Un bol d’air pour notre planète

L’accord signé le 10 décembre à l’issue de la Conférence des Nations unies de Montréal peut enfin laisser espérer une réduction sérieuse des émissions de gaz à effet de serre.

Publié le 4 janvier 2006 Lecture : 5 minutes.

La bataille contre le réchauffement climatique va marquer le xxie siècle. C’est un grand mouvement écologique qui obtient gain de cause après trente années de lutte, et aussi un grand « business » qui s’annonce entre pays industrialisés et pays en développement : financements nouveaux des énergies renouvelables, des technologies non ou peu polluantes, de la conservation des forêts
Le climat de la Terre a toujours varié de façon naturelle, mais la frénésie de consommation humaine, de voyages et de bien-être (chauffage, climatisation, réfrigération, congélation) est en passe de modifier l’équilibre climatique de la planète. Le docteur David Suzuki, 69 ans, a marqué les esprits lors de la dernière conférence de Montréal (28 novembre-10 décembre). Avec humour, il a lancé un cri d’alarme : « L’homme est le seul animal qui risque de s’autodétruire. » S’il ne prend pas davantage soin de son environnement climatique

La feuille de route de Montréal
La Conférence des Nations unies sur les changements climatiques « Montréal 2005 » est la plus importante jamais organisée. Elle a attiré quelque dix mille délégués venant de près de deux cents pays ainsi qu’un millier de journalistes. Des chefs de gouvernement, des ministres, des scientifiques, des représentants d’organisations non gouvernementales, des industriels ont fait le déplacement, et même un ancien président de la République, Bill Clinton, converti à l’écologie, à l’inverse du président George W. Bush, hostile à tout accord qui contraindrait les Américains à modifier un tant soit peu leur mode de vie Bush avait déclaré qu’il ne toucherait pas à l’American way of life.
Clinton a été ovationné lorsqu’il a déclaré que, s’il y a une chose à laquelle le « principe de précaution » devrait s’appliquer, c’est bien au réchauffement climatique : allusion directe à la guerre préventive contre l’Irak Bill Clinton a su, le 9 décembre, trouver les mots pour donner un formidable coup de pouce aux partisans des énergies renouvelables et propres par opposition aux adeptes des énergies fossiles, non renouvelables et polluantes (pétrole, charbon, gaz). Dans la nuit du 9 au 10 décembre, les représentants des pays industrialisés (Amérique du Nord, Europe occidentale et Japon, qui sont les plus grands pollueurs), des pays émergents (Chine, Inde, Brésil, les futurs grands pollueurs) et des pays en développement (les victimes de la pollution) sont tombés d’accord sur une « feuille de route ».
Tous les grands pays industrialisés sauf les États-Unis ont décidé de poursuivre la mise en uvre des mesures draconiennes de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) au-delà de la période fixée par le protocole de Kyoto (2008-2012). Tous les grands pays pollueurs y compris les États-Unis, la Chine, le Brésil et l’Inde ont promis d’entreprendre, à partir de 2006, un « dialogue non contraignant » visant à réduire, de façon progressive et volontaire, leurs émissions de GES. Tous les pays en développement ont accepté de mieux maîtriser avec l’aide financière et technologique des pays pollueurs leur consommation énergétique (plus d’énergie solaire et éolienne, moins de pétrole) et la préservation de leur patrimoine forestier, et de renforcer la lutte contre la désertification. Prochain grand rendez-vous ministériel, en décembre 2006, à Nairobi, au Kenya.

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Sous la pression des ONG
Depuis la première Conférence sur l’environnement (Stockholm, 1972) et le premier Sommet de la Terre (Nairobi, 1982), les Nations unies ont adopté une convention sur la protection de la couche d’ozone (Vienne, 1985) et un protocole sur les gaz à effet de serre (Montréal, 1987). Le lien entre climat et développement durable a été définitivement établi lors des deuxième et troisième Sommets de la Terre (Rio de Janeiro, 1992, et Johannesburg, 2002). Tout le monde a, enfin, pris conscience des conséquences de la pollution d’origine humaine (combustion des énergies fossiles) sur le climat de la planète (concentration dans l’atmosphère de gaz carbonique, de méthane pendant plusieurs siècles).
Les scientifiques ont pu mesurer le volume annuel des émissions de gaz à effet de serre : 25 milliards de tonnes équivalent CO2 (le gaz carbonique est utilisé comme unité de référence parce qu’il représente les plus grandes quantités). À titre d’information, une voiture moderne (2004-2005) émet moitié moins de CO2 qu’une ancienne : 160 g au km parcouru. L’un des objectifs de l’ONU (protocole de Kyoto, 1997) est de ramener cette émission à 140 g en 2008 et à 120 g en 2012. Ce qui représente bien sûr un coût. De même pour toutes les autres recommandations de réduction des émissions de GES. L’Europe et le Canada sont farouchement favorables à des diminutions obligatoires (un minimum fixé par pays). Mais les États-Unis et l’Australie s’y opposent : ils veulent des réductions volontaires, en dehors du contrôle onusien.
C’est sous la présidence de Clinton que la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques fut signée le 9 mai 1992 à New York. Elle a été suivie avec des mesures contraignantes pour les pays industrialisés par le protocole de Kyoto, le 11 décembre 1997. Rejeté notamment par les États-Unis et l’Australie, ce protocole est entré en vigueur le 16 février 2005 après la ratification de la Russie (voir encadré).
C’est la mise en uvre de ce protocole qui a été à l’ordre du jour de la « mégaconférence » de Montréal : les objectifs de réduction des émissions de GES portent sur la période 2008-2012. Il fallait s’entendre sur la poursuite de ce processus. En l’état actuel, il ne permet qu’une stabilisation des quantités de GES dans l’atmosphère. Les Européens et les Canadiens sont favorables à des réductions plus importantes (au-delà de la moyenne préconisée de 5 %). Après avoir refusé, les États-Unis, présents à Montréal au titre de la Convention de New York, ont fini par accepter de participer à un processus de « dialogue non contraignant » pour la période post-2012.
Cet accord a été arraché le lendemain de la clôture prévue de la conférence, à l’aube du 10 décembre. Il a été rendu possible par la formidable pression des ONG américaines et des maires de deux cents villes américaines, présents à Montréal et favorables à un engagement de leur pays dans le protocole de Kyoto : les réductions de GES vont entraîner un boom des investissements dans les nouvelles technologies (5 milliards de dollars déjà enregistrés en Europe, 500 projets dans le pipeline des pays en développement).

Pour en savoir plus
Secrétariat de la Convention sur les changements climatiques (UNFCCC), Bonn, Allemagne : www.unfccc.int
Banque mondiale, Washington, États-Unis :
www.carbonfinance.org

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