Tumultueux périple européen

Publié le 2 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

« Je ne peux pas ne pas riposter. J’en suis à la phase de la discussion, convaincu que le dialogue est toujours possible entre la France et moi. Si, au bout, je me rends compte du contraire, j’apporterai la réponse appropriée à l’agression dont j’ai été victime. » Charles Blé Goudé, leader des « jeunes Patriotes » ivoiriens, ne décolère pas après les tracasseries policières que Paris lui a fait subir au cours de son séjour en Europe, à la mi-décembre.
Tout a commencé le 9, à 5 heures du matin, à Bruxelles, où Blé Goudé transitait, en partance pour la ville italienne de Pérouse, quand il est interpellé par la police de l’air et des frontières. Alors que les autres membres de sa délégation sont admis sur le territoire belge sans aucune difficulté, lui est retenu et soumis à un interrogatoire six heures durant. Les questions fusent : « Avez-vous une fois vécu en France ? », « Qu’avez-vous comme problème avec ce pays ? »… On lui exhibe un « document d’alerte » portant la référence 012 88 50 50 51 19, et demandant « l’arrestation du nommé Charles Blé Goudé dans n’importe quel pays de l’espace Schengen, où il pourrait débarquer. Une requête valable jusqu’au 29 avril 2008 ». Avec sa verve habituelle, il se défend, explique le sens de son opposition à la France. Alerté, l’ambassadeur de Côte d’Ivoire à Bruxelles, Marie Gosset, intervient. On frôle l’incident diplomatique. Après des coups de fil au ministère belge des Affaires étrangères, la police libère l’interpellé. Avec les excuses protocolaires.
Cap sur Pérouse où, à l’invitation du maire Renalto Locchi, Blé Goudé doit assister à la projection du film sur les affrontements sanglants du 6 au 10 novembre 2004 à Abidjan entre la force française Licorne et les « jeunes Patriotes ». En accueillant son hôte, Locchi se dit « indigné par le comportement de la France ». Le 10 décembre, il assiste à la projection de La Victoire aux mains nues, de Sijiri Bakaba, en présence d’Italiens, ainsi que de ressortissants de Côte d’Ivoire et d’autres pays africains. Le 13 décembre, il fait Blé Goudé « citoyen d’honneur » de Pérouse, et lui remet les clés de la ville. Avant d’ordonner à sa première adjointe chargée des affaires sociales et de l’émigration, Capaldini Tiziana, et au responsable de l’Association italo-ivoirienne, Caramaschi Mario, de l’accompagner jusqu’à Abidjan.
Pour préparer l’escale belge sur le chemin du retour, le consul de Côte d’Ivoire en Belgique, Sébastien Gnaé Ngonsan, s’entretient avec la police de l’aéroport de Bruxelles tôt le matin du 15 décembre. Pourtant, quand Blé Goudé arrive dans la capitale belge en milieu de journée, il est retenu une vingtaine de minutes, le temps que les agents statuent sur l’opportunité d’appliquer ou non ce qu’ils appellent « l’article 96 (de la convention d’application des accords de Schengen) ».
C’est un Charles Blé Goudé gonflé à bloc qui atterrit à Abidjan en début de soirée. Les responsables de l’Alliance nationale des jeunes Patriotes qui l’accueillent ont déjà écrit à André Janier, l’ambassadeur de France, pour lui « demander des explications ». Rien ne laissait préjuger du comportement de la France. Quelques jours avant son voyage, Blé Goudé et Janier s’étaient discrètement rencontrés au domicile du ministre des Eaux et Forêts, Assoa Adou, dans le quartier résidentiel de Cocody. Au menu de leurs entretiens : comment décrisper les rapports entre Abidjan et Paris. Est-ce toujours à l’ordre du jour après le tumultueux périple européen du leader des « jeunes Patriotes » ?

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