustement qui a occasionné les émeutes en 1988.
J.A.I. : Est-ce que, pendant cette période houleuse, les contacts avec Wade se sont toujours maintenus ?
A.D. : Quand j’étais Premier ministre, tous les quinze jours après la création du PDS, le parti de Me Wade, je recevais au Petit Palais – la résidence du Premier ministre – Fara Ndiaye, le numéro deux du PDS, qui était un ami personnel. Il était au PDS, et moi au PS. Il était le numéro deux de Me Wade, j’étais le numéro deux de Senghor. Avec un ancien du parti, Magatte Lô, nos discussions tournaient autour d’une question : comment consolider la démocratie sénégalaise ? Il rendait compte à Me Wade, et je rendais compte à Senghor. Quand je suis devenu président, je demandais à Wade de venir me voir. Il venait souvent ; mais souvent il était absent. Il lui arrivait de rester un an en France !
J.A.I. : En avril 1989 éclate la guerre Sénégal-Mauritanie. Avez-vous eu le sentiment que les événements vous échappaient ?
A.D. : C’était le cas. Ces événements s’étaient imposés à nous et nous avions été obligés de les gérer. Et je crois que nous les avons finalement bien gérés. D’abord, j’ai refusé de faire la guerre, ce qui m’a aliéné une bonne partie de mes amis de la région du fleuve Sénégal, qui tous étaient surexcités. Soit dit en passant, si j’avais déclaré la guerre à la Mauritanie, j’aurais été battu. Souvenons-nous des données géopolitiques de l’époque : le Sénégal était en mauvais termes avec l’Irak, et l’Irak était très ami avec la Mauritanie. Il y avait même des missiles irakiens en Mauritanie ; et celle-ci n’aurait fait qu’une bouchée du Sénégal. Mon ambassadeur à Paris avait rencontré l’ambassadeur d’Irak, qui lui avait dit : « Dites-vous bien que si la guerre éclate, nous soutiendrons la Mauritanie. Pour nous, vous êtes deux pays frères, mais la Mauritanie fait partie de la nation arabe, et le Sénégal, non. » Comment en est-on sorti ? Plusieurs chefs d’État ont essayé de s’en occuper ; mais leurs démarches étaient toujours trop médiatisées. Et il était difficile de faire des concessions publiques… Un jour, mon ami Claude Silberzahn, directeur général de la DGSE et mon ancien condisciple de l’École nationale de la France d’outre-mer, est venu me voir. Il m’a proposé de traiter cette affaire en confidentialité. « Nous vous offrons les locaux de la Piscine – les locaux de la Direction générale de la Sécurité extérieure -, à Paris ; désignez un représentant personnel, le président Ould Taya aussi. Ils négocieront. » C’est ce que nous avons fait, puis nous avons envoyé nos deux ministres des Affaires étrangères à Bissau signer l’accord.
J.A.I. : C’est l’absence de démocratie au sein du Parti socialiste qui aurait entraîné votre défaite…
A.D. : La démocratie est une notion relative. Le PS était le plus démocratique de tous nos partis. Il vendait régulièrement ses cartes, renouvelait régulièrement ses comités, sections, sous-sections, coordinations, unions régionales… jusqu’à son conseil national et son congrès. Il réunissait régulièrement ses instances. Mais il était miné non pas par les courants de pensée, mais par les clans qui correspondaient à des ambitions personnelles, très éloignées de toute doctrine ou programme.
À un moment, j’ai voulu être un chef d’État au-dessus de la mêlée, et non plus un chef de parti. J’ai commencé par demander à mes camarades de me décharger des fonctions de secrétaire général, pour me consacrer à l’État. Ils ont refusé. J’ai fait adopter une réforme : j’étais président du parti avec un premier secrétaire qui le dirigeait au quotidien. J’ai proposé ensuite Ousmane Tanor Dieng comme premier secrétaire, et il a été élu. Deux « éléphants » – Djibo Kâ, puis Moustapha Niasse – ont quitté le parti, y voyant un signe de défiance et le choix d’un dauphin. À partir de là, le parti avait éclaté. Puis les élections ont eu lieu. Messieurs Kâ et Niasse se sont présentés. Vous connaissez la suite…
J.A.I. : Second tour de la présidentielle de mars 2000 : victoire de Me Abdoulaye Wade. Comment avez-vous vécu cette défaite ?
A.D. : J’aurais voulu continuer, parce que les années d’ajustement structurel commençaient à porter leurs fruits. À mon départ, tous les clignotants étaient au vert, et un certain nombre d’actions avaient été engagées. Mais j’avoue que j’éprouvais aussi une certaine lassitude. Je pensais qu’on pouvait gagner au premier tour. Mais je ne me faisais plus d’illusions au second tour. Et c’est avec soulagement – je ne dirai pas détachement, car j’aime mon pays, je ne peux pas me détacher de ses problèmes – et confiance que j’ai accepté ma défaite. J’ai failli d’ailleurs téléphoner à Me Wade dans la nuit. Puis je me suis ravisé, parce que je voulais en même temps publier un communiqué. Je m’étais fixé une règle : il a gagné, je ne veux plus qu’on entende ma voix, je ne veux plus être sur le devant de la scène.
Le matin à 8 heures, je suis allé à mon bureau et je l’ai aussitôt appelé. Je n’ai pas pu le joindre. Après avoir suivi les résultats jusqu’au matin, il devait se reposer. Et puis j’ai insisté : « Même s’il dort, il faut qu’on le réveille ; il faut que je lui parle avant de publier mon communiqué, c’est plus correct. » Je l’ai eu finalement. Il m’a dit qu’il avait la voix un peu cassée… Et je lui ai annoncé ce qui a été repris dans le communiqué. Il a très bien réagi. Et les choses ont suivi leur cours.
Nous avons fait une passation de service très rapide, parce que j’étais resté dans ce palais pendant presque vingt ans et j’avais moins de dix jours pour déménager. Alors il fallait tout enlever, être prêt le 1er avril. Et je devais m’occuper de son installation, parce que j’étais le président en exercice. Je devais écrire aux chefs d’État pour qu’ils viennent à la cérémonie d’installation, leur téléphoner pour insister sur leur présence. Et ils sont venus très nombreux. Le 1er avril, je suis parti. J’ajoute une chose très importante : j’ai reconnu sa victoire et ma défaite ; quelques jours après, il est allé rendre visite à ma mère à Louga, ensuite il m’a rendu visite au Palais. C’est en sortant du Palais qu’il a déclaré qu’il me demandait d’aller le représenter au Caire. Il m’a donné son avion. Je l’ai représenté au Caire et je lui ai envoyé le rapport. Et je suis venu à Paris.

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