Erdogan toujours en selle

La Cour constitutionnelle estime que le leader de l’AKP n’est pas habilité à présider son parti. Qui le réélit aussitôt à sa tête.

Publié le 28 janvier 2003 Lecture : 3 minutes.

En Turquie comme ailleurs, les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Les 21 et 22 janvier, Recep Tayyip Erdogan, le leader du Parti de la justice et du développement (AKP), vainqueur des législatives de novembre 2002, a reçu, de la part du pouvoir judiciaire, deux bonnes nouvelles… et un avertissement.
Accusé, d’une part, d’avoir perçu des revenus illégaux et, d’autre part, d’avoir favorisé des entreprises proches de son mouvement pour la passation de marchés publics entre 1994 et 1998, époque où il était maire d’Istanbul, il a été blanchi par deux juridictions stambouliotes pour insuffisance de preuves.
L’avertissement, lui, émane de la Cour constitutionnelle. Dans un arrêt rendu le 22 janvier, elle estime qu’Erdogan n’est pas habilité à présider l’AKP. L’argument est le suivant : en démissionnant du comité de direction le 17 octobre dernier pour éviter la dissolution de son parti, il aurait renoncé, de fait, à ses fonctions de président.
L’affaire remonte au fameux poème aux accents belliqueux récité par Erdogan en 1997 lors d’un meeting. Les mosquées y étaient comparées à des casernes, les minarets à des baïonnettes et les croyants à des soldats.
Pour ce qui est considéré comme une « incitation à la haine religieuse et raciale », Erdogan purge quatre mois de prison en 1999. En octobre 2002, le Haut Comité électoral invalide sa candidature aux législatives, ce qui l’empêche de participer au scrutin et lui coûte le poste de Premier ministre. Simultanément, Erdogan démissionne du comité exécutif de l’AKP pour se conformer à une première décision de la Cour constitutionnelle, fondée, elle aussi, sur le même « délit ».
Sur le plan légal, la seconde décision que vient de prendre la Cour est logique. Mais son impact, au-delà des tracasseries qu’elle implique, devrait être relativement limité. Considérant que cet arrêt ne peut être appliqué de manière rétroactive, le comité exécutif de l’AKP a réélu Erdogan à la présidence du parti dès le lendemain, à l’unanimité. Surtout, le gouvernement d’Abdullah Gül a soumis au Parlement, à la fin de décembre, des amendements constitutionnels permettant à son leader « naturel » de se présenter à une élection partielle et de pouvoir, à terme, accéder au poste de Premier ministre. Ces amendements stipulent que seules les personnes condamnées pour « crime terroriste » (et non plus pour « délit idéologique ») seront désormais inéligibles. Certes, le président de la République Ahmet Necdet Sezer y avait d’abord opposé son veto, estimant que la Constitution ne pouvait être modifiée pour servir les intérêts d’une seule personne, mais il a fini par s’incliner devant l’obstination des parlementaires.
Après le président et la justice… le mauvais temps. C’est à Siirt, dans le sud-est du pays, où l’élection de novembre a été invalidée pour irrégularités, qu’Erdogan devrait en principe se porter candidat. Or le scrutin, initialement prévu pour le 9 février, a été repoussé au 9 mars, le Haut Comité électoral invoquant la rudesse du climat qui complique l’organisation du vote.
Si la décision de la Cour constitutionnelle s’apparente davantage à un « show » qu’à un obstacle insurmontable, elle n’en demeure pas moins une manifestation de la méfiance – voire de l’aversion – de l’establishment laïc à l’égard de l’AKP, un parti aux racines islamistes, mais qui se proclame « conservateur de centre-droit ». Pour mémoire, le général Büyükanit, chef d’état-major adjoint, a rappelé, le 8 janvier, que « la menace fondamentaliste n’avait pas diminué, et la vigilance de l’armée non plus ».

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