Cheikh Hamidou Kane

Ancien ministre sénégalais, auteur de L’Aventure ambiguë

Publié le 3 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

La Grande Royale est l’oracle de L’Aventure ambiguë, roman publié en 1961. Sa maxime : savoir lier le bois au bois. « Une manière d’être qui dicte la modestie et ouvre à la capacité de s’adapter. Toute ma vie est régie par cette idée. » C’est par ces mots que l’auteur de l’un des grands classiques de la littérature africaine nous a reçu, en novembre, dans une discrète résidence du 16e arrondissement de Paris. S’il nous dit avoir suspendu l’acte d’écriture, Cheikh Hamidou Kane, qui a fêté ses 77 ans le 7 décembre, ne chôme pas pour autant.

Son premier livre a nourri quantité de commentaires, il est étudié aux États-Unis, en France, inscrit aux programmes de nombreuses écoles africaines et traduit dans une vingtaine de langues, mais Cheikh Hamidou veut consacrer l’essentiel de son temps à l’enfance déshéritée et à la culture de son peuple diallobé (les Peuls). Cette dernière passion est récente. « Même si, insiste celui qui fut plusieurs fois ministre sous Senghor et Abdou Diouf, j’ai toujours porté ma culture peule en moi. Partout où je vais, dès qu’on me signale la présence d’une hutte, je trouve le moment d’aller dire bonjour à mes frères. »
Voilà pourquoi il a accepté en 1998 de prendre en charge l’aile sénégalaise de l’association Tabital Pulaagu International, qui oeuvre à la sauvegarde de la culture peule et à sa modernisation. Elle réunit quatorze pays d’Afrique, du Cameroun à la Gambie. Sans oublier les diasporas : de fortes communautés peules résident aujourd’hui aux États-Unis, en Asie, en Europe.
Cheikh Hamidou Kane n’en oublie pas pour autant ce qu’il appelle sa seconde famille : Enda-Tiers Monde, ONG dont le siège est à Dakar, mais qui dispose de ramifications au Brésil, en Colombie, en France, en Inde… Président de cette organisation depuis 1978, il s’est retrouvé en première ligne après la mort, en avril 2002, du fondateur et secrétaire exécutif, Jacques Bugnicourt, son condisciple de l’École de la France d’outre-mer à Paris.
Ancien directeur de l’Unicef dans plusieurs régions d’Afrique ainsi que du Centre de recherche pour le développement international (CRDI) au Canada, Cheikh Hamidou Kane met son expérience au service de l’organisation. Par sa rigueur et sa disponibilité, il a sauvé Enda des querelles de succession. Depuis avril 2004, un nouveau conseil d’administration est en place. Mais, même libéré des fonctions exécutives, l’ancien ministre continue à arpenter les rues de Dakar, Bangkok, Nairobi ou Bamako à la rencontre de jeunes abandonnés.

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Cheikh Hamidou Kane, toujours débordant d’énergie, travaille aussi à l’organisation d’un spectacle sur l’empire du Mali du début du XIIIe siècle. Il y a, dit-il, dans cette séquence, une espèce de préfiguration de ce que pourrait devenir l’Union africaine. En 1236, une douzaine de petits royaumes et de principautés du Bassin du Niger se regroupent après s’être libérés du joug du roi Soumangourou Kanté. Une charte, dite de « Kouroukan Fougan », régit les relations entre les royaumes, les ethnies et les clans. Celle-ci frappe par ses similitudes avec la Magna charta fondant la démocratie et les droits de l’homme dans les pays anglo-saxons.
Si la pertinence de la « Charte de Kouroukan Fougan » est passée inaperçue, c’est du fait de son caractère oral. Cheikh Hamidou a proposé à des créateurs, écrivains, chercheurs et musiciens, parmi lesquels Djibril Tamsir Niane, Seydou Badian Kouyaté, Youssouf Tata Cissé, Ousmane Sow Icher, Baaba Maal, d’en tirer une histoire revue et corrigée. « Avec de bons acteurs, le message sera très fort, et donnera même des idées au reste du monde », soutient le Gardien du Temple (titre de son second roman, paru en 1995 chez Stock). Le spectacle, qui utilisera le théâtre et le numérique sur fond de musiques traditionnelles et de rap, sera présenté devant les dirigeants de l’Union africaine. Cela pourrait être au prochain Festival mondial des arts nègres, dont la tenue a été annoncée pour 2006 par le président sénégalais Abdoulaye Wade.
Ceux qui se sont délectés de L’Aventure ambiguë et du Gardien du Temple qui décrypte l’Afrique des révolutions de palais devront prendre leur mal en patience. Faute de temps, Cheikh Hamidou Kane a dû mettre de côté le projet qui l’habite depuis de nombreuses années : écrire la saga de grands leaders noirs. Sur les cahiers qu’il garde à portée de main, on trouve des notes sur Cheikh Amadou Bamba, El Hadj Malik Sy, maîtres spirituels du Sénégal, sur le résistant guinéen Samory Touré ou l’ancien président sud-africain Nelson Mandela.

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