Une investiture aux allures de consécration

Teodoro Obiang Nguema a célébré le 20 janvier sa réélection à la tête de l’État. Pourquoi la cérémonie a connu un tel succès.

Publié le 28 janvier 2003 Lecture : 5 minutes.

Comme pour se faire admirer, les deux gros hélicoptères russes, des Mi-26, n’en finissent pas d’aller et venir, à basse altitude. Parfois, ils s’immobilisent au-dessus de la foule, qui les applaudit. Ils sont la « sécurisation aérienne » du dispositif, et leur lent tournoiement contraste avec la frénésie des cortèges de voitures officielles qui débouchent en ville, sirènes hurlantes, en provenance de l’aéroport. Un à un, les invités du président équatoguinéen arrivent à Malabo. En ce dimanche 20 janvier, les rues sont balayées, les façades sont repeintes : la grande cérémonie peut commencer. Pour sa première prestation de serment organisée en grande pompe, Teodoro Obiang Nguema a de quoi être satisfait : pas moins de neuf chefs d’État ont fait le déplacement jusqu’à lui. Assis au premier rang du Centre de conférences internationales de Banapa, ses voisins sont tous là : Olusegun Obasanjo du Nigeria, Denis Sassou Nguesso du Congo, Idriss Déby du Tchad et le Santoméen Fradique de Menezes. Quant à Paul Biya, Omar Bongo et Ange-Félix Patassé, ils sont venus accompagnés de leurs épouses. Pour l’Afrique de l’Ouest, seuls Mathieu Kérékou et Abdoulaye Wade ont fait le voyage. Quant à José María Aznar, le chef du gouvernement espagnol, il a dépêché, en dépit de relations toujours un peu tendues entre Madrid et son ancienne colonie, son secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Ramón Gil-Casares, qui passe pour être un grand ami de la Guinée équatoriale après avoir été par deux fois en poste à Malabo. Jacques Chirac est représenté par l’ancien ministre de la Coopération, Jacques Godfrain, qui n’a laissé ici que de bons souvenirs et que le président Obiang a accueilli avec cet amical : « Alors, Jacques, que deviens-tu ? » Amara Essy, président intérimaire de l’Union africaine, est aussi de la fête, ainsi que l’ambassadeur américain George McDade Stables.
C’est plus qu’il n’en fallait pour faire de cette cérémonie d’investiture un succès. Certains ne manqueront pas de dire que cet empressement autour d’Obiang n’est que la suite logique d’une diplomatie menée à coups de pétrodollars. Il est vrai qu’en devenant le troisième producteur de pétrole de la région, derrière le Nigeria et l’Angola, la Guinée équatoriale est subitement passée du statut de petit pays dominé économiquement par de grands voisins à celui, beaucoup plus enviable, de puissance financière régionale. Et il ne fait guère de doute que cette soudaine richesse a contribué efficacement à élargir le champ de ses amitiés, autant que le nombre de ses obligés. Pourtant, ce succès diplomatique est aussi le résultat d’un long travail entrepris dès 1982, soit moins de trois ans après le renversement en août 1979 du sanglant dictateur Macias Nguema, et plus de dix ans avant l’arrivée de la manne pétrolière. Beaucoup trop lent aux yeux des partis d’opposition et des gouvernements espagnols qui se sont succédé, ce travail de réformes et d’intégration régionale a néanmoins permis à la Guinée équatoriale de se doter d’une nouvelle Constitution. Et préparé le lancement, en 1991, du projet dit « d’essai démocratique » qui devait permettre, un an plus tard, l’instauration du multipartisme. Dès 1983, le pays commençait à rompre son isolement en adhérant à la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et à l’Union douanière et économique de l’Afrique centrale. Et c’est en 1985 que la Guinée équatoriale, au risque de déplaire fortement à l’ancienne puissance coloniale espagnole, est devenue membre à part entière de la zone franc. Certes, tout cela a pris beaucoup de temps. Aujourd’hui encore, toutes les règles du jeu démocratique ne sont pas totalement respectées, ni celles de la transparence en matière de gestion des finances publiques. Il n’en demeure pas moins que le chemin parcouru est considérable et que ce pays semble sur le point de réussir une difficile transition démocratique après les dures années de colonisation franquiste, celles d’une dictature particulièrement sanglante et celles, enfin, toujours très risquées en Afrique, du passage d’un système de parti unique au multipartisme. Il est à noter que la cérémonie d’investiture, qui s’est déroulée en présence des membres de la Cour suprême de justice et du Tribunal constitutionnel, a été convoquée moins d’une semaine après la tenue à Malabo d’une autre cérémonie organisée à l’occasion de la rentrée judiciaire. Dans un discours qu’a lu son Premier ministre, Candido Muatetema Rivas, Obiang Nguema y déclarait : « À partir de cette année, je voudrais que les juges et les magistrats mettent fin à l’insécurité juridique et au manque de défense dénoncés par les citoyens nationaux et étrangers qui porte énormément préjudice à la crédibilité de notre pays. » Il est vrai qu’en ce domaine beaucoup reste à faire, à la fois pour sécuriser les petits investisseurs étrangers et pour faire de chaque Équatoguinéen un citoyen jouissant de tous ses droits. Lors de sa prestation de serment, Obiang Nguema a d’ailleurs tenu à rappeler que c’est à la « consolidation de l’État de droit » qu’il compte consacrer son nouveau mandat. Pour celui qui se succède ainsi, pour la troisième fois, à la tête de l’État, l’autre priorité sera l’amélioration sensible des conditions de vie de ses concitoyens. En ce domaine, personne ne comprendrait, en effet, que ce pays devenu riche ne parvienne à mener à bien les grands projets annoncés en matière de santé publique et d’éducation.
Alors que nombre d’observateurs s’interrogent encore sur la manière dont les autorités équatoguinéennes vont gérer les revenus du pétrole, le président Obiang assure, quant à lui, qu’il a beaucoup appris de l’expérience de ses voisins et qu’il ne commettra pas les mêmes erreurs. À l’issue de la cérémonie, Ramón Gil-Casares admettait que « l’Espagne a longtemps commis l’erreur de traiter la Guinée équatoriale comme un pays latino-américain ». « Nous avons exercé trop de pressions, a-t-il ajouté, alors que la France, qui connaît mieux la région, a su accompagner le mouvement. » Si l’Espagne vacille dans ses certitudes vis-à-vis de son ancienne colonie, on peut penser que cette investiture a bien pris des allures de consécration.

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