OMD : « les questions sociales vont perdre en importance »

Matthieu Boussichas, économiste à la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi), répond à nos questions concernant l’agenda post-2015 des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

Matthieu Boussichas est un spécialiste de la question de la redéfinition des Objectifs du millénaire pour le développement en vue d’un agenda post-2015.

Matthieu Boussichas est un spécialiste de la question de la redéfinition des Objectifs du millénaire pour le développement en vue d’un agenda post-2015.

Publié le 9 septembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Economiste à la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi), Matthieu Boussichas est spécialisé sur les questions liées à l’aide au développement et à son financement. Il s’intéresse particulièrement à la redéfinition des Objectifs du millénaire pour le développement en vue d’un agenda post-2015. Il est également ancien chef de projet à la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des Affaires étrangères. Il a répondu aux questions de Jeune Afrique dans le cadre du Forum Convergences.

Propos recueillis par Christelle Marot

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Jeune Afrique: Quelles grandes lignes vont définir l’agenda post-2015 ?

Matthieu Boussichas : Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) étaient des objectifs spécifiques aux pays en développement, une catégorie beaucoup plus homogène en 2000 qu’elle ne l’est aujourd’hui. Il s’agissait d’objectifs très centrés sur les questions de développement humain. Le septième objectif axé sur l’environnement était très pauvre en substance. Le futur agenda portant sur les Objectifs de développement durable (ODD) sera universel et cela change complètement la donne. Tous les pays, développés et en développement, vont adopter des objectifs qu’ils seront obligés de remplir. Parce que les ODD sont élargis à des problématiques globales, comme l’environnement, qui touchent tout le monde et qui se traitent collectivement.

Le grand défi qui se pose, c’est comment intégrer de la différenciation dans un agenda universel. Quand on parle de pauvreté, cela ne recouvre pas du tout la même chose au Burkina Faso et aux Etats Unis. Idem pour la malnutrition. Dans les pays du Nord, la malnutrition se réfère le plus souvent à l’obésité. Mais la malnutrition c’est aussi 800 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim dans le monde. La lutte contre la faim et la malnutrition sont d’ailleurs l’un des objectifs raté du précédent agenda, un échec.

La lutte contre la faim et la malnutrition sont l’un des objectifs raté du précédent agenda, un échec.

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La question centrale est bien là : comment différencier des objectifs qui sont universels ? Les pays ou les catégories peuvent avoir des cibles différentes ou alors des cibles identiques mais en considérant que la mesure n’est pas linéaire. C’est l’objet des discussions et travaux en cours.

L’autre grosse différence dans la construction de ces ODD c’est l’appropriation par la communauté internationale, il y a eu un travail d’élaboration conjoint. En 2000, les OMD ont été rédigés par l’OCDE et adoptés en catimini. Et bien que fédérateur, l’agenda OMD a toujours été perçu comme un agenda du Nord pour le Sud.

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Quelles sont les grandes catégories qui se dégagent, les problématiques émergentes ?

Très clairement ce sont le climat, l’environnement et un troisième paquet qui regroupe les questions de paix, de sécurité et de gouvernance. Tout en gardant des objectifs de pauvreté, de santé, d’éducation. La philosophie reste la même, mais les secteurs sociaux vont représenter une part moins importante des objectifs. Ce qui peut faire craindre une dilution des priorités données aux pays les plus pauvres et vulnérables. Lorsque l’on parle de climat, d’environnement cela concerne tout le monde, mais les financements requis, pour la construction d’un barrage par exemple, sont bien supérieurs aux financements requis pour les projets sociaux. D’où la crainte que l’allocation des ressources pour le développement se fasse au détriment des pays, qui auparavant étaient prioritaires. Par ailleurs, les budgets publics se restreignent, ce qui pèse sur l’aide au développement. La crainte, c’est que les pays les plus pauvres voient l’aide au développement diminuer parce que la communauté internationale a aussi ses propres défis à relever, mis en avant dans ce nouvel agenda.

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Vous préconisez de cibler les pays les plus vulnérables ?

Oui, clairement. Les moyens les plus concessionnels doivent être ciblés très prioritairement vers les pays les plus vulnérables, c’est à dire vers les PMA, essentiellement en Afrique subsaharienne, également en Haïti et dans certains pays d’Asie.

L’aide des bailleurs n’est pas déjà orientée sur ces pays ?

Il y a différents modèles d’allocation. Il y a ceux qui disent qu’il faut cibler les pays les plus vulnérables car c’est là que les besoins sont les plus importants. D’autres, comme le modèle de la Banque mondiale va donner un poids plus important à la notion de performance, de résultat. Mais un pays vulnérable ne peut pas avoir une bonne performance parce qu’il n’en a pas les conditions. Il y a donc des débats intenses aujourd’hui sur l’allocation des moyens concessionnels entre des modèles qui vont prioriser l’allocation en fonction des besoins et des modèles qui vont donner une pondération plus grande aux résultats. C’est un peu la différence qu’il peut y avoir aujourd’hui entre les modèles français et américain. Si l’on prend l’approche de bonne gouvernance : doit on donner de l’argent à une institution qui va bien ou donner de l’argent à une institution qui va mal pour qu’elle aille mieux ? Il y a une opposition presque idéologique, conceptuelle dans la façon de faire du développement. Sans être manichéen, je pense qu’il faut quand même donner un poids particulièrement important aux besoins des pays en fonction de leur vulnérabilité économique et climatique.

Quels sont les financements innovants pour financer ce nouvel agenda ?

La taxe sur les billets d’avion, ce n’est pas innovant. Les vrais mécanismes de financement innovants ce sont les mécanismes qui arrivent à gérer le risque, à le diluer entre différents acteurs ou en tous cas à transférer une partie du risque. La manière de gérer le risque est un point fondamental du débat. S’il n’y a pas d’investissements dans certains pays ou trop peu, c’est qu’il y a trop de risques. 

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