[Tribune] La tragédie du Noma
Pour tenter de combattre le Noma, qui sévit toujours en Afrique et atteint principalement les enfants, l’ONG Sourire un jour organise des actions humanitaires pour soigner les patients en Côte d’Ivoire. 439 personnes ont été reçues entre 2012 et 2017.
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Ali Bourji
Docteur, secrétaire général de l’ONG Sourire un jour et coordinateur du projet humanitaire Noma Côte d’Ivoire
Publié le 7 décembre 2018 Lecture : 3 minutes.
Une tribune cosignée avec le Pr. Guy Varango, président de l’ONG Sourire un jour.
Déclarée en 1994 maladie de santé publique par l’OMS puis dotée d’un programme régional de lutte en 2001, le Noma demeure encore un drame dans nos contrées. En effet, l’Afrique de l’Ouest et les zones endémiques d’Afrique centrale et de l’Est restent la référence cartographique et épidémiologique du « Nomabelt » et, ce, en dépit des multiples plans de lutte instaurés çà et là, au gré des circonstances médiatiques par les actions gouvernementales.
À l’ONU, en octobre 2010, Jean Ziegler stigmatisait « la tragédie du Noma » mais, depuis lors, peu de choses ont évolué si ce n’est qu’elle poursuit sa marche inexorable dans une précarité sociale et économique grandissante. Elle décuple, selon les données de base, l’incidence (100 à 140 000 cas par an), la mortalité (70 à 80 %) et les effets pervers au sein des enfants de moins de 6 ans. Les statistiques sanitaires actualisées par localité sont rares, inaccessibles, ou alors inexistantes.
>>> À LIRE – Infographie : cinq choses à savoir sur la santé en Afrique
Des missions en Côte d’Ivoire
Les faits ont-ils changé à ce jour ? Hélas non ! Les enfants meurent toujours en bas âge de malnutrition, de misère et les survivants du Noma (10 %) rejetés portent les séquelles mutilantes du « Cancrum oris ». Dans nos régions forestières et de savanes, le Noma porte un nom traditionnel et est identifié à des pratiques de sorcellerie.
Ayant son siège social à Abidjan, l’ONG Sourire un jour est née d’une franche amitié et d’un élan de générosité de chirurgiens européens et ivoiriens partageant une vision commune du service à offrir aux patients du Noma dont le visage exprime la plus profonde blessure humaine intérieure.
Des missions de chirurgie réparatrice cervico-faciale des séquelles du Noma sont effectuées sur le territoire ivoirien
Elle organise depuis novembre 2012 des actions humanitaires pour soigner en Côte d’Ivoire les patients, souffrant de séquelles du Noma ou de difformités maxillo-faciales, notamment les enfants, mais ne pouvant l’être faute de ressources ou de spécialistes disponibles.
En collaboration avec les partenaires, des missions de chirurgie réparatrice cervico-faciale des séquelles du Noma sont effectuées sur le territoire ivoirien. La prise en charge est absolument gratuite, englobant le transport, l’hébergement familial, l’identification, les bilans paracliniques et la chirurgie.
Si le Noma demeure notre principal objectif, celui-ci a été ensuite élargi aux fentes ou « becs de lièvre », tumeurs, neurofibromatoses, lésions oculo-palpébrales, chéloïdes et même aux malformations orthopédiques.
De 2012 à 2017, 439 patients ont été reçus, 361 d’entre eux ont été examinés par toute l’équipe réunie dont 142 ont été opérés au cours de missions
439 patients reçus et 142 opérés
Le financement des missions concerne strictement l’organisation et reste le fruit exclusif d’un partenariat avec le secteur privé et les donateurs/mécènes qui accompagnent l’ONG depuis l’origine.
De 2012 à 2017, 439 patients ont été reçus, 361 d’entre eux ont été examinés par toute l’équipe réunie dont 142 ont été opérés au cours de missions.
Il faut sensibiliser l’esprit de nos dirigeants à la détresse du Noma qui défigure le visage et afflige l’âme de cicatrices indélébiles
À la clinique La Rochelle, à Abidjan, les chirurgiens locaux assurent les étapes pré et post-opératoires. Soulignons aussi l’implication remarquable de nombreux bénévoles pour assurer une prise en charge efficace. Une mobilisation qui nous a permis d’offrir aux patients désignés un cadre de vie temporaire agréable, convivial et rassurant.
Seules des campagnes de sensibilisation et d’information du grand public en faveur des patients du Noma, adossées à des émissions audiovisuelles d’intérêt général ou des publications dans les médias, sensibiliseront l’esprit de nos dirigeants à la détresse du Noma qui défigure le visage et afflige l’âme de cicatrices indélébiles.
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