Une destination toujours prisée

La crise mondiale du tourisme n’a pas épargné le pays en 2002. Mais, grâce aux visiteurs maghrébins, ses conséquences ont été limitées.

Publié le 28 janvier 2003 Lecture : 6 minutes.

«Globalement, c’est moins mauvais qu’on le craignait compte tenu de la conjoncture internationale. » Tel est le bilan de l’année touristique 2002 que dresse Mondher Zenaïdi, le ministre tunisien du Tourisme, du Commerce et de l’Artisanat. Avec des recettes en devises de l’ordre de 2,024 milliards de dinars (1,4 milliard d’euros) l’an dernier et 5,07 millions de touristes, le pays dépasse très légèrement les objectifs que le ministre avait fixés : 5 millions de visiteurs et 2 milliards de dinars (1,38 milliard d’euros) de recettes en 2002.
Étant donné la crise mondiale que subit le secteur du tourisme, conséquence des événements du 11 septembre 2001, on peut estimer que la première destination du continent africain a su résister au choc, même si les performances en 2002 sont moins bonnes qu’en 2001. Les recettes ont en effet diminué de 13,5 % en 2002 par rapport à l’année précédente, et le nombre de visiteurs a également chuté de 6 %. Les Européens, moins nombreux l’année dernière, sont les principaux responsables de cet affaissement (voir encadré). Alors qu’en 2001 ils constituaient 67 % des touristes, ils ont réduit de 20 % leurs visites dans le pays l’année dernière. En plus d’un contexte international peu favorable, la situation de certains pays n’a pas encouragé les habitants à s’offrir des vacances à l’étranger. La mauvaise conjoncture économique de l’Allemagne ainsi que l’attentat terroriste de Djerba, en avril 2002, dont la majorité des victimes est allemande expliquent en partie la chute de 37 % du tourisme en provenance de ce pays entre 2001 et 2002. A contrario, on note un accroissement du nombre de touristes russes, bulgares, turcs et maltais. Mais ce sont les entrées des Maghrébins qui ont en partie compensé les baisses européennes. Le nombre de vacanciers algériens est en légère augmentation, avec presque 624 000 touristes en 2002, tandis que le marché libyen a progressé, lui, de près de 17 % (environ 1,2 million de voyageurs). Les visiteurs de ces deux pays logeant souvent chez l’habitant, ce sont les hôteliers qui ont le plus souffert de cette tendance, enregistrant une baisse de 17,4 % du nombre de nuitées à 2,9 millions.
À l’instar des hôteliers, Mondher Zenaïdi ne pavoise pas mais se dit confiant dans une reprise prochaine de l’activité malgré les menaces de guerre en Irak. Une reprise qui s’est d’ailleurs déjà amorcée, comme le montrent les statistiques 2002. Après une chute sérieuse des effectifs européens jusqu’en juillet, la tendance a commencé à s’inverser à partir du mois d’août. Alors que le nombre de touristes étrangers est tombé de 13,7 % durant les sept premiers mois de 2002 en comparaison avec la même période de l’année précédente, il a connu une hausse de 5 % entre août et décembre par rapport à 2001. Et dans les hôtels, on remarque une tendance identique : en décembre, les nuitées ont augmenté de 15 % par rapport à décembre 2001 (durant les deux premières semaines de janvier 2003, elles se sont établies à + 22 % par rapport à la même époque de 2002). C’est là encore la clientèle européenne qui a donné le ton. De janvier à juillet, les visiteurs français ont été 22 % de moins. Un taux ramené à 5 % entre août et décembre. « La Tunisie a résisté parce qu’elle a, globalement, une image de pays sûr et stable, note Mondher Zenaïdi. Cette image nous a beaucoup servis. » De plus, « les prestations et le rapport qualité/prix restent à l’avantage de la Tunisie dans le Bassin méditerranéen ». Et le ministre de rappeler que « le gouvernement a mené une politique de promotion agressive, augmentant le budget publicitaire de 50 % en 2002, soit 42 millions de dinars (29 millions d’euros) dépensés contre 28 millions de dinars (19 millions) en 2001 ». Ces efforts devraient également profiter à la Tunisie durant l’année à venir, comme le pense le ministre : « Si 2002 a été, pour nous, une année de transition, où l’on a réussi à limiter l’impact de la conjoncture, 2003 devrait être l’année de la reprise de l’activité et du retour à un niveau habituel. Nous devrions retrouver les performances de 2001, soit 12 % à 13 % de hausse des recettes. » Les professionnels du tourisme sont d’ailleurs nombreux à partager cet optimisme. Le World Travel & Tourism Council (WTTC), un forum regroupant les principaux acteurs du tourisme international, annonce une forte croissance du tourisme et des loisirs en 2003, de l’ordre de 4,1 %. Les tour-opérateurs Neckerman, TUI, ITS et L.Tour, très présents en Tunisie, prévoient une reprise des voyages vers cette destination. « Le potentiel du pays dans le domaine touristique est considérable. Nous nous attendons à une bonne année pour le tourisme tunisien, qui peut compter sur les Allemands », a déclaré Karl Heinz Koegel, président du groupe allemand L.Tour, après avoir rencontré le président Ben Ali, le 16 janvier. Quant au voyagiste Neckerman, lui aussi allemand, il estime à 13 % la croissance du nombre de ses clients pour la Tunisie. Les Français devraient également revenir massivement. Le Club Med, qui affiche une chute de 15 % du nombre de nuitées dans ses infrastructures tunisiennes en 2002, compte retrouver une croissance positive en 2003 grâce à ses six hôtels et villages, dont trois sur l’île de Djerba. Preuve de l’enthousiasme des professionnels du secteur pour 2003, la société, en partenariat avec le français Aqua Jet, va lancer, au cours du premier trimestre, la première base pour l’Europe et l’Afrique consacrée aux loisirs et sports nautiques comme la moto marine et le quad sur cette même île. Autre exemple, le groupe français Accor, leader mondial de l’hôtellerie, qui entame la réalisation de six mégaprojets dans plusieurs stations touristiques tunisiennes pour un investissement estimé à 90 millions d’euros.
Reste que si l’optimisme est de mise, la Tunisie doit néanmoins chercher à être toujours plus compétitive. Cette année 2002 mitigée a en effet révélé les faiblesses du secteur. À commencer par la trop grande dépendance du pays vis-à-vis des touristes français et allemands, soit environ 2 millions de visiteurs sur les 5 qu’il reçoit chaque année. Une politique de diversification des pays d’où viennent les touristes, recommandée par la Banque mondiale, a débuté en 2002. « Elle a déjà commencé à porter ses fruits, surtout dans les pays d’Europe de l’Est, où il y a un fort potentiel », précise le ministre du Tourisme, grâce notamment à des campagnes de promotion et à l’amélioration des liaisons aériennes. D’autres marchés touristiques prometteurs, ceux du Maghreb, du Moyen-Orient et du Golfe, sont en pleine structuration, et nombre d’opérations sont organisées à leur intention : depuis l’an dernier, des agences de voyages offrent des forfaits aux touristes algériens et libyens. Des bureaux de représentation de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) se sont ouverts à Damas, à Dubaï et en Arabie saoudite. Signe des temps : des spots publicitaires ont été diffusés sur la chaîne de télévision Al-Jazira, habituellement mal vue par une partie de la classe politique, mais dont l’impact sur les marchés visés est certain. Au-delà de la publicité, l’image du pays se travaille aussi en améliorant les infrastructures. Certes la Tunisie a la réputation de posséder des hôtels-jardins parmi les plus beaux de Méditerranée. Les établissements quatre ou cinq étoiles récents ou rénovés constituent 40 % de la capacité en lits. Mais les hôtels de plus de vingt ans représentent à peu près le quart du nombre total de lits du pays. Or, en temps de crise, les régions dont les hôtels sont les plus vétustes sont aussi les plus affectées. Le gouvernement a donc approuvé, l’an dernier, un programme de mise à niveau et de rénovation de ces établissements. Quant aux infrastructures de plus haut standing, elles ont besoin de promotion. Le tourisme tunisien a la réputation d’être essentiellement balnéaire alors qu’il a développé, au cours des quinze dernières années, des niches telles que le tourisme saharien, culturel (43 sites et musées), sportif, de plaisance avec 2 200 places d’ancrage pour les bateaux dans 6 ports, 11 centres de thalassothérapie et 8 golfs. Deux autres sont d’ailleurs en cours de réalisation dont l’un, dans la région de Tozeur, unique en son genre, s’étend des palmeraies aux dunes du désert. « Ces produits méritent d’être mieux connus. Il faut les aider à s’épanouir », souligne le ministre, conscient de ces atouts pour attirer une clientèle à fort pouvoir d’achat.

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