Cartographie : comment le Cameroun a voté à la présidentielle
Deux mois jour pour jour après l’élection présidentielle camerounaise, Jeune Afrique revient, à l’aide de deux cartes réalisées par un chercheur de l’université de Bordeaux, sur les résultats du vote. S’il est difficile de distinguer le vrai du faux dans des chiffres contestés, les enseignements ne manquent pas.
Publié le 7 décembre 2018 Lecture : 2 minutes.
« Fallait-il cartographier les résultats, dont on sait qu’ils ont été vivement contestés ? ». La question, effectivement, mérite d’être posée. Le géographe politique Christian Bouquet, chercheur à l’université de Bordeaux, en France, y a répondu par l’affirmative. Début décembre, le responsable du laboratoire « Les Afriques dans le Monde » a cartographié les résultats de la présidentielle camerounaise du 7 octobre.
Il en ressort quelques enseignements qui mènent à un constat sans appel : rarement le Cameroun est apparu aussi fracturé. Que l’on choisisse de se baser sur les résultats officiels ou sur ceux de Maurice Kamto, les régions anglophones apparaissent à l’écart. Le vote, malgré les tentatives du gouvernement, n’y a tout bonnement pas eu lieu, ou presque.
Biya perd du terrain à l’Ouest
Deuxième enseignement, Paul Biya a perdu du terrain dans les régions du Littoral et de l’Ouest, où une nouvelle opposition, celle du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) et de Cabral Libii a émergé. Le président camerounais est donc de plus en plus contesté dans ces deux régions – et donc chez les communautés bamiléké et bassa notamment -, qui ont trouvé des représentants pour lui tenir tête.
Dans le Centre, la répartition des votes, bien qu’elle soit différente selon le camp publiant les chiffres, est en revanche relativement proche.
En revanche, c’est dans les régions du Sud, de l’Est et du septentrion que les chiffres divergent le plus. Quoi de plus logique ? L’élection dans l’Est s’est déroulée loin des regards des observateurs et les craintes de fraudes y étaient aussi grandes que le manque de scrutateurs dans les bureaux de vote.
Le camp présidentiel considère le Sud comme son fief et la région était donc d’autant plus symbolique. Il était impensable pour Paul Biya de se voir contester chez lui, comme il était important pour ses adversaires de montrer que le président n’était pas réellement maître de ses terres.
L’important : ne pas perdre le septentrion
L’Adamaoua, le Nord et l’Extrême-Nord faisaient quant à eux figure de réserves principales de voix. Paul Biya, contesté à l’Ouest, n’avait donc d’autre choix que d’y faire le plein, quitte à impliquer des rouages peu transparents et démocratiques. Il avait choisi, tout sauf un hasard, de tenir son seul meeting à Maroua, dans l’Extrême-Nord, où tous ses adversaires avaient également battu campagne. Perdre la main dans le septentrion aurait, sans doute, été synonyme de défaite.
« Nous avons fait [ce travail] pour d’autres consultations aussi peu crédibles. Mais dans le cas présent, une autre raison nous a conduits à passer à l’acte : un candidat d’opposition a communiqué des résultats alternatifs », explique Christian Bouquet. « Ceux-ci ne sont probablement ni moins douteux ni plus sérieux que les résultats officiels, mais la géographie politique peut être considérée, à l’instar de la mathématique, comme l’art de raisonner juste sur des figures fausses », conclut-il. Libre à vous, donc, de raisonner.