Que de palabres !

À peine née, l’entité panafricaine voit les États membres multiplier les pro positions d’amendement de l’Acte constitutif.

Publié le 28 janvier 2003 Lecture : 3 minutes.

L’Union africaine (UA) n’a pas encore soufflé sa première bougie (elle est née officiellement le 8 juillet 2002 à Durban) qu’elle a déjà vécu son premier Conseil des ministres extraordinaire (à Tripoli, les 9 et 10 décembre 2002) et s’apprête à vivre son premier sommet extraordinaire (à Addis-Abeba, les 3 et 4 février prochain). Quel conflit d’importance ou catastrophe humanitaire a donc contraint les instances de l’UA à sortir du calendrier ordinaire et à convoquer les ministres des Affaires étrangères, puis les chefs d’État, le tout dans l’urgence ? La situation en Côte d’Ivoire ? Les exactions commises dans la région de l’Etori, en République démocratique du Congo (RDC) ? En fait, ces rencontres impromptues ont pour seul ordre du jour des demandes d’amendement de l’Acte constitutif de l’UA. Vous avez bien lu : à peine née, la nouvelle entité panafricaine nécessite un lifting. C’est du moins la position des quatre pays – Guinée équatoriale, Libye, Sénégal et Tanzanie – qui avaient soumis au sommet de Durban (8-10 juillet 2002) des propositions d’amendement du Texte fondamental. Tripoli et Dakar ont été les plus prolifiques en termes de propositions. Les deux autres, Guinée équatoriale et Tanzanie, n’ont soulevé qu’un problème linguistique. La première demande que la langue de Cervantès soit considérée comme une langue de travail, et la seconde réclame le même statut pour le swahili. Le Conseil des ministres de Tripoli avait donc pour mission d’étudier toutes ces propositions et de soumettre son travail à l’approbation des chefs d’État à Addis-Abeba, le 3 février.

Doléances linguistiques
S’agissant des deux doléances linguistiques, les chefs de la diplomatie africaine sont convenus que l’introduction de nouvelles langues de travail serait contraignante, au plan pratique et surtout budgétaire (recrutement de nouveaux traducteurs et élaboration des documents officiels avec deux versions supplémentaires). Toutefois, estimant que la revendication équatoguinéenne et tanzanienne est légitime, le Conseil a renvoyé son examen au sommet.
Le Sénégal a eu moins de chance. Son projet de provoquer un changement de siège de l’UA après l’adoption d’une majorité qualifiée des deux tiers a soulevé l’ire de la délégation éthiopienne, soutenue par les pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe.

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Déception libyenne
Résultat : Addis-Abeba a été confirmé comme siège de l’UA. En outre, le Sénégal a dû retirer deux projets d’amendement : faire de la diaspora africaine la sixième région de l’UA et transformer le Conseil exécutif de l’UA (les ministres des Affaires étrangères) en gouvernement de l’organisation. Quant à la suppression du Comité des représentants permanents (composé des ambassadeurs africains en poste à Addis-Abeba) et l’allongement de la durée du mandat (actuellement d’un an) du président en exercice (coprésentés avec la Libye), ils ont été renvoyés au comité ad hoc. Mais vu la tournure des débats à Tripoli et les réactions hostiles de la part de nombreuses délégations, notamment celle du Nigeria, il y a peu de chances que ces amendements passent à Addis-Abeba.
La Jamahiriya a réussi à arracher l’accord des ministres africains sur plusieurs changements qu’elle a suggérés. Tous les États membres doivent désormais s’abstenir de conclure des traités ou alliances incompatibles avec les buts et objectifs de l’UA. Autre succès libyen : la coordination africaine en matière de politiques étrangères et de défense. En revanche, la suggestion de Kadhafi d’élargir les attributions du président en exercice, dont celle de convoquer un sommet extraordinaire après acceptation de la majorité (simple) des États membres, n’a pas été retenue. Pour le Guide, le président de l’UA devrait s’occuper exclusivement de l’organisation. Autrement dit, il doit abandonner temporairement la direction des affaires de son pays. Mais la grande déception des Libyens est le renvoi de l’amendement sur la suppression de l’article 31 qui prévoit la cessation de la qualité de membre. Selon Ali Treiki, ministre libyen des Affaires africaines, « s’il est inconcevable de voir un État quitter l’Organisation des Nations unies, il est tout autant inconcevable de voir un pays africain quitter l’UA ». Là aussi, il y a peu de chance que cette proposition passe à Addis.
En raison des événements qui secouent son pays, le ministre ivoirien des Affaires étrangères Aboudramane Sangaré a suggéré que l’UA interdise à tout État membre de permettre l’utilisation de son territoire comme base arrière pour déstabiliser un pays voisin. La proposition a été acceptée.

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