Le désert fait recette
Le Sahara fascine les Occidentaux. Les éditeurs surfent sur cet engouement, au risque de transformer de superbes clichés en malheureux poncifs.
En cet hiver 2002-2003, plusieurs beaux-livres consacrés au désert des déserts viennent rappeler l’intérêt des Occidentaux pour le Sahara. Pourquoi un tel engouement, qui semble croître d’année en année si l’on en juge par la production des éditeurs français ?
La page 4 de couverture de l’un des ouvrages sortis à la fin de l’année dernière, celui de Jean-Marc Durou, donne un élément de réponse : « Quel voyageur traversant le désert n’a été saisi d’une indicible émotion devant le spectacle des dunes moutonnant à l’infini dans le rougeoiement du couchant, l’apparition d’un nomade arrivant de nulle part ou la vision fugace d’une minuscule caravane disparaissant au loin dans l’étendue inhumaine d’un reg sans fin ? »
Alignement de clichés ? Peut-être. Toujours est-il que l’album des éditions Vents du Sable est un modèle du genre : images saisissantes de beauté, mise en pages impeccable, pas de bavardage inutile, mais de très belles citations de personnages aussi divers que Théodore Monod, Mano Dayak, André Chouraqui, Friedrich Nietzsche ou encore Jeremy Swift, qui, chacun à sa façon, manifestent leur passion pour les immensités de sable.
Philippe Lafond, lui, a jeté son dévolu sur l’Ennedi(1), au nord-est du Tchad, présenté comme « un éden au Sahara ». Dans cet incroyable sanctuaire tropical, certaines vallées sont recouvertes de forêts, et des crocodiles se prélassent sur les berges de véritables lacs. Entre palmiers doum et ficus, des espèces végétales typiquement soudaniennes prospèrent à près de 1 000 km de leur habitat actuel.
Faune, flore, peintures rupestres, tout rappelle que le Sahara, il y a finalement peu de temps, n’était pas un désert.
S’ils sont tous l’oeuvre de photographes au talent reconnu, ces livres ont été conçus dans des optiques éditoriales très différentes. Grâce à la technique du polaroïd, Jean-Luc Manaud, à qui l’on doit déjà plusieurs magnifiques ouvrages plus conventionnels, renouvelle le genre avec des images sobres traduisant l’austérité de lieux pour le moins inhospitaliers.
Par-delà la beauté des paysages, c’est la dure vie des hommes de l’Aïr, dans le nord du Niger, qui est mise en scène.
Retour au Tchad avec un quatrième ouvrage(2) dont l’originalité frappe d’emblée. Format à l’italienne, images en noir et blanc, textes en gros caractères machine : ce livre ne ressemble en rien aux autres. Et pour cause : il a été réalisé à partir des photogrammes du film de Raymond Depardon Un homme sans l’Occident, qui sort en salle en ce mois de janvier.
Dédié « aux habitants des déserts africains dont l’existence est difficile », l’ouvrage de Raymond Depardon explique à lui seul la fascination qu’exercent ces régions sur les esprits occidentaux. Que des hommes privés de tout, ou presque, puissent survivre dans des univers aussi hostiles ne cesse de susciter leur admiration. Alors, le temps d’un voyage organisé, voire d’un film ou d’un livre, ils se prennent à rêver de vivre comme eux.
1. Ennedi, un éden au Sahara, photos de Philippe Lafond, textes de Daniel Popp, Le Chêne, 224 pp., 45,50 euros.
2. Désert, un homme sans l’Occident, photos de Raymond Depardon, Le Seuil, 144 pp., 35 euros.
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