Racisme : un cancer français

Publié le 2 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Deux images, deux électrochocs ont, en cette année qui s’achève, joué le rôle de révélateur du climat de sidération qui s’est emparé d’une Europe en proie au retour des grandes peurs du Moyen Âge. Les émigrés subsahariens agglutinés sur les barrières barbelées de Ceuta et de Melilla comme des lucioles sur une lampe-tempête. Et les méchouis de voitures carbonisées dans les banlieues françaises. La menace noire déferlant aux portes de l’espace Schengen et l’irruption du mal au coeur même de la douce France. Ainsi ces deux événements ont-ils été présentés à l’opinion européenne et donc perçus par elle. Un prisme diabolique, dont les résultats ne se sont pas fait attendre.
Deux images, mais aussi trois sondages réalisés en cette fin 2005 et qui démontrent ce que l’on redoutait : jamais, depuis des décennies, l’Europe, et singulièrement la France, n’avait présenté un visage aussi égocentrique. Selon les résultats encore partiels d’une enquête Eurobaromètre publiée le 18 décembre, 87 % des Grecs, 86 % des Hongrois, 64 % des Autrichiens et presque autant d’Espagnols et d’Italiens ont une « perception négative » de l’immigration, d’où qu’elle provienne. Plus proche de bien des lecteurs de J.A.I. et donc plus inquiétant encore : le profil de la France est en voie de radicalisation ethnocentriste accélérée. Publiés par Le Monde et par la très officielle Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), deux sondages récents sont venus illustrer cette évolution de moins en moins souterraine. Un Français sur quatre se déclare aujourd’hui en accord avec les idées extrémistes de Jean-Marie Le Pen sur l’immigration et la situation dans les banlieues. Un Français sur trois déclare que, « personnellement, il dirait de lui-même qu’il est raciste ». Un Français sur trois estime que le Front national (FN) ne représente pas un danger pour la démocratie. Un Français sur deux pense qu’ « on ne se sent plus vraiment chez soi en France ». Enfin, deux Français sur trois (63 %) assurent qu’il y a trop d’immigrés en France et la même proportion juge que « certains comportements peuvent justifier des réactions racistes ».
Sur fond de débat empoisonné à propos du passé colonial de la France et de crispations communautaires exclusives, le climat a rarement été aussi malsain qu’en cette fin 2005. Par rapport aux précédentes enquêtes d’opinion de ce type, la hausse de la xénophobie est spectaculaire, tout comme l’est la banalisation des thèmes favoris du caudillo vieillissant de l’extrême droite. Mais, en ethnicisant à outrance l’agitation sociale des banlieues et en adoptant sans pudeur un langage propre à séduire l’électorat du FN, l’UMP et son président, Nicolas Sarkozy, portent leur part de responsabilité dans la progression de ce cancer. Parce qu’ils sont, eux, « présentables » et politiquement corrects, ces élus du peuple et ce candidat déclaré à la présidentielle de 2007 ont décomplexé la parole xénophobe et rendu acceptables les réflexes d’exclusion. À force de piller idées et électeurs dans la cuisine du diable, on finit par lui ressembler. Et que dire de l’atonie du Parti socialiste qui n’a pas une seconde envisagé d’exclure de ses rangs – pas même de sanctionner – l’ineffable Georges Frêche, lequel, en plein hémicycle du conseil régional, à Montpellier, a entonné Le Chant des Africains, cet hymne des troupes coloniales récupéré par l’OAS ?
Le plus désespérant dans ce constat est qu’il se trouve des Africains – responsables qui plus est – pour l’aggraver. En visite fin décembre à Cotonou, le vicomte Philippe de Villiers, ci-devant président d’un Mouvement pour la France dont les thèses n’ont pas grand-chose à envier à celles du FN, a ainsi été qualifié de « vieil ami » par le ministre béninois des Affaires étrangères, alors que son collègue de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle se disait « complètement en phase » avec son « discours sur l’immigration ». On croit rêver. Il est vrai que Villiers, qui préside le conseil général de Vendée, était venu à ce titre distribuer de l’aide aux enfants des écoles. De quoi inciter les petits Béninois à apprendre par coeur – et à titre de remerciement – le désormais célèbre article 4 de la loi du 10 février 2005 portant sur « le rôle positif de la présence française outre-mer »…

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