La Tanzanie, victime numéro un

Dix pour cent des dus à la maladie sont aujourd’hui recensés dans ce pays de 33 millions d’habitants.

Publié le 28 janvier 2003 Lecture : 3 minutes.

Le paludisme est, en Tanzanie, la première cause de mortalité et de morbidité (proportion du nombre de malades dans la population). Dix pour cent des décès mondiaux dus à la maladie (soit plus de 100 000 morts) sont recensés dans ce pays de 33 millions d’habitants. La lutte contre la malaria s’est pourtant mise en place dès la colonisation allemande, en 1902. Distribution massive de quinine à Dar es-Salaam, nettoyage des sols et drainage pour éliminer les larves d’anophèles n’ont pas permis d’endiguer une épidémie qui, à la veille de la Première Guerre mondiale, a flambé. Après la Seconde, les colons britanniques ont poursuivi les efforts, s’attachant particulièrement à l’éradication des larves en zone urbaine et à la dissémination d’insecticides contenant du DDT dans les zones d’eaux croupissantes. Dès l’indépendance, en 1961, le ministère de la Santé a repris la lutte à son compte, via la création d’une « Unité de contrôle de la malaria », toujours en exercice. Contrairement aux colons, les Tanzaniens ont adopté une politique d’accès à la santé « pour tous » et ont donc privilégié la lutte contre la malaria en zone rurale, où vit près de 90 % de la population, délaissant quelque peu les villes. Au milieu des années quatre-vingt, les indicateurs sanitaires étaient plutôt encourageants : depuis l’indépendance, l’espérance de vie était passée de 35 ans à 52 ans, et la mortalité infantile de 160 ä à 135 ä. Dans certaines régions rurales, plus de 90 % de la population avait accès aux antipaludéens à la fin des années soixante-dix. Malgré tout, la Tanzanie reste l’un des pays les plus touchés. Selon le professeur Charles Kihamia, de l’Institute of Public Health, « la prévalence devrait encore augmenter, car les résistances aux médicaments se multiplient ». Jusqu’en août 2001, le gouvernement recommandait, en première intention, l’utilisation de chloroquine. Mais avec plus de 50 % de résistance, les Tanzaniens ont choisi de l’abandonner au profit de la sulfadoxine-pyriméthamine (SP), qui, si elle n’est pas d’une efficacité totale, affiche moins de résistance. L’artémisine, le médicament venu d’Asie, n’est prescrite qu’en seconde intention : « Trop chère, indique Kihamia. Compte tenu de son prix, nous ne l’utilisons que pour des accès palustres sévères ou résistants au SP. » À terme, il faudra certainement l’adopter en première ligne, car la résistance au SP continuera à croître tant qu’on l’utilisera. En cas de crise très grave, ou cérébrale, la bonne vieille quinine est toujours plébiscitée.
Cinq millions d’enfants de moins de 5 ans et 6,7 millions de femmes en âge de procréer sont exposés au parasite. Sur 80 % du territoire, on estime que la transmission de la maladie se fait en moins de trois mois. Et pour aggraver le tout, 90 % des cas sont provoqués par le Plasmodium falciparum, la forme de paludisme la plus dangereuse. La prévention ne passe pas par la prophylaxie, « qui, selon le professeur, serait trop onéreuse, surtout pour les ruraux [une dose coûte 600 shillings, 0,6 euro] et provoquerait le développement de résistance ». Comme beaucoup, les autorités tanzaniennes pensent que la meilleure arme est l’utilisation de moustiquaires imprégnées. Mais surtout en zone urbaine. « Dans les campagnes, explique Kihamia, il faut parfois marcher longtemps avant de trouver une boutique où acheter la moustiquaire. Il n’est pas évident ensuite de l’installer dans des maisons précaires où les gens dorment par terre. » À la différence de nombreux pays africains, la Tanzanie a pourtant l’avantage de produire elle-même ces moustiquaires imprégnées, ce qui en réduit considérablement le coût. Mais seule 50 % de la population à risque en est équipée. Pour les ruraux, la prévention s’appuie sur l’utilisation de répulsifs et d’insecticides, et sur l’éducation sanitaire. Kihamia rappelle que diagnostiquer et traiter rapidement la maladie évitent la répétition des crises. « Un malade qui, à la suite de fortes fièvres, de maux de tête, de frissons et de vomissements, vient dans un centre de soins ou une pharmacie annoncer qu’il a un accès palustre, explique Kihamia, peut disposer immédiatement du traitement : c’est un gain de temps considérable. » Cependant, en consultation externe à l’hôpital, la moitié des visites restent dues à des accès palustres non diagnostiqués par le malade. Charles Kihamia s’attache à développer, dans le cadre de l’unité de contrôle de la malaria, l’éducation des femmes enceintes, qui ainsi se protégeront et protégeront leurs enfants, et l’insertion de cours d’éducation sanitaire dans les cursus scolaires. Car, dit-il, « le problème du paludisme va s’aggravant, compte tenu du développement rapide des résistances, et seule la connaissance des risques permettra d’infléchir la courbe ».

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