Vive la coca ! Non aux Yankees !

Publié le 2 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Avec 52 % des suffrages dès le premier tour, c’est une victoire sans appel qu’a remportée, le 18 décembre, Evo Morales, 46 ans, dirigeant du Mouvement vers le socialisme (MAS) et leader charismatique des indigènes planteurs de coca. Son principal adversaire, Jorge Quiroga (droite libérale), n’a obtenu que 29,6 % des voix.
Même s’il est encore trop tôt pour savoir si Morales sera plutôt de la tendance Lula ou de celle, plus radicale, incarnée par le Vénézuélien Hugo Chávez, il ne fait aucun doute que la Bolivie, en basculant à gauche, vient renforcer le camp des opposants à la politique ultralibérale des États-Unis dans la région.
Accueillie fraîchement par Washington – « nous félicitons Evo Morales pour son apparente victoire… » -, son élection ouvre pourtant la possibilité d’un vrai retour à la stabilité. Le 22 janvier, date de la cérémonie d’investiture, « Don Evo » sera en effet le quatrième chef d’État à prendre ses fonctions depuis 2002 et, surtout, le premier à avoir enfin les moyens d’aller au bout de son mandat. Lors de la présidentielle de 2002, Morales avait créé la surprise en arrivant deuxième (20 % des voix) derrière le richissime candidat proaméricain Gonzalo Sanchez de Losada (22 %), chassé du pouvoir en octobre 2003 par « la guerre du gaz » (voir J.A.I. n° 2320), après avoir réprimé dans le sang des manifestations populaires. Également poussé à la démission par les mineurs et les paysans en colère, son remplaçant constitutionnel, Carlos Meza, avait dû céder la place au président de la Cour suprême, Eduardo Rodriguez.
Bien que la Bolivie possède les plus importantes réserves de gaz d’Amérique du Sud, derrière le Venezuela, 63 % des 9 millions de Boliviens, indigènes pour la plupart, vivent toujours en dessous du seuil de pauvreté. Au cours de sa campagne, Morales a promis de nationaliser les richesses nationales, mais il semble avoir déjà mis un peu d’eau dans son vin. Lors d’une conférence de presse, le 20 décembre, à La Paz, il a précisé qu’il n’avait pas l’intention de « nationaliser les biens des compagnies étrangères » qui exploitent des gisements de gaz et de pétrole, mais qu’il compte prendre des mesures en ce qui concerne la nationalisation des terrains sur lesquels se trouvent les gisements. Tout en soulignant qu’il ne s’agira ni d’une confiscation ni d’une expropriation.
En revanche, en matière de coopération militaire avec les États-Unis dans la lutte contre le trafic de drogue, le premier président d’origine indienne de l’histoire de la Bolivie ne mâche pas ses mots : « Pour la première fois, nous sommes président. Aymaras, Quechuas, Chiquitanos, Guaranis… Nous avons gagné. Vive la coca ! Non aux Yankees ! » a-t-il lancé à ses partisans, le jour de la victoire. Le lendemain, il annonçait qu’il allait proposer une dépénalisation internationale de la culture de la coca, une plante utilisée rituellement et médicalement par les Indiens depuis des siècles, non sans préciser que son gouvernement allait mener une « lutte déterminée » contre le trafic de drogue. Mais ce dont le nouveau président ne veut plus, c’est que les forces armées et la police soient « subordonnées à des forces étrangères en uniforme », et que, sous prétexte de lutte contre le narcotrafic, Washington « renforce son pouvoir et son contrôle sur le gouvernement bolivien ». « à l’avenir, nous mènerons la lutte sans aucune intervention militaire extérieure », a-t-il conclu. Hugo Chávez ne dit pas autre chose, lui qui a déjà mis fin à toute forme de coopération militaire avec les États-Unis, et qui ne cesse de dénoncer le plan Colombia, qui permet aux troupes américaines de stationner dans la région.

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