Aller simple pour la mort

En trois semaines, deux immigrés clandestins ont perdu la vie lors de reconductions à la frontière pour le moins musclées.

Publié le 28 janvier 2003 Lecture : 2 minutes.

L’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle serait-il en train de se transformer en mouroir pour étrangers en situation irrégulière ? C’est la question qu’on est en droit de se poser depuis l’annonce du décès, le 18 janvier, d’un jeune Somalien âgé de 24 ans. Mariame Getu Hagos, arrivé de Johannesburg le 11 janvier, avait été déclaré indésirable sur le territoire français. Ayant refusé à plusieurs reprises son embarquement de force, il devait être reconduit, sous escorte de la police de l’air et des frontières, sur le vol 990 d’Air France en direction de Johannesburg. Selon le communiqué du parquet de Bobigny, en banlieue parisienne, « les fonctionnaires de police ont usé de la contrainte à l’égard de cette personne, qui avait auparavant simulé des malaises et qui se débattait. […] Au cours de cette opération, précise le communiqué, le ressortissant somalien a perdu connaissance puis, après les premiers secours, a été admis dans un hôpital de la banlieue parisienne, où il est décédé le 18 janvier après une phase de coma. »
La suspension provisoire par le ministère de l’Intérieur des trois fonctionnaires de police chargés de l’escorte du jeune homme, dans l’attente des conclusions de l’enquête judiciaire, ne suffit pas à calmer les associations de défense des droits de l’homme et des immigrés. C’est en effet le deuxième décès dans des circonstances similaires en moins de trois semaines. Le 30 décembre 2002, un ressortissant argentin de 52 ans, également sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière, était mort d’une crise cardiaque à bord de l’appareil qui devait le reconduire en Argentine. L’autopsie avait conclu à une mort naturelle, une conclusion qui ne convainc pas le Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés (Gisti). Dans le cas du Somalien, le parquet de Bobigny s’est refusé à communiquer les premières conclusions de l’autopsie. Il a cependant ouvert une information judiciaire contre X pour homicide involontaire.
Cette nouvelle tragédie survient au moment où Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et superstar du gouvernement, se désole, dans le quotidien Le Monde daté du 18 janvier, de la baisse du taux des éloignements effectifs des étrangers en situation irrégulière (de 23,5 % en 1996 à 16,71 % en 2001). Selon le journal La Croix daté du 16 janvier, le ministre de l’Intérieur a demandé aux fonctionnaires préfectoraux de « faire des efforts » pour expulser les illégaux et de « lever les obstacles psychologiques » à la mise en oeuvre de la politique française d’éloignement. Sarkozy prévoit aussi le renforcement des liens entre le ministère de l’Intérieur et l’Office de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), chargé de l’examen des demandes d’asile. Il s’agit « d’organiser la reconduite des déboutés du droit d’asile dans leur pays d’origine, corollaire indispensable à la réforme du droit d’asile ». Entre l’humanisme et la générosité que Sarkozy professe dans Le Monde, ses attaques à l’égard des « droits-de-l’hommistes » et les bavures des fonctionnaires de la police des frontières, la synthèse est de plus en plus difficile à réaliser. Pour Mariame Getu Hagos, originaire d’un pays ruiné par la guerre et toujours sans État, tout cela n’a plus le moindre intérêt.

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